La guerre de « Cent ans », autrement dit un conflit de souveraineté opposant Français et Anglais par le biais d'opérations militaires brèves, sporadiques et discontinues, se déroule entre 1337 et 1453, bornes conventionnelles qui en vérité peuvent être déplacées. Cette longue période de conflits non permanents, entrecoupée de négociations et de multiples trêves, opère de larges transformations au sein de la société française à différentes échelles : politique, sociale, économique, culturel, mentale.
Le 17 juillet 1453, l'armée royale vainc les troupes anglaises du commandant Talbot à Castillon, victoire qui annonce la reconquête de la Guyenne. Même si les hommes de l'époque ne l'ont pas immédiatement compris, la guerre de Cent Ans vient de s'achever. Quelques années auparavant, le royaume de France est à l'heure de nombreuses divisions : celles qui confrontent de façon récurrente le pouvoir central aux principautés, celles qui dans la famille royale opposent les princes entre eux. De surcroît, les rivalités s'accentuent au fur et à mesure que la folie de Charles VI devient irréversible, et c'est dans ce contexte qu'éclate la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons qui déchire le royaume.
Toutefois, ce temps de crise ne correspond pas à un temps de perdition et de recul du pouvoir royal. En l'absence du roi, l'administration s'est affirmée comme un corps social capable de soutenir l'intérêt public. Les effets de ce temps fort dans la construction de l'Etat et de la nation France sont perceptibles à la fin de la guerre de Cent Ans. En effet, la guerre de Cent Ans, dont les premières étapes constituent un vrai désastre militaire pour le royaume de France, aboutit finalement à la reconstruction d'un territoire autrefois divisé et occupé, au renforcement du pouvoir monarchique et au rétablissement de l'unité du royaume de France. Qui plus est, le conflit franco-anglais, par sa durée et son âpreté, éveille au sein de la société française de nouvelles sensibilités, de nouvelles oppositions, une nouvelle identité qui prennent racine dans l'exaltation des valeurs patriotiques et du sentiment national. C'est en ce sens qu'il faut se demander en quoi la guerre de Cent Ans a influé sur le développement et l'évolution de la société française.
Dès lors, nous appréhenderons la problématique suivante : dans quelle mesure le royaume de France, pourtant mal engagé et divisé par le conflit contre les Anglais, a-t-il pu retrouver une certaine unité à la fin de la guerre de Cent Ans ?
En premier, il convient d'apprécier la reconquête du territoire français et le retour de la « paix » en 1453, avant de considérer, en deuxième lieu, le processus de renforcement de l'Etat monarchique et la mise en place d'un absolutisme à l'origine de l'unité retrouvée de la France. En dernier lieu, nous mettrons en exergue les caractéristiques sociales, culturelles et mentales propres au royaume de France, afin de savoir si la société française constitue réellement une entité unifiée à la fin de la Guerre de Cent Ans.
[...] Quelles que soient les particularités locales et les spécialisations économiques, tous les habitants du royaume sont les sujets d'un roi qui, en toute vraisemblance, détermine une hiérarchie au sein de la société française à la fin de la Guerre de Cent Ans. b. Le roi et ses sujets : sujétion et hiérarchie sociale La fermeté avec laquelle Charles VII vient à bout de la Praguerie montre que le pouvoir royal acquiert une nouvelle dimension. Le roi n'est pas seulement le porte-parole d'un parti politique dominant, celui des Angevins : il est le roi de l'ensemble du royaume. La victoire d'un pouvoir royal fort n'est donc pas l'œuvre exclusive de Louis XI. [...]
[...] Foyers de contestation et résistances locales au pouvoir royal A la fin de la Guerre de Cent Ans, la contestation démocratique a reflué, les ambitions des princes sont globalement contrecarrées. Cependant, elles ne sont pas toutes totalement éteintes, car elles sont soutenues par deux principautés fortes : la Bretagne et, surtout, la Bourgogne, dont la puissance a été renforcée à la suite du traité d'Arras. Le rattachement des principautés n'est donc pas entièrement accompli et des résistances au pouvoir royal parcourent le royaume de France. [...]
[...] Bibliographie Manuels BALARD, GENET, ROUCHE, Le Moyen Age en Occident, Paris, Hachette GAUVARD Claude, La France au Moyen Age du Ve au XVe siècle, Paris, PUF Synthèses et ouvrages généraux CONTAMINE Philippe (dir.), Le Moyen Age. Le Roi, l'Eglise, les Grands, le Peuple, Paris, Le Seuil LEWIS Peter, La France à la fin du Moyen Age, Paris, Hachette VINCENT Catherine, Introduction à l'histoire de l'Occident médiéval, Paris, Livre de Poche Ouvrages spécialisés ALLMAND Christopher, La Guerre de Cent Ans, Paris, Payot BEAUNE Colette, Naissance de la nation France, Paris, Gallimard CONTAMINE Philippe, La Guerre de Cent Ans, Paris, PUF FAVIER Jean, La Guerre de Cent Ans, Paris, Hachette JOURDAN Michel Mollat, La Guerre de Cent Ans par ceux qui l'ont vécue, Paris, Le Seuil, 1992. [...]
[...] Ces non-nobles ont un autre devoir, celui d'obéissance. Chacun se doit encore de rester à sa place et de ne pas bouleverser les cadres fonctionnels d'une société fondamentalement tripartite : au clergé la prière, aux nobles, qui forment le gros des gens d'armes, la guerre, aux autres le travail. Le strict maintien des hiérarchies sociales vient freiner l'approfondissement possible du sentiment national dans ses manifestations populaires. A la fin de la Guerre de Cent Ans, les notions de patrie et de nation ont clairement changé de sens ; leurs acceptions concrètes et simples de pays et de groupe d'hommes originaires de la même région se chargent d'une nuance sentimentale traduisant la communauté d'existence et la fraternité d'un effort partagé. [...]
[...] Parmi ses sujets, le roi opère une hiérarchie. Il protège le clergé. Il est aussi le premier des nobles, et c'est avec eux qu'il gouverne. Le roi confère à la noblesse des privilèges qui lui permettent de s'imposer face aux non-nobles qu'on appelle désormais roturiers Ce sont en particulier des privilèges fiscaux et, éventuellement de déroger, c'est-à- dire de se livrer à des activités roturières sans perdre la noblesse. Les nobles continuent aussi à pratiquer les guerres privées pour venger leur honneur, et ils conservent le droit de recourir au duel judiciaire, au moins dans certains cas, autrement dit ils peuvent requérir le jugement de Dieu pour prouver leur innocence. [...]
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