Islam aux Xe-XVe siècles, religion musulmane, Jocelyne Dakhlia, Allâh, califat, Bagdad, ottoman, Muhammad, politique, Mecque, pouvoir, Vanessa Van renterghem, Khaled El-Fadl, Frédéric Lagrange, révolte, Khâridjite Abû Yazîd
Dans un texte du XIIIe siècle, édité par Janine SOURDEL sous le titre Conseils du cheikh Harâwî à un prince ayyoubide, apparaît un motif fréquent de la littérature islamique de conseil aux souverains, "les miroirs des princes". Le texte affirme en substance que "le monde est un jardin dont la clôture est l'État ; l'État est gardé par l'armée ; l'armée est soutenue par l'impôt ; l'impôt est fourni par l'obéissance des sujets ; les sujets sont les esclaves qu'asservit la justice ; la justice est le fondement de l'ordre du monde".
Dans cette énumération des piliers (rukn, le terme apparaissant également dans le texte) du pouvoir en terre d'Islam, à laquelle Jocelyne DAKHLIA a donné le nom de "cercle du pouvoir", on peut être surpris de ne trouver aucune évocation explicite de la religion. L'historiographie classique de la politique en Islam, des analyses anciennes de Bernard LEWIS aux ouvrages plus récents de Patricia CRONE, ont pourtant largement insisté sur l'idée que l'origine du pouvoir en terre d'Islam (comprendre, vu la majuscule : dans les régions de culture fortement influencée par la conquête musulmane, même si la composante chrétienne, juive ou d'autres religions y restent prégnantes) ne saurait être tirée d'autre chose que de la référence à l'islam, la religion musulmane à proprement parler.
[...] La conscience de cet enjeu amène les souverains de tout bord et de toute envergure à envisager la question des ressources de leurs terres : c'est ainsi le cas des Rassoulides du Yémen au XIVe siècle qui, bien que régnant sur un territoire relativement restreint, contrôlent le port incontournable d'Aden, point de débarquement des épices approvisionnant ensuite tous les riverains de la Méditerranée, et qui se trouve donc au centre de la politique fiscale de la dynastie, analysée par Eric VALLET dans L'Arabie Marchande. Les seuls revenus d'Aden comptent ainsi pour plus de des ressources de l'État rassoulide. [...]
[...] Pour elle, le motif du « cercle » prouve sans doute possible qu'une théorisation séculière du pouvoir, sans référence nécessaire à l'investiture religieuse et à Allâh comme source de toute puissance, existe bel et bien tout au long de l'histoire de l'Islam médiéval, et tout particulièrement entre les : Xe et XVe siècles. La perte de vitesse du califat abbasside de Bagdad, de moins en moins à même d'imposer sa volonté aux dynasties locales qui se multiplient au cours des : IXe et Xe siècles, se confirme à l'orée du siècle avec les proclamations successives de deux califats rivaux : celui, chiite et basé à Kairouan puis au Caire, des Fâtimides en 909, et celui, sunnite et revendiquant l'héritage de la dynastie de Damas renversée en 751 par les Abbassides, des Omeyyades de Cordoue en 929. [...]
[...] D'une part, le mécénat fait partie intégrante des bases du pouvoir en Islam, voire même dès la culture arabe préislamique. Il est en effet essentiel d'associer à son règne des artistes, mais aussi des savants, capables d'étendre le rayonnement culturel d'une dynastie et de donner une image positive de son souverain, comme le Abdelouadide de Kairouan dont Jocelyne DAKHLIA cite le panégyrique, écrit par le frère homonyme de kunya (nom du père) de l'historien Ibn Khaldûn, et qui fait de lui « le Chosroès de l'Occident », à l'image de ce roi sassanide retenu pour sa splendeur dans la mémoire collective islamique. [...]
[...] L'éthique du bon gouvernement en Islam, ou les fondements séculiers du pouvoir A. Le maintien de l'ordre par le monopole de l'exercice de la violence légitime : armée et police Les qualités, et les missions principales qui font le bon gouvernement même chez les païens — qui sont nombreux à être pris en exemple dans les miroirs, quoique moins bien sûr que les princes musulmans — sont essentiellement de trois sortes, énoncées dans la métaphore du « cercle du pouvoir » cité en introduction : l'armée et l'usage de la force coercitive, permettant le maintien de l'ordre ; la collecte de l'impôt grâce auquel peuvent être mises en place les infrastructures nécessaires à la vie urbaine et aux travaux ruraux ; et l'administration de la justice conditionne de l'acceptation par tous, d'un pouvoir juste. [...]
[...] C'est ainsi que le Bouyide cAdûd al-Dawla, indélicat envers l'un de ses littérateurs, est satirisé cruellement par al-Tawhîdî dans le Akhlâq al- wazîrayn (traduction française La satire des deux vizirs). Mais si l'élite intellectuelle revendique ainsi une part de participation politique, elle est souvent réduite à craindre pour sa tête ou à ne pas être écoutée, comme Buhlûl, le sage-fou qui feint la folie pour pouvoir parler librement, mais dont la parole, comme le remarque Abdallah CHEIKH-MOUSSA, ne peut porter et est destinée à rester stérile. [...]
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