La stabilisation géopolitique de l'Occident entamée au 11ème siècle, permet le développement progressif du commerce, des riches villes flamandes aux somptueuses cités toscanes. En effet, un essor remarquable des échanges apparaît rapidement, générant une effervescence de l'Occident. On échange tout, des produits locaux ou bien exotiques comme des épices ou de la soie en provenance du Moyen Orient. Cet essor économique n'est évidemment pas à sens unique, il provoque un bouleversement de toute la zone, tant sur l'organisation des foires, que sur la structure géographique des paysages par le développement de voies de transports, plus sûrs et plus rapides. C'est ainsi que, dans la Charte du comte de Champagne datant de 1137, les seigneurs s'adaptent à cette évolution en tentant de dynamiser leurs foires et de s'approprier les bénéfices de cette croissance. C'est avec un plus grand intérêt que nous nous pencherons alors sur la correspondance entre un marchand italien présent aux foires de Champagne et un de ses associés à Sienne, car elle semble symbolique de la capacité d'adaptation et d'analyse de ces « premiers spéculateurs ».
Ainsi nous tenterons de cerner cet essor de l'économie occidentale du 12ème au 13ème siècle à travers de quelques aspects de ces foires de Champagne, en nous intéressant aux efforts d'adaptation et de rénovation du système par les comtes de Champagne, puis à l'apparition d'un nouveau type de commerce, tant sur le plan financier, que sur celui des structures nouvellement créées à cet effet.
C'est effectivement sous l'impulsion des comtes de Champagne que les foires sont institutionnalisées. Thibaud II le Grand, hérite successivement des comtés de Blois, de Chartres et de Meaux (en 1102, par son père Etienne-Henri), et du comté de Champagne en 1125, par son oncle Hugues de Champagne qui se fit alors Templier : ce comté comprend les villes de Troyes, Bar-sur-Aube et Vitry. Il obtient aussi en 1123, suite à son mariage, le comté de Provins grâce à la dot de sa femme : Mathilde de Carinthie. Thibaud est donc à la tête d'un vaste domaine, étendu de la Normandie à la Champagne. Il contrôle ainsi la région des foires de Champagne dont on trouve les premières mentions à Provins en 999 et à Troyes en 1100.
En 1137, par une charte, Thibaud « rend et concède à perpétuité aux hommes du vieux marché de Provins la foire de la Saint-Martin ». C'est tout simplement une autorisation en bonne et due forme de libre commerce entre les marchands, dans la ville de Provins. Evidemment, il obtient en contrepartie, comme le veut la coutume, taxes et droits de passages. Mais il amplifie son acte en lui donnant une valeur héréditaire duale : il vaut aussi bien pour les hommes de provins que pour les descendants de Thibaud, appuyant alors la future passation de pouvoir avec son fils. Cette charte fait partie d'un long travail de rénovation des anciennes foires du comté, et elle s'accompagne de la création d'un conduit aux marchands se rendant à ces foires. Ce conduit se traduisant par l'escorte où la protection des marchands désireux de se rendre sur les foires de Champagne, moyennant une somme d'argent. C'est une véritable avancée pour le commerce, car elle lutte activement contre les vols réguliers commis sur les routes peu fiables.
Enfin, Thibaud semble apporter une attention toute particulière aux marchands des Flandres et d'Arras, sans doute étaient-ils de riches marchands et de fins négociants, utiles au développement économique de ses foires de la Saint Martin, tenues en décembre à Provins. Toujours est-il que les Flamands sont présents à Provins bien avant 1137 : il paraît donc certain que leur poids dans l'économie locale est sans aucun doute intéressant pour le comte. On remarquera l'apparition successive dans le milieu des années 1140 d'un marc à Troyes (1147) – unité de poids – et d'un denier provinois, fruit incontestable de la politique de renforcement économique de Thibaud.
[...] Thibaud II le Grand, hérite successivement des comtés de Blois, de Chartres et de Meaux (en 1102, par son père Etienne- Henri), et du comté de Champagne en 1125, par son oncle Hugues de Champagne qui se fit alors Templier : ce comté comprend les villes de Troyes, Bar-sur- Aube et Vitry. Il obtient aussi en 1123, suite à son mariage, le comté de Provins grâce à la dot de sa femme : Mathilde de Carinthie. Thibaud est donc à la tête d'un vaste domaine, étendu de la Normandie à la Champagne. [...]
[...] L'impulsion de ce nouvel engouement économique ne s'est pas développée uniquement grâce aux efforts des comtes de Champagne. Bien qu'ils aient attiré bon nombre de marchands, et sécurisé un minimum les voies commerciales, il reste encore deux problèmes majeurs, les sommes d'argent en numéraire pèsent lourds sur les chariots et fluctuent trop souvent. En effet, on compte autant de deniers que d'ateliers monétaires, et ces ateliers se sont multipliés à mesure que s'effondrait l'autorité militaire du roi carolingien, puis pendant ces siècles d'éclatement des cadres politiques que furent les temps féodaux. [...]
[...] Une grande réforme va avoir lieu au cours du 13ème siècle, pour une grosse monnaie, véritable unité de compte, une grosse pièce d'argent en France, sous l'impulsion du roi : 12 deniers = 1 sou, c'est aussi le cas à Venise en 1203 avec l'apparition du matapan et à Florence du sou en 1237. C'est donc à la fois la création d'une nouvelle monnaie de paiement et d'une monnaie de compte (initialement fictive, utilisée pour la tenue de comptes). C'est dans ce contexte que vont fleurir des moyens de paiement extra monétaires. Par le jeu d'écriture, on va créer une monnaie scripturaire, ainsi la quantité des transactions est indifférente de la circulation monétaire, puisque désormais l'argent est représenté par du papier. [...]
[...] Cet effort provoque une large culturation de cette nouvelle classe économique. En effet, les nouveaux marchands doivent savoir compter, jouer sur les changes et les anticiper, comprendre différentes langues vernaculaires, les lire et les écrire. C'est ainsi que notre marchand se joue des valeurs de chaque monnaie en les classant selon leur valeur en marc (unité de poids utilisée principalement pour les métaux précieux). Il sait aussi éviter d'avoir à accumuler des invendus, dans le cas contraire il est fait allusion à un marchand qui tenterait d'écouler ses invendus en Angleterre. [...]
[...] Les foires de Champagne Charte de Thibaud, comte de Blois, pour les hommes de Provins (1137), In H. Laurent, Choix de documents inédits pour servir à l'expansion commerciale des Pays Bas Bulletin de la commission royale d'histoire (1934), p Nouvelles des foires de Champagne adressées à la société des Tolomei de Sienne par l'un de ses associés (1265), In Lettere volgari del secolo XIII scritta de Senesi, éd. C. Paoli et E. Piccolomini. Trad. [...]
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