Connues dans la littérature par l'Edda poétique ou la Chanson des Nibelungs, les faides royales sont un fait qui participe à notre vision du Moyen Age, vision de serments à vie, de vengeances à la fois privées et publiques au sein des familles et des territoires. Cependant, l'exemple de la faide royale franque que nous avons ici, à travers le regard de Grégoire de Tours dans son Histoire des Francs, nous permet d'appréhender plus que cette image superbe et violente.
Georgius Florentius Gregorius est né le 30 novembre 538 en Auvergne d'une lignée sénatoriale qui compte beaucoup d'évêques, notamment de Tours. Il en devient d'ailleurs l'évêque en 573 et le restera jusqu'à sa mort, le 17 novembre 594. Ainsi son origine sociale et son statut dans un des centres religieux les plus importants de Gaule, auréolé de l'image de st Martin de Tours, en font un personnage essentiel de la fin du IXe s. Pour composer son Historia Francorum, il s'appuie sur des témoignages, des sources écrites et également sur sa propre expérience, car il est témoin des événements relatés dans ces passages. Sa volonté est de décrire une vision eschatologique du monde, depuis sa création (Livre premier) et pendant l'histoire franque (9 autres livres), c'est pourquoi son Histoire est constituée d'événements soigneusement sélectionnés. Ainsi, Grégoire de Tours apparaît comme une source incontournable sur les temps mérovingiens, mais qu'il faut manipuler avec prudence.
Au VIIe s., la Gaule est le royaume occidental le plus puissant, mais en 561 a lieu le partage de l'héritage de Clotaire Ier entre ses 4 fils : Charibert, Sigebert, Gontran et Chilpéric, ce qui occasionne quelques heurts entre eux. La situation est tendue et la mort de Charibert en 567 est encore l'occasion d'un nouveau partage entre les frères restants. La puissance dominante est nettement l'Austrasie, royaume de Sigebert. Cependant la faide royale qui va arriver sera l'occasion d'une remise en question de l'organisation territoriale entre les héritiers de Clotaire Ier, ce que nous allons voir. Mais le texte de Grégoire de Tous n'a pas seulement ce niveau événementiel mais comporte également une interprétation particulière de ces mêmes événements, ainsi que des éléments sous-jacents sur le statut des femmes face à la royauté.
Nous verrons donc tout d'abord le déclenchement et le déroulement de cette faide, puis que Grégoire se sert de cette faide pour opposer deux modèles de royauté et enfin les relations entre les femmes de l'entourage royal et cette même royauté.
[...] Il est apparenté au roi biblique Achab, qui bafoua la religion et régna en tyran qui désola tout, tandis que sa maîtresse (l.16) Frédégonde est comparée par Grégoire à Jézabel, femme d'Achab qui le poussa au meurtre. Le règne des mauvais rois est un retour en arrière, et pour l'évêque, il y eut en ce temps dans l'Eglise un plus grand gémissement qu'au temps de la persécution de Dioclétien (l.38-39). Il rappelle alors la dernière grande persécution antichrétienne des empereurs romains d'Occident qui eut lieu en 303. [...]
[...] La faide royale : un conflit privé Selon Soazick KERNEIS, la faide (ou fehde ou faida) est un système vindicatoire dans lequel le groupe familial est collectivement responsable des actes commis par l'un des siens et la réparation du dommage intéresse tout le clan. Venger les siens est un devoir conditionné par l'honneur, y compris les héritiers, même si on essaye la réconciliation avec le wergeld. Très tôt, la mésentente règne entre les frères, ainsi que la jalousie, notamment celle de Chilpéric envers Sigebert, qui domine la fratrie. [...]
[...] La puissance dominante est nettement l'Austrasie, royaume de Sigebert. Cependant la faide royale qui va arriver sera l'occasion d'une remise en question de l'organisation territoriale entre les héritiers de Clotaire Ier, ce que nous allons voir. Mais le texte de Grégoire de Tous n'a pas seulement ce niveau événementiel mais comporte également une interprétation particulière de ces mêmes événements, ainsi que des éléments sous-jacents sur le statut des femmes face à la royauté. Nous verrons donc tout d'abord le déclenchement et le déroulement de cette faide, puis que Grégoire se sert de cette faide pour opposer deux modèles de royauté et enfin les relations entre les femmes de l'entourage royal et cette même royauté. [...]
[...] III Femmes et royauté Mais par-delà ce message eschatologique que veut passer Grégoire, son texte nous permet de percevoir toute autre chose : une réalité sociale : les pratiques matrimoniales qui étaient en cours dans la plus haute aristocratie franque. Quelles compagnes pour les rois ? Plusieurs types de compagnes sont évoqués dans ce texte. Tout d'abord, les unions de Brunehaut/Sigebert et Galswinthe/Chilpéric sont des mariages légaux, appelés Muntehe, dans lesquels les filles sont dotées (nous en verrons le déroulement dans la 2e partie). [...]
[...] Chez les Francs, le paiement du mund est normalement symbolique mais Sigebert envoie beaucoup de présents (l.3). Ensuite père consentit à l'accorder (l.3) : en effet, le roi décide tout en vertu de ce mund, ce qui est confirmé l.12-13 : il envoya sa fille, comme il avait envoyé l'autre L'étape de la réception des promesses (l.12) et l'achat du mund constitue la desponsatio, effectuée ici sans la présentation des futurs mariés. Ensuite, la promise est [envoyée] au roi avec de grands trésors (l.3) et est reçue avec grand honneur (l.14) , c'est la traditio. [...]
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