La renaissance du droit romain à travers l'étude des compilations justiniennes par l'école de Bologne au XIIe siècle va de pair avec l'évolution du droit ecclésiastique, le droit canon (Décret de Gratien de 1140). La réinterprétation du droit romain par Bartole, jurisconsulte, donne aux Cités italiennes les concepts nécessaires pour affirmer leur liberté face à l'Empereur. Au service de l'affirmation du pouvoir, les droits savants, droit romain et canonique, se nourrissent mutuellement. Plus encore que leur redécouverte et leur étude, c'est donc l'exercice en politique de ces droits qui constitue un enjeu important. Le terme « exercice » invite à s'interroger sur les fondements, les modalités et les conséquences de l'application de droits anciens dans un contexte « nouveau », celui du bas moyen âge. Etudiés dans les universités européennes et faisant l'objet d'une analyse scientifique, l'exercice des droits savants signifie leur mise en pratique par l'activité législative, par leur défense à travers des institutions judiciaires et par leur instrumentalisation en politique. Englobant l'ensemble des affaires publiques, l'expression « politique » se réfère à l'art et à la pratique du gouvernement d'une population ainsi qu'à la façon de gérer les rapports de cette population avec d'autres ensembles gouvernés. L'exercice des droits savants est un enjeu politique considérable sur le plan européen, où le pouvoir pontifical, royal et impérial s'affrontent. L'importance du pouvoir de légiférer est reconnu par le pape et l'Empereur qui s'opposent dans le conflit sur l'Imperium mundi. Depuis les dictatus papae de Grégoire VII (1075), le pape revendique, à l'instar des empereurs de Rome, une autorité normative exclusive. L'essor de la législation pontificale est accéléré par les Décrets de Gratien et les Décrétales de Grégoire IX (1234). Le droit romain se trouve à la base de la législation impériale qui connaît son éclat sous Frédéric Ier Barberousse, qui promulgue des constitutions à la Diète de Roncaglia en 1158. La présence des « quatre docteurs bolonais » montre l'influence importante des Romanistes qui, en invoquant Justinien, affirment le droit de l'Empereur de légiférer. Il est lex animata, la loi vivante comme l'Empereur romain à son époque. Tout en tenant compte des autres puissances européennes, le cas français sera toutefois l'exemple privilégié pour montrer l'impact de l'application des droits savants par le pouvoir politique dans le domaine politique.
Confronté aux aspirations universalistes de l'Empereur et aux prétentions du pouvoir spirituel, le roi français est celui qui voit l'enjeu le plus important dans l'exercice des droits savants. S'ajoute à cela la nécessité pour le roi de s'imposer à l'intérieur de son royaume, marqué par le système féodal et un droit coutumier ancré au niveau local. La diffusion des droits savants et la renaissance intellectuelle du XIIe siècle vont de pair avec une restauration du pouvoir royal. Dans la période qui s'étend du règne de Phillippe-Auguste au début du XIIIe siècle jusqu'à l'émergence de théories « absolutistes » de la souveraineté à la fin du XVIe siècle, ce pouvoir s'affirme difficilement contre les résistances internes et externes au royaume.
Comment l'exercice des droits savants permet-il l'affirmation et la consolidation du pouvoir politique, avant tout celui du roi de France, face aux résistances intérieures et extérieures ?
[...] La rédaction des coutumes permet de dégager une notion nouvelle, celle du droit français qui se distingue dans une Europe romaine A partir du XVIe siècle, l'autorité normative que le roi puise, comme nous l'avons vu, de principes canoniques et romanistes, s'exerce dans des domaines nouveaux, réservés auparavant à la coutume ou à la législation canonique. Cette évolution suscite l'intérêt de la doctrine. Dans Les Six livres de la République, Jean Bodin développe une conception absolutiste de l'Etat avec une souveraineté indivisible qui appartient au roi dans un Etat monarchique. Au moment où le droit romain connaît une deuxième renaissance en Europe au XVIe siècle, les fondements théoriques du développement de l'Etat monarchique absolutiste sont posés. [...]
[...] La présence des quatre docteurs bolonais montre l'influence importante des Romanistes qui, en invoquant Justinien, affirment le droit de l'Empereur de légiférer. Il est lex animata, la loi vivante comme l'Empereur romain à son époque. Tout en tenant compte des autres puissances européennes, le cas français sera toutefois l'exemple privilégié pour montrer l'impact de l'application des droits savants par le pouvoir politique dans le domaine politique. Confronté aux aspirations universalistes de l'Empereur et aux prétentions du pouvoir spirituel, le roi français est celui qui voit l'enjeu le plus important dans l'exercice des droits savants. [...]
[...] Parallèlement, la volonté d'indépendance des Etats ne cesse de croître. Dans ce contexte, la Bulle d'Or de 1356, en posant des nouvelles règles pour une élection de l'Empereur sans l'approbation du pape, prouve un relâchement des liens entre l'Empire et l'Eglise. Intégrant des écrits issus de la querelle bonifacienne, le Songe du Vergier (1378) est un véritable traité de droit public et un manuel de gouvernement Composé sur l'ordre du roi, l'ouvrage démontre l'indépendance absolue du roi de France vis-à-vis des puissances extérieures, mais aussi la plénitude de puissance du monarque à l'intérieur du royaume. [...]
[...] KRYNEN Jacques et RIGAUDIÈRE Albert, Droits savants et pratiques françaises du pouvoir : XIe-XVe siècles, PUB, Bordeaux, 1992. [...]
[...] Ici encore, l'exercice des droits savants est essentiel d'un point de vue politique. L'élargissement du domaine des ordonnances et l'émergence de la notion de droit français La Guerre de Cent Ans qui oppose la France à l'Angleterre entre 1137 et 1453 a une double influence sur le développement de l'Etat. Pour lever de l'argent et des troupes et justifier la guerre, un dialogue doit être engagé avec la population et mène au renforcement du sentiment national. D'un autre côté, la guerre compromet le bon exercice de la mission de justice, deuxième volet du rôle du roi, décoré d'armes et armé de lois selon les Institutes de Justinien. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture