Autour de l'An Mil, un terme latin jusque-là assez neutre, miles (« soldat » dans son sens classique) apparaît avec une régularité croissante dans les sources et notamment dans les actes de la pratique. Les historiens en déduisent généralement que les combattants reçoivent dès lors un statut particulier et qu'ils constituent dans la société un groupe reconnu et cohérent. Rien ne vient toutefois prouver que cette transformation date du début du XIe siècle.
Au contraire, les analyses dernièrement proposées par Dominique Barthélémy ("La Chevalerie") envisagent une élaboration du modèle chevaleresque sur une longue durée, avec un phénomène d'accélération à la fin de l'époque carolingienne. Le chevalier, personnage-icône du Moyen Âge, n'en reste pas moins extrêmement difficile à décrire.
[...] Une couche inférieure de la noblesse ? Pour aborder le problème, on peut commencer à raisonner en termes financiers. D'où les chevaliers tirent-ils les ressources qui leur permettent d'acheter et d'entretenir leur équipement ? Tout d'abord, certains peuvent avoir recours aux ressources de l'engagement féodo- vassalique. Certains fiefs du haubert du Xième siècle semblent avoir une superficie comparable aux douze manses des combattants à cheval de l'époque carolingienne : les princes taillent donc des bénéfices de façon à ce que leurs hommes puissent s'équiper. [...]
[...] La soumission, toute théorique, du chevalier n'est qu'une expression de son appartenance au système féodo-vassalique. Il n'y en outre, aucune différence de comportement entre la noblesse et la chevalerie. Les princes et les comtes ne se contentent pas d'être des justiciers ou des administrateurs. Ils donnent de leur personne sur le champ de bataille et reçoivent des surnoms évoquant leurs prouesses : Bras de Fer Le Fort Longue-Epée Grands seigneurs et combattants ordinaires adhèrent à une même mentalité. Ils participent à une même civilisation de l'honneur tempéré par la prudence. [...]
[...] D'un côté, les guerres féodales conduisent parfois à des homicides ; le concile de Narbonne de 1054 rappelle que celui qui tue un chrétien répand le sang du Christ D'autre autre côté, par solidarité de groupe, les chevaliers refusent parfois de mener des guerres justes contre les usurpateurs de biens ecclésiastiques. La morale profane entrave alors l'exercice du droit. L'Eglise tente pourtant, peu à peu, d'imposer ses valeurs aux chevaliers. La paix de Dieu et la trêve de Dieu établissent de nouvelles règles pour les combats. Les normes matrimoniales encadrent les stratégies sociales. Mais surtout, l'Eglise propose aux chevaliers de nouveaux idéaux. [...]
[...] Au sens premier, le chevalier est bien un miles, un combattant. II) Le débat entre noblesse et chevalerie A l'époque carolingienne, le mot militia servait également à désigner le service public, attribut principal de la noblesse d'Empire. Le cavalier féodal relève-t-il de cette forme de militia ? Depuis un demi-siècle, les historiens débattent sur cette question. Dans les années 1960, Léopold Génicot, dont les thèses firent longtemps autorité, estimait que la chevalerie du Xième siècle en constituait au mieux qu'une couche sociale séparée des nobles et très inférieure à eux. [...]
[...] Longtemps, l'Eglise se désintéresse des rituels d'investiture chevaleresque. Exceptionnellement, l'ordo de Cambrai (1093) contient des formules de bénédiction des armes et des bannières chevaleresques, qui sont empruntées aux anciens éléments des sacres royaux ; mais le cas est très particulier, puisque ce texte sert à investir des chevaliers protecteurs d'églises. La morale chevaleresque Longtemps vu comme une source de désordre, l'essor de la chevalerie est aujourd'hui réévalué. Les combattants adhèrent en effet à une certaine morale de groupe, qui limite l'ampleur des violences qu'ils exercent. [...]
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