Il s'agit d'observer le rapport califat/sultanat à travers deux personnages charismatiques qui entendent chacun élargir leurs prérogatives. Mais aussi à travers le style précieux de l'auteur qui magnifie et pacifie cet échange d'ambassade, il est donc important de prendre en compte le sous texte de cet extrait. Les remarques du traducteur de la Conquête de la Syrie et de la Palestine – al- Fath al-kussî fi l-fath al-kudsî-, Henri Massé, précisent qu'il ne s'agit pas uniquement d' « une dithyrambe continue » de Saladin et dans sa notice sur l'auteur de l'Encyclopédie de l'Islam, il parle d'un « chef d'œuvre documentaire et narratif ». Al Isfahânî (1125-1201), lettré persan d'une grande famille ne fut pas que le biographe de Saladin, il fut aussi son chancelier, et rédigeait toute sa correspondance, aussi le style du Fath Kussî dont est extrait notre texte s'inscrit dans la tradition des kuttâb, hauts secrétaires rédacteurs de l'administration. A propos du Fath kussî G. Wiet dit: « Son récit à la valeur d'un travail de première main, d'un témoin oculaire ou d'un archiviste qui utilise les documents de chancellerie. », en effet cette source est primordiale en ce qu'il s'agit d'un témoin direct et proche de Saladin - il insère d'ailleurs une partie de la correspondance du Sultan dans son ouvrage- mais à ce titre également, entant que partisan du Sultan, c'est une source équivoque. De plus Saladin a fait, jusqu'à notre époque, l'objet d'un mythe du champion du Djihâd qu'il convient de nuancer en terme de légitimité politique du Sultan.
Au delà du rituel solennel des ambassades, c'est donc l'affrontement entre ces deux personnages qu'il convient d'éclaircir.
En quoi cet échange d'ambassades est significatif du conflit politique de légitimé qui a marqué la vie du sultan de fait Saladin face au calife de droit Al Nasîr ?
Si l'on peut voir à travers cet échange d'ambassade une marque de reconnaissance des deux protagonistes, il conviendra de saisir le rapport de force qui se dessine en filigrane dans le texte. Le résultat enfin marquera plus le point de non retour des relations entre Al Nasîr et Saladin.
On observera ainsi les relations entre le califat abbasside et le sultanat ayyoubide. Cette quête de légitimité va pourtant à l'encontre du début du chapitre dans lequel est l'extrait où l'auteur nous dit : « Son triomphe (Saladin) était alors complet… »...
[...] On sait que l'aide contre la troisième croisade qu'il versera quelques mois plus tard suite à cet échange d'ambassades sera de dînars, somme dérisoire qui montre bien sa prise de position contre l'expansion politique du Sultan. On comprend que la division entre le Sultan ayyoubide et le Calife abbasside est politique, la puissance du Sultan en fait un lieutenant trop gênant pour Al Nasîr. Conclusion : On voit ici deux types de légitimation qui s'affrontent, en empruntant les termes à Max Weber, on distinguerait le type traditionnel avec le Calife Al Nasîr et le type charismatique avec Saladin. [...]
[...] Cette allégeance renforce les liens entre le sultanat de Saladin et le Calife et justifie un état de fait en donnant une forme légale et légitime au sultanat ayyoubide. Il adressa au sultan un discours dont le contenu l'honorait et lui rendit un hommage dont il fut très touché le sultan se réjouit de cette faveur l'auteur nous décrit cette ambassade comme favorable au sultan et le confortant dans son pouvoir. Le Calife ne pouvait plus longtemps ignorer le sultan vu l'étendu de sa puissance. [...]
[...] Toutes ces phrases sous entendent que cette situation actuelle est due à Saladin. En effet, une partie des tributs de guerre de Saladin était reversée au Calife ; le Sultan a su se montrer juste (ou démagogue) et a supprimé les impôts illégaux (notamment les mukus, taxes en vigueur au temps des Fâtimides) autres que le zakat lors de ses conquêtes territoriales et ainsi restaurer le sunnisme, la vraie foi sur l'ensemble de l'Egypte. Saladin est le principal acteur du Djihâd qu'il soit mineur contre les croisés ou majeur en galvanisant les différents émirs sous ses ordres. [...]
[...] Elle se fait en deux étapes dans le textes : le serment d'allégeance et la prière dite en son nom. Nous avons vu que le serment d'allégeance conférait à Saladin la légitimité de son sultanat, seulement le Calife par le biais de sa succession réaffirme son pouvoir. Son pouvoir spirituel d'abord, il ordonna de faire la prière solennelle à son nom en Egypte, en Syrie et dans toutes les régions de l'Islam. L'ambassadeur fait référence précisément au territoire de Saladin, où le sultan faisait d'ailleurs dire la prière en son nom. [...]
[...] Aussi on peut douter de l'affirmation de l'auteur : et il repartit, ayant obtenu ce qu'il désirait en effet, sont passés sous silence dans le texte, les rivalités entre expansionnismes territoriaux des deux protagonistes, notamment, le problème du territoire de Mossoul. La politique de puissance du Sultan Il (Saladin) montra ainsi la magnificence de son pouvoir et la valeur de son mérite. Si les intentions de Saladin se tournent plus contre les croisés que le calife, il entend également joué un rôle dominant dans ce rapport de force. [...]
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