Au XIIIe siècle, les ordres mendiants se développent considérablement en occident notamment pour lutter contre les hérésies grandissantes. C'est dans ce contexte que naît l'Ordre des frères prêcheurs dont il est question dans ce texte. En effet ce dernier est fondé en 1215 par Dominique de Guzman dans le but, au départ, de lutter contre l'hérésie cathare sur son propre terrain, c'est à dire, la pauvreté et l'humilité ; son moyen d'action étant la prédication. Les prêcheurs vivent en couvent ou l'office divin, l'étude et la parole ont une place importante. Ils se considèrent comme une fraternité d'hommes organisée sur un modèle démocratique. L'ordre des prêcheurs est un ordre de clercs, ordonnés prêtres, mais ils n'observent pas le vœux de stabilité qui oblige les moines à ne pas quitter leur monastère, eux sont au contraire, mobiles ce qui leur permet d'aller prêcher la bonne parole tout autour de leur couvent. L'ordre et sa règle augustinienne sont approuvés en 1216 par le pape Honorius II. Par la suite l'ordre est comblé de nombreux privilèges par les papes successifs, ces derniers étant conscient de l'appui décisif qu'il peut leur apporter, comme les autres ordres mendiants d'ailleurs. Cependant au milieu du XIIIe siècles, des critiques se développent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des ordres ; l'attaque la plus sévère venant du clergé séculier.
Le document étudié ici est un exemple de l'opposition qui existait entre clergé séculier et ordres mendiants. Il s'agit d'un extrait d'un statut synodal datant de mars 1249, dans lequel l'archevêque de Lyon essaie de mettre un terme aux querelles qui opposent curés des églises paroissiales et prêcheurs au sujet de certaines prérogatives qui étaient traditionnellement réservées aux paroisses, ici le droit de sépulture. Les statuts synodaux sont en effet le résultat d'assemblée, les synodes diocésains, qui réunissent une fois par an l'ensemble du clergé du diocèse lors duquel l'archevêque informe le clergé local et légifère sur différentes questions ou problèmes rencontrés dans le diocèse.
L'archevêque en question est Philippe de Savoie qui monta sur le siège épiscopal de 1245 à 1267. Originaire d'une famille prestigieuse, Philippe est né à Aiguebelle en 1207, 7e fils du comte de Savoie Thomas et de Marguerite de Genève. Son frère aîné, Amédée IV, succéda en 1233 à son père comme comte de Savoie ; un autre de ses frères, Thomas, par son mariage avec Jeanne de Flandre, était devenu comte de Flandre ; mais Philippe comme ses frères Guillaume, Pierre et Boniface, fit carrière dans l'Eglise. Avant de devenir archevêque de Lyon, il fut nommé primicier de Metz en 1239 et surtout, prévôt de Saint-Donatien de Bruges, c'est à dire chancelier de Flandre. En 1240, il fut élu évêque de Valence, cependant il n'avait pas reçu les ordres majeurs donc il ne porta jamais que le titre de procureur ou d'élu, comme dans le texte, l 2 par exemple : « archevêque-élu de la primatiale de Lyon ». Philippe possédait également des bénéfices en Angleterre mais cela ne lui suffisait pas car il était un homme ambitieux et voulait obtenir une situation au moins aussi prestigieuse que celle de ses frères. Pour arriver à ses fins, Philippe s'attira les faveurs du Pape Innocent IV en aidant celui-ci à quitter sa résidence de Sutri pour gagner Lyon, à la suite de négociations infructueuses avec l'empereur. C'est ainsi qu'il devint l'archevêque de cette ville.
Pour en revenir au texte, nous essaierons de montrer de quelle nature était le conflit qui opposait curés et prêcheurs et quelle attitude les autorités ecclésiastiques adoptèrent face à ce problème du droit de sépulture. Pour cela nous verrons dans une 1ère partie comment le droit de sépulture est devenu en quelques sortes l'enjeu d'une concurrence entre curés et prêcheurs, ensuite nous verrons que le Pape adopta une attitude bienveillante à l'égard des frères et enfin, nous étudierons la politique choisie par les archevêques de Lyon pour faire face à ce problème persistant.
[...] En effet, il n'hésite pas à insérer ici 2 actes plus anciens rédigés par ces prédécesseurs. Celui de Robert de La Tour, archevêque de Lyon de 1227 à 1232, comme il le dit lui même l 2-3 : Sachez que nous avons vu un acte de notre prédécesseur Robert de bonne mémoire ainsi rédigé et celui d'Aymeric de Guerry, archevêque de Lyon de 1236 à 1245, comme on le voit l 29-30 : nous avons vu un autre acte d'Aymeric, ainsi rédigé Ensuite Philippe ne fait que reprendre leurs termes en introduisant le texte par : C'est pourquoi, à l'exemple de nos prédécesseurs l 49 puis suivent les décisions de Philippe. [...]
[...] Aymeric ne se borna pas à rappeler ce droit de sépulture mais dans l'acte de mai 1242 que nous avons dans le texte l 31 à 43, il en précisa les conditions. Les curés des églises paroissiales ne respectaient pas le droit de libre sépulture notamment parce qu'ils recevaient généralement le lit et les draps du défunt, bénéfice perdu lorsque l'enterrement avait lieu chez les frères. Pour ne léser aucune partie, Aymeric décida que dans ce cas, les héritiers et les exécuteurs testamentaires devraient fournir une compensation au curé de la paroisse. [...]
[...] Il s'agit de l'excommunication et de l'anathème comme on peut le voir à plusieurs reprises dans le texte : 17 et l 50 nous excommunions et nous anathémisons l 26 sentence d'excommunication ou encore l 41 et l 62 nous excommunions par l'autorité de Dieu L'anathème est la plus grave sanction ecclésiastique : il n'exclut pas seulement des sacrements mais aussi de la société des fidèles et voue, sauf repentance, à l'enfer. Cependant il finit par se confondre avec l'excommunication majeure. Mais les curés ainsi que leur complices ne risquaient pas seulement ces 2 graves sanctions. [...]
[...] L'ordre représente donc un appui considérable pour le pouvoir pontifical, ce qui a amené les Papes successifs à combler les frères de privilèges. Ainsi, Rome délivra une série de bulles de plus en plus pressantes qui recommandaient à tous les prélats de l'Eglise de faciliter la prédication des prêcheurs. Elles exhortaient les prélats, non seulement à faire des offrandes mais aussi à préparer spirituellement leurs fidèles, afin que ces derniers profitent au mieux de ce ministère bénévole. Enfin elles leur demandaient de venir en aide par leurs dons à la pauvreté volontaire des frères. [...]
[...] La politique des archevêques de Lyon 1. La politique de Philippe de Savoie Philippe de Savoie adopta lui aussi une attitude bienveillante à l'égard de l'ordre des frères prêcheurs qui avait un couvent dans la ville de Lyon comme on le voit l 46-47 : nous désirons, par une pieuse sollicitude, pourvoir à la paix et à la sérénité des frères prêcheurs Il adopta donc une politique favorable aux prêcheurs notamment en ce qui concerne le droit de sépulture comme on peut le voir tout au long de ce texte. [...]
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