La mort de Louis le Pieux intervient le 20 juin 840 et signifie l'échec définitif de l'unité territoriale carolingienne, car on voit immédiatement les fils du défunt empereur se déchirer autour de l'héritage ; mais de même qu'on s'accorde à parler de legs culturel, religieux, voire économique de la période carolingienne, ce fractionnement territorial ne veut pas dire qu'il n'y ait pas d'héritage politique carolingien. Cet héritage politique se repère à deux niveaux au moins :
- Une fois les territoires partagés, les frères établissent un régime dit de « confraternité », c'est-à-dire de coopération autour de quelques grands problèmes qui se posent à eux de façon à peu près similaire : les rapports avec l'Aristocratie d'Empire, qui se caractérise par une culture homogène donc un type semblable de revendications vis-à-vis du roi ; la question des attaques étrangères, Musulmans au sud, Magyars (c'est-à-dire Hongrois) à l'est, Vikings au nord.
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[...] En réalité, notamment au plan guerrier, Charles le Gros fait pâle figure, agissant il est vrai dans un tout autre contexte : celui d'attaques extérieures, en l'occurrence vikings, déferlantes ; celui par conséquent d'une aristocratie à satisfaire non plus en dons de terres conquises, mais au contraire en lui déléguant des commandements locaux face à l'assaillant, tout en espérant que ces Grands demeurent fidèles : cas de Bérenger de Frioul en Italie, d'Eudes le Robertien, comte de Paris, en Francie, du marquis Otton l'Illustre en Saxe, de l'évêque Liutward, archichancelier de Charles le Gros, en Germanie du sud, etc. Son empire est donc une juxtaposition de royaumes et de principautés qui collaborent uniquement, et encore, contre les Vikings. Contre eux, en 884, Charles le Gros impuissant à les déloger de leur repaire d'Esloo sur la Meuse a commencé par céder, en traitant notamment avec leur chef Gottfried, déjà bien introduit dans le jeu carolingien depuis qu'il a épousé Gisèle, la fille de Lothaire II. [...]
[...] Et l'intensité de la résistance augmente avec les premiers succès : dès le début du Xe siècle, les invasions cessent sous leur forme originelle. Conclusion : pour évoquer une dernière fois les principaux témoins médiévaux, on peut citer Paschase Radbert, qui parle du peuple destructeur venu du nord que cite le prophète dans la Bible ; cette vision biblique de l'histoire explique les outrances (voir encore Abbon de Saint-Germain) et même les délires des descriptions cléricales. Les péchés des Chrétiens ont fait des Vikings, Sarrasins et Hongrois les instruments providentiels du châtiment divin. [...]
[...] On peut ainsi distinguer de véritables ondes de panique, provoquant le départ de moines et reliques sur les grands chemins, après des démarches auprès d'abbayes et de souverains amis pour trouver refuge. L'exemple le plus célèbre, à vrai dire un peu exceptionnel, est celui déjà cité des moines de Saint-Philibert de Noirmoutiers, qui migrent continûment entre 836 et 875 et achèvent leur périple à Tournus ; le plus souvent cependant, on part en exil sur ses propres domaines plus en sécurité, et on rentre dès qu'on peut. [...]
[...] Charles a en effet d'abord envoyé l'un de ses meilleurs chefs de guerre, Henri de Babenberg, au secours des assiégés : ce dernier y perd la vie. L'empereur se rend lui- même devant Paris en octobre 886 : il traite avec les Vikings et leur paie un Danegeld (littéralement, un tribut aux Danois et s'il réussit à les détourner de la Neustrie, c'est en acceptant qu'ils pillent systématiquement la Bourgogne du nord. En fait, la résistance des Parisiens fut organisée par le comte de Paris Eudes, fils de Robert le Fort (voir plus haut), et par l'évêque de la ville Gozlin ; le moine de Saint-Germain- des-Prés Abbon a restitué cela dans les Bella parisiacae urbis les guerres parisiennes un poème épique largement pompé sur des modèles antiques, notamment l'Énéide de Virgile, qui annonce les chansons de geste postérieures. [...]
[...] Sous l'impulsion de ce dernier conseillant Lothaire, des conférences successives réunissent les trois frères à Yütz ( = Thionville actuelle) en octobre 844, puis à Meersen en : l'objectif principal en est la défense des royaumes contre les Vikings ; la conséquence pratique : Louis le Germanique n'y paraît que pour la forme, puisque son royaume, pour des raisons territoriales mais aussi de niveau de développement évidentes, n'est pas concerné ; au contraire, il joue en eaux troubles contre Charles en dressant contre lui, en sous-main, les Aquitains (voir ci-dessous); concrètement, seuls Lothaire et Charles, eux vivement concernés par les attaques des Vikings, collaborent réellement et donnent quelque temps crédibilité au concept de confraternité L'essentiel de l'action politique de chaque frère est donc consacré à la gestion de son propre royaume : il convient désormais d'évoquer séparément les trois espaces qui se sont constitués à Verdun. En Francie occidentale, Charles le Chauve est le plus menacé des trois, notamment parce que son royaume inclut les zones périphériques les fragilement tenues par les Carolingiens. [...]
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