En examinant certains procès de sorcellerie datant de la fin du Moyen Âge, on observe l'emprunt et le détournement de certaines références liturgiques par des sorciers dans leurs opérations magiques. Ainsi, on rencontre par exemple des sorcières qui font des invocations au nom du Christ et de la Croix, qui récitent l'Ave Maria ou le Pater Noster avant leurs envoûtements, qui utilisent des hosties ou de l'eau bénite dans leurs breuvages, qui louent la Trinité, la Vierge Marie ou saint Jean pour lancer un sortilège, etc.
Dès lors, une question interpelle l'historien : pourquoi ces « sorciers chrétiens » incluent-ils des rituels et des symboles liturgiques dans des pratiques fermement prohibées et condamnées par l'Église, ces actions illicites offensant de surcroît l'omnipotence et l'omniscience de Dieu ? Quel sens les acteurs de sorcellerie attribuent-ils à leurs opérations mixtes ? Quel but les sorciers visent-ils en confondant sciemment sorcellerie et religion, parfois même culte de Dieu et gloire de Satan ? Comment l'Église et les autorités laïques réagissent-elles face à cette sorcellerie usurpatrice ?
Dans cette optique, le christianisme opère une distinction fondamentale entre deux types de sorcellerie. La « sorcellerie de premier type » renvoie à la sorcellerie du simple maléfice, qui se passe du diable ou n'a avec lui que des rapports lointains et impérieux, celle qui utilise des sorts, du sortilège, des envoûtements, des incantations, des ligatures, des philtres. Cette sorcellerie est souvent désignée dans les langues européennes par des mots qui ont pour racine le mot faire. Il s'agit en effet d'un art tout opératoire, consistant à faire le mal, faire le cruel destin, le mauvais temps, faire la mort.
En second lieu, la « sorcellerie de deuxième type » est la sorcellerie vraiment diabolique, celle des sorcières qui se soumettent au Diable par le pacte, lui rendent un véritable culte et vont courir nuitamment au sabbat, celles qui joignent à tous les maléfices du premier type l'aide de Lucifer et l'abandon de leur âme. Ces précisions sont d'autant plus nécessaires que les interprétations (sur le sens de l'usage de l'orthodoxie religieuse en sorcellerie) auxquelles aboutit ce travail reposent sur cette distinction fondamentale.
[...] cit., p À propos de la variété des cachets du Diable, voir Brigitte Rochelandet, Sorcières, diables et bûchers en Franche-Comté aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Cêtre p 30-31. Brigitte Rochelandet, op. cit., p Francis Rapp, op. cit., p Il s'agit de fêtes médiévales au cours desquelles on parodie les cérémonies de l'Église. Alfred Soman, op. cit., p Un curé de village restitue le culte : ils disent qu'il y a des prestres qui y disent la messe [au sabbat] et sacrifient au nom du diable, et baptisent les crapauds qu'il leur donne pour gage, ils y doivent tous rendre compte des maux qu'ils ont faits ; l'imitation est encore plus frappante avec la référence aux grandes fêtes chrétiennes et les rites sacrilèges qui ont lieu lors des quatre grands Sabbats ( ) : ce Sabbat se tient la nuict de Noël, du Vendredy saint, la veille de Saint-Jean, et de la feste de tous les saints. [...]
[...] Leurs figures à la fin du Moyen Âge, Paris, Beauchesne p. 96-110. ELIADE Mircea, Occultisme, sorcellerie et modes culturelles, Paris, Gallimard ESMEIN Adhémar, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de la procédure inquisitoire depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours, Paris, L. Larose et Forcel FARGE Arlette, Les marginaux et les exclus dans l'histoire, Paris, U. G. E FAVREAU Robert, La sorcellerie en Poitou à la fin du Moyen Âge dans Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 4e série, XV, années 1977-1978, Poitiers p. 133-154. [...]
[...] cit., p Contrairement à la doctrine chrétienne, la théorie et la praxis démoniaques se caractérisent par une conception dualiste du monde au Moyen Âge. C'est l'inverse pour les démons qui sévissent à Dommartin. Hormis Robinet qui ne se contente pas de l'ongle de l'orteil de Pierre Menetrey, ceux-ci n'ont jamais exigé d'offrandes de leur disciple. C'est Isabelle Perat qui prend l'initiative d'offrir un poulet annuel à Lormiet. Registre criminel du Châtelet , t. II, p La terre et l'herbe conviennent également à Haussibut, ibid., t. [...]
[...] Dans cette optique, le christianisme opère une distinction fondamentale entre deux types de sorcellerie. La sorcellerie de premier type renvoie à la sorcellerie du simple maléfice, qui se passe du diable ou n'a avec lui que des rapports lointains et impérieux, celle qui utilise des sorts, du sortilège, des envoûtements, des incantations, des ligatures, des philtres. Cette sorcellerie est souvent désignée dans les langues européennes par des mots qui ont pour racine le mot faire. Il s'agit en effet d'un art tout opératoire, consistant à faire le mal, faire le cruel destin, le mauvais temps, faire la mort. [...]
[...] cit., p. 76-77. Julio Caro Baroja, Les sorcières et leur monde, Paris, Gallimard p. 94-95. Franck Mercier, Un trompe-l'œil maléfique : l'image du sabbat dans les manuscrits enluminés de la cour de Bourgogne (à propos du Traité du crisme de Vauderie de Jean Taincture, vers 1460-1470) Médiévales, nº 44, printemps 2003, p. 97-116. Cf. Jérôme Baschet, Satan ou la majesté maléfique dans les miniatures à la fin du Moyen Âge in N. Nabert (dir.), op. [...]
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