Ceux que l'on appelle les « magnats » d'Italie centrale et du nord, entre 1280 et 1400, illustrent les difficultés de l'émergence d'une noblesse urbaine et de la définition de sa place politique dans la culture communale. Les magnats sont une partie de l'aristocratie urbaine que des lois particulières ont isolée du reste de celle-ci, afin de contrôler plus étroitement leurs comportements publics et privés.
Le groupe juridiquement défini comme « magnats » est d'origine composite. Il se recrute dans les lignages féodaux, dans l'ancienne aristocratie consulaire du 12ème siècle et aussi dans les milieux d'affaires enrichis au 13ème. Ils participent donc des valeurs de la société féodale, où nombre de leurs lignages, devenus citadins, ont leurs racines, mais aussi de celles d'un monde marchand plus ouvert, plus mouvant. A ce titre, ils apparaissent comme de vrais médiateurs culturels entre le monde féodal et le monde des communes, à un moment où celles-ci se donnent des principes de gouvernement basés sur la paix civile et le compromis politique. Ainsi sont ils perçus de façon ambivalente. La réputation du magnat naît d'un alliage de respect et de haine. L'opinion publique du temps, que nous étudierons ici, hésite constamment entre admiration et rejet.
L'histoire des magnats, le long de ce siècle et demi, est celle d'une exclusion, puis d'une réintégration par le « Peuple », c'est à dire par la communauté des citoyens aptes à exercer l'ensemble des droits politiques. Dans ce double mouvement de sens contraire, la fama, dans le double sens de réputation personnelle et de renommée publique, joue un grand rôle. Leur fama, c'est l'idée que l'on se fait d'eux. La fama publica permet donc de construire une figure sociale et politique, celle du magnat, personnage remuant qu'il s'agit de contrôler. Mais la fama n'en reste pas moins une sorte de consensus de l'opinion publique qui fonde la réputation de quelqu'un.
[...] La première option est d'offrir les critères d'une définition aussi générale que possible de la catégorie des grands. Les statuts de Pérouse par exemple en 1342 laissent à la fama publica le soin de décider, en dernier ressort, de la qualité de magnat chez l'offenseur d'un populaire. Il est très généralement défini comme marquis, comte, cattaneo, chevalier ou né d'un lignage comptant des chevaliers depuis 3 générations A Reggio en Emilie, les nobiles du territoire sont définis en 1392 comme des détenteurs de forteresses ; à Spolète, ils sont assimilés aux milites, comites, barones ou capitanei parfois, ailleurs, les gouvernements communaux ont adopté une attitude plus proche de celle de Florence dans les années 1280 : ils se sont efforcés de détailler le groupe en dressant des listes de noms de ces exclus. [...]
[...] Réputation et réintégration Le second 14e voit la quasi-disparition des magnats en tant que groupe juridico-politique. Quand, ruinés, décimés par la peste ou exilés pour opinions gibelines, ils n'ont pas été totalement effacés de la scène florentine, ils sont alors pour la plupart réintégrés dans la communauté politique. L'initiative part en général d'un magnat ou d'un groupe de magnat qui dépose une demande devant le gouvernement de la cité ; cette requête est examinée et discutée par un conseil du peuple dont sont exclus les magnats. [...]
[...] Leur fama, c'est l'idée que l'on se fait d'eux. La fama publica permet donc de construire une figure sociale et politique, celle du magnat, personnage remuant qu'il s'agit de contrôler. Mais la fama n'en reste pas moins une sorte de consensus de l'opinion publique qui fonde la réputation de quelqu'un. L'accusation d'un magnat et la fama publica Un aspect de la fama publica, à la fois bruit qui court et réputation acceptée, un peu partout dans l'Italie du centre et du nord, est le statut d'exception de ceux que l'on désigne comme nobles ou puissants. [...]
[...] Plusieurs autres lois du sodamento suivirent pour préciser la première (notamment en 1286, puis 1287 pour aboutir à une loi qui prévoit qu'il suffit qu'une maison autrement dit un lignage, ait compté dans les 20 années précédentes un chevalier pour qu'on puisse la classer parmi les puissants, nobles ou magnats Une liste fut établie, mais très vite contestée, car des gens classés comme magnats arguaient de l'exercice d'un métier ou d'une inscription dans l'un des Arts. Autrement dit, beaucoup d'individus appartenant à une maison nommément portée sur la liste des magnats réfutaient leur réputation de puissance par une particularité quelconque ( ils vidaient ainsi la liste de son sens ! La riposte du popolo consista dès 1293 en un réexamen sévère de cette liste selon des critères sévères. [...]
[...] Ancienne directrice d'étude à l'EHESS, elle a beaucoup écrit sur la famille, les femmes, l'adoption ou encore sur les acteurs politiques et les élites dans les villes italiennes du moyen âge. Suite à l'article que nous présentons ici, elle publia en 2006 un ouvrage plus conséquent sur le sujet : Retour à la cité. Les magnats florentins, 1340-1440 Paris : Ed. de l'EHESS p. Introduction : pourquoi étudier les magnats italiens ? Ceux que l'on appelle les magnats d'Italie centrale et du nord, entre 1280 et 1400, illustrent les difficultés de l'émergence d'une noblesse urbaine et de la définition de sa place politique dans la culture communale. [...]
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