Ordonnance de Soissons, 10 juin 1155, Louis VII, Louis Le Jeune, autorité monarchique, pouvoir du Roi, garant de la paix, commun profit, pouvoir de ban, pouvoir législatif
Dans son ouvrage intitulé « Coutumes de Beauvaisis », Philippe de Beaumanoir, jurisconsulte français spécialiste du droit coutumier médiéval, nous précise que « le Roi est souverain par-dessus tous et a, de son droit, la générale garde de tout son royaume, par quoi il peut faire tous établissements comme il lui plaît pour le commun profit, et ce qu'il établit doit être tenu ».
Telle est la finalité de l'Ordonnance de Soissons, établie par le Roi de France Louis VII en 1155. Pour rappel, une ordonnance royale est une loi royale applicable dans tout le royaume sous l'Ancien Régime en France.
De fait, cette ordonnance a un double intérêt : elle traduit la volonté du Roi d'affirmer sa position en tant que souverain et de reconquérir son pouvoir législatif, le droit de faire la loi. D'autre part, Louis VII se montre audacieux dans cette ordonnance, puisqu'il est le premier Roi à ordonner la paix dans tout le royaume. Assurément, antérieurement, cela n'avait été institué que par l'Eglise.
Ainsi, avant le XIIe siècle, le Roi promulgue des actes juridiques qui ne peuvent être assimilés à des lois, car ils ne posent pas des règles générales : ce sont le plus souvent des mesures individuelles. Il faut donc attendre 1155 pour retrouver le premier acte à valeur législative.
De surcroit, il conviendrait d'étudier dans quelle mesure, Louis VII souligne la volonté de réaffirmer l'autorité monarchique au travers de son ordonnance.
[...] Par ailleurs, dans le bas moyen âge, face à la faiblesse des juridictions royales et du manque de compétences des juridictions seigneuriales, l'Eglise a organisé ses propres juridictions en réaction à un ordre féodal désordonné dès le XIIème siècle. Ces juridictions sont bien plus compétentes et jugent de nombreuses affaires durant l'ordre féodal. De ce fait, pour maintenir la paix, comme le Roi le désire, il doit avoir le soutien de l'Eglise et de ses juridictions. Ainsi, le pouvoir du royaume n'est pas concentré dans les mains du Roi, mais bien dans celles des clercs et des barons. [...]
[...] Le « nous » montre bien que le Roi n'est pas le seul à juger, les seigneurs locaux jugent également, il n'y a donc pas de justice royale dans le royaume tout entier. Par ailleurs, le texte nous mentionne également qu'« afin que la paix soit observée, [les prélats et barons précités] ont juré sur les saintes reliques et promis de maintenir cette paix de toutes leurs forces et qu'ils nous assisteraient de leur pouvoir afin que les violences soient jugées ». [...]
[...] Ceux-ci, après avoir juré de respecter la décision commune, matérialisent leur assentiment par leur souscription au bas de l'acte. Ainsi, le pouvoir législatif du Roi est encore bien loin de sa plénitude : c'est seulement dans la mesure où les grands le veulent que la loi nouvelle sera appliquée sur leurs terres. En effet, rappelons que les barons ont encore une grande liberté législative en 1155 : ils peuvent adopter les normes qu'ils désirent. Comme le précisera Beaumanoir plus tardivement : « le Roi ne peut mettre ban en la terre d'un baron sans son assentiment », ce qui montre leur véritable importance durant ce siècle, car même l'autorité du monarque ne peut agir contre eux. [...]
[...] Par ailleurs, les juristes dans l'entourage du pouvoir royal en France vont affirmer sa souveraineté royale. De fait, ces légistes contribuent à la construction politique et juridique de l'indépendance du Roi de France. Comme nous avons pu le démontrer, au travers de son ordonnance, le Roi Louis VII et dans la lignée capétienne, tente de réaffirmer le pouvoir royal. Ainsi, le pouvoir normatif peu à peu gagné et la garantie de la paix dans le royaume de France permettent au monarque de s'affirmer politiquement et juridiquement. [...]
[...] Un pouvoir législatif royal limité par les barons et le clergé Comme nous l'avons vu précédemment, la puissance royale gagne en légitimité et en importance, seulement le monarque est contraint d'obtenir l'approbation des ecclésiastiques et de certains nobles pour adopter un texte législatif, c'est le cas notamment de cette ordonnance. En effet, le Roi se fonde sur « leur accord » pour instaurer la paix notamment. Par ailleurs, cette mesure n'émane pas directement du Roi, mais provient bel et bien « de la requête du clergé ». Ainsi, cette ordonnance correspond « à la demande des évêques et avec l'accord des barons », inquiets de voir leurs biens menacés par les nombreuses guerres privées qui dévastent le royaume. [...]
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