Le texte laissé par le seigneur de Caumont et de Castelnau est précieux de par la multiplicité
de sujets toujours évoqués avec une volonté d'exhaustivité, mais aussi parce qu'il n'est pas une
simple description, mais avant tout un récit autobiographique : comme l'affirme Béatrice Dansette
dans la présentation qu'elle fait de ce récit de voyage, l'auteur « aurait pu écrire avant Montaigne
« Je suis moi-même la matière de mon livre. » ». Parce qu'il est témoignage subjectif, le texte de
Nompar de Caumont est marqué socialement, il s'y exprime une vision du monde qui est celle d'un
groupe social donné, en l'occurrence l'élite féodale. Pourtant il convient également d'étudier ce
document en tant qu'expression individuelle d'expériences collectives, c'est-à-dire montrer en quoi
Le voyage d'outre-mer à Jérusalem illustre les tourments, préoccupations et motivations du pèlerin
qui s'élance vers la Terre Sainte au XVe siècle.
[...] La présence des deux frères mineurs des franciscains, ressort de l'accord entre les Mameloukes et Naples évoqué précédemment : ces religieux sont chargés de l'encadrement des pèlerins chrétiens ainsi que de l'entretien des Lieux Sacrés. On peut dès lors comprendre l'intérêt que trouve l'Etat musulman dans cette convention passée avec le royaume napolitain : les voyageurs occidentaux qui se rendent sur ses terres ne sont pas un poids pour lui puisqu'ils doivent être entièrement pris en 1 Page charge par ces frères mineurs financés par les dons et les puissances chrétiennes, tandis que l'accès à nombre de Lieux Saints est soumis est un droit de passage qui, à n'en point douté, doit représenter unemânenancière non-négligeable à cette époque où le pèlerinage est en réel essor Une illustration de ce péage auquel doit se soumettre le chrétien est donné par Nompar de Caumont aux pages 1083 et 1084 ( A la porte du Saint-Sépulcre, il y avait un officier qui montait la garde avec d'autres pour que personne n'y entre sans avoir payé le tribut : ils faisaient entrer les pèlerins les uns après les autres en les comptant puis je me dirigeai vers la sortie. [...]
[...] Ainsi, au sujet de la couronne d'épine ( dont un fragment se trouverait d'après le texte de Caumont à rhodes A. Franklin raconte que Baudouin II en rendit en 1239 à Saint Louis la vraie couronne d'épines pour vingt mille livres d'argent fin alors qu'il en existait déjà deux exemplaires à Saint Germain des Prés et à Saint Denis1. Le même Baudouin II envoya à Philippe Auguste un fragment de la vraie croix, des cheveux du Christ, une dent et une côte appartant à Saint Philippe, mais surtout un morceau de la toile qui avait servit de lange à Jésus. [...]
[...] En outre, et c'est sans doute là l'intérêt principal du Voyage d'outre-mer à Jérusalem, il nous donne à voir, dans une certaine mesure, la structuration particulière du regard et de l'appréhension du réel d'un groupe social donné, confronté aux changements de son temps, et révèle les stratégies misent en oeuvre par celui-ci pour ne pas perdre pied dans le monde nouveau qui se dessine sous ses yeux. La relation laissée par Nompar de Caumont a donc ce statut ambivalent pressenti en introduction : il s'agit à la fois d'un texte exemplaire, puisqu'il permet à l'historien de renforcer sa connaissance du pèlerinage en Terre Sainte et de la traversée maritime au XVe siècle; mais également d'un témoignage rare permettant de saisir les modes de représentation d'un individu, et par extension du groupe social auquel il appartient, parce qu'il s'y exprime tout du long une forte subjectivité. [...]
[...] Franklin, La vie Privée au temps des premiers capétiens, Paris tome pages 24 et Qui transparait, sans être flagrant, dans le texte de Caumont ( du fait de son statut social ) 3 J'utilise ici ce mot en étant conscient de ses limites : le terme est d'une part totalement anachronique, d'autre part le pèlerinage a une dimension spirituelle qui ne doit pas être perdue de vue aucune machine de guerre ne peut venir à bout, sauf à manquer de vivre tandis qu'il note que la place d'Ax-en-Savartes est fortifié[e] sur le roc, très bien implanté[e] ( p je souligne Cette attention que porte le narrateur aux châteaux qui se trouvent sur son chemin sera permanente tout au long de son périple, et elle est révélatrice de sa situation sociale : celui-ci est un noble féodal, il appartient donc à l'élite d'alors et à la classe des guerriers, d'où son grand intérêt pour les fortifications. Le voyage d'outre-mer à Jérusalem livre donc des informations sur la noblesse féodale contemporaine de l'assassinat de Jean sans Peur. On peut y lire la volonté de correspondre à un certain idéal du seigneur chrétien, particulièrement dans les commentaires que Nompar de Caumont fait au début de sa relation : celui-ci décrit ce qu'il pense être le comportement juste en cette période troublée. [...]
[...] Le pèlerin est ralenti par les vents contraires : ainsi par deux fois, en tant de franchir le golfe de Crète, le navire est repoussé vers 1 Page Modon1. Caumont et ses compagnons vont plus d'une fois se croire perdus puisqu'ils sont pris dans des tempêtes de grande ampleur le 7 octobre puis le 14 du même mois, dans lesquelles le bateau est assez sérieusement endommagé ( le mat étant en partie brisé ) et qui coûteront la vie à un des membres de l'équipage. [...]
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