Le coût de la Guerre de Cent ans et une gestion hasardeuse des finances du royaume ont conduit le roi Jean II le Bon à convoquer le 30 novembre 1355 l'assemblée des Etats Généraux afin de trouver une solution à cette situation. Malgré la création de contributions indispensables et un renoncement aux mutations de monnaie, l'instabilité des caisses du Trésor va mener le dauphin Charles à réunir de nouveau les Etats Généraux le 17 octobre 1356. Cependant, sans la présence du roi alors emprisonné à Londres suite à la défaite de Poitiers, le futur Charles V peine à affirmer sa légitimité face au parti de Charles de Navarre et rencontre de nombreuses oppositions de la part de la bourgeoisie. Ces divergences d'opinions croissantes vont déboucher sur la réouverture des Etats Généraux le 5 février 1357, dans le but de mettre en place « une monnaie tele qui fust aggreable et proffitable au peuple » selon l'expression du dauphin, et d'ainsi pouvoir poursuivre la guerre.
Les conclusions et décisions des Etats Généraux de 1357 furent réunies dans un texte d'ordonnance, publié le 3 mars 1357 dans la salle du Parlement, en présence des députés des trois Etats et de Charles V, duc de Normandie. L'extrait qui nous est proposé provient des Chroniques des règnes de Jean II le Bon et de Charles V, une compilation de faits historiques majeurs qui fut réalisée à l'abbaye de Saint Denis. Ces chroniques constituaient le journal officiel de la royauté des Valois, elles ne sont donc pas particulièrement objectives et tentent de défendre constamment la légitimité de la dynastie face à ses détracteurs. Notre passage décrit la promulgation de l'ordonnance et relate d'un point vue externe certaines des mesures adoptées.
Il est intéressant de constater la valeur symbolique de ce document qui marque une rupture avec un ordre ancien ; en effet, une ordonnance est un acte législatif qui émane d'ordinaire du roi, néanmoins le texte de réforme de 1357 fut tout d'abord décidé par les trois Etats, puis soumis au dauphin qui n'a alors eu qu'un simple rôle consultatif. De plus, ce document souligne le net affaiblissement du pouvoir de la royauté face à un essor des bourgeois et de la noblesse qui prétendent à l'institution d'une monarchie contrôlée. Dès lors, en quoi cette ordonnance marque-t-elle un accroissement de l'influence des trois Etats sur la royauté et concourt-elle à remettre en question les fondations du royaume français, que cela soit sur un plan politique ou financier ?
En vue de répondre à cette interrogation, nous étudierons en premier lieu la dynastie des Valois telle qu'une monarchie affaiblie et contestée, puis en second lieu nous analyserons l'ordonnance de réforme comme l'aboutissement des Etats Généraux de 1357 et en dernier lieu nous l'aborderons en tant que volonté de refonte des institutions du royaume.
[...] L'ordonnance déstabilise donc véritablement le pouvoir royal et amoindrit les prérogatives politiques et financières du dauphin car le pouvoir royal lui est en quelque sorte retiré au profit du parti réformateur. Cependant, le maintient en prison du chef de file du parti navarrais, Charles de Navarre, où il est retenu depuis 1356 par Jean II le Bon, minimise l'influence du parti sur la royauté. De plus, il est essentiel de préciser que les Grandes Chroniques de France desquelles est extrait le passage que nous étudions, ne font à aucun moment référence à Charles de Navarre, tout comme l'ordonnance de 1357. [...]
[...] La lignée des Valois est donc en passe à une crise importante lors de la rédaction de l'ordonnance de 1357, elle est considérablement affaiblie par le parti réformateur qui met en doute sa légitimité mais également par les nombreuses difficultés financières et politiques qui caractérisent le règne des successeurs de Philippe de Valois. L'ordonnance de réforme de 1357 est la conclusion des débats séparés puis communs ayant eu lieu durant les Etats Généraux du mois de février de la même année. En effet, cet acte législatif est la conjugaison des efforts des trois états pour trouver un accord commun sur les réformes et mesures à entreprendre. Ce texte est donc véritablement l'aboutissement de l'assemblée des Etats Généraux et marque la réunion des représentants des trois Etats autour d'un projet commun. [...]
[...] L'ordonnance de 1357 constitue un plan de réforme du royaume fort audacieux, elle fait littéralement table rase de l'organisation des institutions afin de mettre en place une monarchie contrôlée. Ce texte marque également une rupture avec la dynastie des Valois en proclamant la prépondérance du parti de Charles de Navarre sur la monarchie et donc sur la ligne politique du royaume. Néanmoins, l'application de cet acte législatif sera de courte durée, en effet, les réformateurs nommés par les trois Etats ne sont en fonction que cinq mois, le nouvel impôt se révèle difficile à mettre en œuvre sur le terrain et le manque d'expérience politique des représentants des trois ordres limite l'efficacité des réformes. [...]
[...] Dès lors, les trois Etats devront s'assurer de la gestion de l'impôt et de son bon fonctionnement sur le long terme, d'où la nécessité de se réunir plusieurs fois afin de suivre l'évolution de ces mesures Mais comme ils ne savaient pas encore à combien ladite finance pouvait monter, ni si elle suffirait à payer les trente milles hommes d'armes, ils requérirent de pouvoir s'assembler à la quinzaine de Pâques suivant Les décisions des représentants des Etats demeurent dans un premier temps forts hypothétiques et théoriques, Dans l'intervalle ils feraient savoir combien ladite finance pourrait monter et si elle ne suffisait pas, ils l'accroîtraient en effet, il ne sera possible de connaître l'efficacité du subside qu'une fois mis en pratique. Les trois Etats sont donc conscients de prendre un certain risque dans cette opération financière, mais en étant parvenus à obtenir le consentement du dauphin sur l'impôt, ils ont dressé l'ébauche d'une monarchie contrôlée par une assemblée représentative. L'autre point essentiel de la réforme financière de l'ordonnance concerne la monnaie, en particulier sa stabilisation suite aux mutations monétaires fréquemment effectuées par le roi Jean II le Bon. [...]
[...] La commission de réforme compte trois évêques, deux universitaires, deux chevaliers et deux nobles, la désignation de ces membres par les trois Etats, la nomination par les trois Etats de réformateurs justifie leur affiliation avec le parti de Charles de Navarre et accentue le processus de navarisation de l'Etat. En effet, par l'intermédiaire de l'épuration des officiers royaux et de la mise en place des réformateurs, le parti acquiert une position de force au sein du royaume puisqu'il ne rencontre désormais plus aucune véritable opposition. Robert Le Coq exige que l'ensemble de ces dispositions concernant les institutions royales soit effectif dès la promulgation de l'ordonnance, et ledit évêque requit que monseigneur le Duc les révoquât dès lors ce qui accentue leur importance. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture