Combattre en Europe, 1270-1480, mutation du type de combat, modification du profil des combattants, France, Angleterre, Écosse, Irlande, pays de Galles
Dans La genèse de l'État moderne : culture et société politique en Angleterre, Jean-Pierre Genet met en valeur le « primat de la guerre » dans la construction de l'État anglais à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle. En effet, des années 1270 et le début des guerres contre le pays de Galles, jusqu'aux années 1280 et la fin de la guerre des Deux-Roses, l'Angleterre est en guerre quasi permanente contre l'un de s`es voisins, quand il ne s'agit pas d'une guerre intestine.
Ce conflit, constant, demande une organisation de plus en plus poussée, avec ses administrateurs, ses officiers, ainsi qu'une spécialisation de ses combattants, avec une armée permanente, rémunérée grâce aux revenus du souverain ; et c'est pourquoi la guerre constitue un ferment de l'État moderne.
Ce changement par le haut ne manque pas d'entraîner une mutation de la façon de se battre même pour le simple piéton de la bataille de Dupplin Moor (1332) comme d'Azincourt (1415). Car d'une armée, largement basée sur les relations féodales, assez limitée en nombre, et avec une tactique basée essentiellement sur la charge de la chevalerie, on passe tout au long de la période à une armée plus nombreuse, soldée, et qui mise moins sur sa cavalerie et ses chevaliers, que sur ses fantassins et son artillerie.
[...] Il est exigé par le souverain que chaque homme de chaque village s'entraîne à tirer à l'arc. Charles VI interdit en France, de la même façon, d'autres jeux que le tir à l'arc ou à l'arbalète pour pousser sa population à s'améliorer. Ceci remet totalement en cause l'ancienne tripartition de la société entre laboratores, milites et oratores, tripartition à laquelle plus personne ne croit. Toutefois ce chamboulement social ne manque pas de soulever des critiques de la noblesse qui voit avec appréhension le fait de confier des armes à des non-nobles, ce qui pourrait aboutir selon eux à des révoltes sociales. [...]
[...] Autrement, dans la guerre moderne, on tue et on meurt beaucoup, aidé en cela par le perfectionnement de la technique, notamment de l'artillerie, et de la perte des valeurs chevaleresques qui privilégiaient la capture au meurtre. Jean de Bueil, dans Le Jouvencel, écrit que par le moyen des armes vous pouvez devenir le plus grand empereur du monde Ceci est donc très exagéré, dans une société déterministe où votre naissance fonde bien plus votre valeur que votre maîtrise du combat. [...]
[...] Une modification du profil des combattants La noblesse et l'impôt du sang : une crise d'identité Le recul du rôle de la noblesse dans la guerre entraîne une remise en cause de l'utilité sociale de celles-ci dans quelques chroniques, telles que Le Quadrilogue invectif d'Alain Chartier, qui critique les nobles qui crient aux armes mais courent à l'argent Effet de la bataille d'Azincourt et du prix du sang devenu trop lourd à payer, mais aussi de la rivalité Bourguignons-Armagnacs. De manière générale, plainte de la noblesse qui ne trouve plus son compte dans les combats qu'elle mène en raison du risque de mourir et des sommes conséquentes à engager. Ex : Charles V accorde une lettre de rémission de ses fautes à Liébaut, sire de Bauffremont, et à son fils, tous deux chevaliers, pour avoir fait prisonnier un marchand et avoir demandé une rançon pour sa libération. [...]
[...] Enfin, les civils eux-mêmes sont amenés à se battre en raison de l'importance que prennent les villes dans les conflits de cette période. Les sièges et les prises de ville ne sont pas rares au cours de la période, les populations urbaines sont donc amenées à participer au combat de plusieurs manières : participation à la fortification des murailles (des seigneurs acceptent parfois des exemptions de corvées pour ceux qui participent aux fortifications), à la garde, aux patrouilles, mais aussi en tant que milices urbaines. [...]
[...] La population devient actrice de la guerre, même indirectement puisqu'elle doit consentir à payer des impôts extraordinaires qui deviennent de plus en plus réguliers pour financer l'effort de guerre. Les rois français sont obligés de convoquer régulièrement les Etats afin de négocier la levée de nouveaux impôts, et de se justifier sur les dépenses effectuées. Il en va de même en Angleterre où les souverains doivent traiter avec les Parlements pour la même levée de ces impôts. Des impôts directs comme le fouage (qui concerne chaque foyer) ou des impôts indirects comme la taille sur les produits consommés. [...]
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