Bal, Ardents, charivari, cour, Charles, VI
Vivre à la cour sous Charles VI, c'est vivre dans un espace de sociabilité et de convivialité.
Rien n'est laissé au hasard, tout est sujet d'interprétation et a une portée politique. Les cours princières ont pour modèle la cour du roi. C'est dans cet espace clos et pourtant toujours en
mouvement, car la cour n'est jamais fixe, elle suit le roi, que se côtoient les héritages et les innovations à tous les points de vue. En effet, que ce soit les modes vestimentaires ou les idées
politiques, toutes les innovations majeures ont lieu à la cour du roi. La cour est un lieu d'innovation permanente, mais c'est aussi et surtout un lieu de convivialité, un lieu ou les divertissements et les fêtes sont nombreuses. Tout événement de la vie quotidienne peut donner lieu à une fête, si le roi en décide ainsi. Une naissance, une entrée royale ou encore un mariage sont des prétextes pour de fastueux divertissements. Ces divertissements ont toujours une portée politique, ils servent à représenter le pouvoir royal et à affirmer sa suprématie. Cependant si la plupart du temps, ces grandes fêtes permettent d'asseoir encore un peu plus l'autorité royale, comme l'atteste l'entrée d'Isabeau de Bavière à Paris, il se peut que ces fêtes dégénèrent... C'est la cas du Bal des Ardents, un charivari organisé en janvier 1393 lors du remariage d'une dame d'Isabeau, Catherine l'Allemande,
avec un prince allemand. Lors de cette fête, Charles VI et quelques uns de ses compagnons se sont déguisés en sauvages pour se moquer de ce mariage. Mais au cours de la soirée, les déguisements se sont enflammés et le roi a failli bruler vif. Le religieux de Saint-Denis, Michel Pintoin, dans sa Chronique de Charles VI, raconte cette« horrible tragédie » (l.24) qui eut lieu en 1392. Michel Pintoin est chantre à l'abbaye de Saint-Denis, et il s'attache au travers sa chronique à raconter la vie sous le règne de Charles VI de 1380 à 1422, cependant comme l'analyse B. GUÉNÉE1 la chronique du religieux est plus une chronique locale, c'est à dire de Paris, qu'une chronique nationale, en effet, il
n'évoque quasiment pas la France méridionale et rurale. Néanmoins, le Bal des Ardents que s'attache à raconter le religieux de Saint-Denis et qui est illustré dans les Chroniques de Froissart
qui datent de 1420 – donc a posteriori, elle est aujourd'hui exposée à la British Library [cote 060380] – illustre un fait marquant dans la vie de cour, car c'est une fête comme il en existe tant, mais au travers celle-ci se mêlent différentes cultures, et surtout c'est une fête qui a failli voir mourir
le roi. Un roi qui est déjà fou depuis l'incident de la forêt du Mans du mois d'août 1392.
En quoi le regard que porte le religieux de Saint-Denis sur le charivari traduit-il une critique de la vie à la cour et une critique de la culture populaire en général qui nuit, selon lui, au royaume de France et au roi « Très Chrétien » ?
La cour se révèle être un lieu de fêtes fastueuses et régulières, qui sont des symboles du pouvoir mais qui parfois tournent mal, comme l'atteste le Bal des Ardents. Cet exemple a d'ailleurs suscité de vives critiques de la part de l'Église et du peuple parisien qui contestaient les excès de cette vie de cour.
[...] Même si cette représentation est faite a posteriori, il est vraisemblable que, lors de la soirée du 28 janvier 1393 qui voit se dérouler le charivari, le decorum était autant somptueux que soigné, tout du moins jusqu'à l'entrée des hommes-bêtes Les fêtes sont donc fastueuses et somptueuses, de par les richesses déployées, mais il ne faut pas oublier que toutes les fêtes se font en musique. Celle-ci est quotidienne, elle accompagne le repas et la fête. Elle est jouée soit par des hérauts d'armes soit par des ménestrels, mais elle peut également être chantée. La coutume veut que les musiciens soient présentés à l'assemblée au début des festivités. [...]
[...] - Elles s'inscrivent donc dans un contexte et sont suivi de toute une symbolique. Le roi apparaît de plus en plus sous un dais, fort symbole religieux qui l'assimile au Christ. Sur le tableau, la reine et le roi, bien qu'étant en train de participer à un rite païen, se trouvent sous le dais. Ainsi, la plupart des fêtes ont une dimension religieuse. Cependant, il est fréquent que la cour reprenne à son compte un certain nombre de fête et de rites populaires, certains même considérés comme païen par l'Église, par exemple le carnaval. [...]
[...] Rey-Flaud, Le charivari : Les rituels fondamentaux de la sexualité, Paris, Payot d'un cortège de damnés, criant et chahutant, conduit par le géant Hellequin, le prince des Enfers.4 Le roi avait fait demandé à ce qu'on enlève les torches de la salle avant l'arrivée des hommes-bêtes et tous les convives jouaient leurs rôles jusqu'à ce que Louis d'Orléans et quelques uns de ces suivants arrivent avec des torches et enflamment les déguisements. Selon certaines versions, c'est Louis d'Orléans qui met le feu à la tunique du roi, selon le religieux c'est un des assistants [qui] sans prévoir sans doute le mal qu'il pouvait faire, jeta une flammèche sur un de ceux qui faisaient partie de la mascarade (l.48-50). Cette tournure vise sans doute à minimiser la responsabilité, quelle qu'elle soit, de Louis. [...]
[...] Cependant, le Bal des Ardents, n'est pas l'acte d'un roi fou, mais bel et bien l'acte d'un roi jeune qui veut faire la fête. Et aussi vite qu'elle est arrivée, l'émotion retombe, les morts sont vite oubliés et l'incident est vite clos. Emblèmes de Charles VI : le cerf-volant et hêtre Louis d'Orléans Dressoir Musiciens Catherine l'Allemande Isabeau de Bavière Duchesse de Berry Charles VI Sire de Nantouillet - BIBLIOGRAPHIE - Françoise AUTRAND, Charles VI : La folie du roi, Paris, Fayard Jean-Marie CAUCHIEs, A la cour de Bourgogne : Le duc, son entourage, son train, Turnhout, Brepols Jacques LE GOFF et Jean-Claude SCHMITT, Le charivari : actes de la table ronde organisée a Paris ( 25-27 avril 1977) par l'école des hautes études en sciences sociales et du cnrs, Paris, Mouton éditeur Henri REY-FLAUD, Le charivari : Les rituels fondamentaux de la sexualité, Paris, Payot François-Olivier TOUATI (dir),Vocabulaire historique du Moyen Age (Occident, Byzance, Islam), Paris, La Boutique de l'Histoire, 2000. [...]
[...] Le peuple souffre, pendant que le roi et sa cour festoient. Si la plupart des manifestations ostentatoires sont pardonnées, il arrive que certaines dépassent les limites et suscitent une réaction populaire. C'est le cas du Bal des Ardents. Cependant s'il suscite des critiques de la part du peuple, ce n'est pas pour les mêmes raisons que l'Église. En effet, ce n'est pas en soi la pratique du charivari qui est condamnée, mais c'est surtout la peur de perdre le roi. [...]
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