Rodolphe Guilland parlait pour Byzance d'une « noblesse », ce qui met l'accent sur un pouvoir donné par la naissance (ou eugéneia). La « noblesse » est un groupe qui fonde ses droits sur la naissance et la transmission des privilèges. Or, aucun statut juridique n'a jamais, à Byzance, déterminé des privilèges héréditaires. On ne peut donc pas parler de noblesse.
Malgré tout, les élites ont réussi à conserver les positions acquises de génération en génération, mais par des moyens officieux.
Les premiers travaux sur l'aristocratie proprement dite datent des années 1960, avec A. Kazhdan, qui montra que l'illustration par la naissance se dessine à Byzance au tournant des IXe-Xe s. Il publia en 1974 une grande œuvre « Les structures de la classe dominante aux XIe-XIIe s », où il engage une réflexion sociologique sur l'origine des aristocrates.
Plus tard, J.-Cl. Cheynet précisa les contours des grands lignages en l'influence de ces réseaux sur le pouvoir impérial dans sa thèse d'État « Pouvoir et contestation à Byzance (963-1210) ».
Dans ses nombreux autres travaux, il met l'accent sur la continuité aristocratique et poursuit la destruction des vues ostrogorskiennes sur la féodalisation de l'Empire. Il montre en particulier qu'Ostrogorsky a utilisé des modèles calqués sur le Moyen-âge occidental, non adéquats pour le monde byzantin.
Un grand débat a porté sur la survivance des élites, avec les questions de l'ampleur des apports extérieurs et de leur composition. Aussi question de la mobilité sociale : aujourd'hui, l'historiographie présente la société des VIIe-IXe s comme une société ouverte et mobile, pour des apports extérieurs et intérieurs (ouverture de l'aristocratie aux couches plus modestes de la société). Mais en même temps, l'aristocratie byzantine se caractérise par une forte continuité à travers les siècles.
[...] Les aristocrates ne possédaient pas de forteresse. Leur palais possédait juste un réduit défensif pour posséder le trésor et les hommes des bandes de voleurs. Donc l'empereur n'avait rien à craindre des gardes des aristocrates ou de leurs maisons fortes. La vraie menace venait des liens puissants qui unissaient les généraux à leurs soldats. Ces liens étaient renforcés par des solidarités familiales ou territoriales : les officiers combattaient parmi leurs parents et des soldats souvent issus de la même province (du moins jusqu'au XIe s). [...]
[...] Le mariage n'était pas le seul moyen pour unir les familles : la parenté spirituelle. Ex : Michel Psellos s'enorgueillissait d'avoir pour marraine de son petit- fils l'impératrice Marie d'Alanie. Ces liens spirituels étaient pris en compte par l'Église pour le décompte des degrés de parenté. Il y avait aussi la fraternité d'adoption, mais celle-ci ne recevait pas la sanction de l'Église. Elle liait deux personnes par leur seule volonté. Ex : Deux généraux, Romain Diogène (futur empereur) et Nicéphore Bryennios (futur prétendant au trône) s'étaient adoptés comme frères. [...]
[...] Leur statut ne les empêchait pas d'avoir des fonctions parfois importantes, surtout quand ils servaient l'empereur. En récompense d'un long service, ils pouvaient obtenir une terre. Des armées privées à Byzance ? Les aristocrates disposaient de serviteurs armés pour leur défense, mais cela ne représentait souvent pas plus que quelques dizaines d'hommes. Ceux- ci réglaient les querelles sur les domaines, commettaient des exactions sur les faibles. Mais on ne peut pas considérer que ces hommes constituaient des armées privées (pas assez nombreux, pas assez formés). [...]
[...] Une fortune trop exceptionnelle attirait l'attention des empereurs et tous ceux dont les textes vantent l'enrichissement finirent par tout perdre (ex : Eustathe Maléïnos sous Basile II Ainsi pour éviter de perdre leur patrimoine, les aristocrates ont souvent fondé des monastères qui abritaient leur fortune foncière, la rendant de fait inaliénable (protection des biens de l'Église) tout en restant dans la famille, car les héritiers conservaient la gestion des biens, et donc des ressources, du monastère. L'implication de l'aristocratie dans la vie économique est un sujet obscur. On sait qu'à Constantinople ils détournaient l'interdiction faite aux dignitaires de faire du commerce en utilisant des hommes de paille. Les surplus des productions des oikoi aristocratiques semblent avoir été mis sur le marché. [...]
[...] Les épouses gardaient leur nom, et pouvaient même le transmettre aux enfants s'il était plus renommé que celui de l'époux. L'influence des impératrices augmente sous les Comnènes et les Anges. Ex : L'impératrice Irène Doukaina participait activement aux intrigues politiques du temps. Certaines femmes de l'aristocratie eurent une grande culture. Anne Comnène est la plus connue, mais d'autres princesses du XIIe s animent des cercles littéraires, se font dédicacer des œuvres savantes. Les fortunes de l'héritage Les provinciaux qui n'avaient pas accès à l'empereur (donc une couche inférieure de l'aristocratie) tiraient leur richesse de leurs domaines fonciers. [...]
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