En 1110, le souverain Louis VI n'a pas la réalité du pouvoir sur ses terres, et le futur Languedoc est partagé entre l'influence des grandes familles comtales, comme celles de Toulouse et de Barcelone, et l'influence des monastères, très riches et puissants, qui revendiquent le droit à la terre et développent d'importantes seigneuries. Cependant, la rivalité entre les familles de grands seigneurs tend les puissants à s'allier avec le clergé, et le lien vassalique change d'apparence : n'étant plus uniquement établi entre un plus faible et un seigneur protecteur, il se tisse alors de plus en plus fréquemment entre des hommes de même rang et rivalisant en puissance. C'est ce qui se passe ici.
Bernard Aton est issu de la puissante famille des Trencavel. Né en 1066, il hérite de son père, Raimond Bernard, des vicomtés d'Albi et de Nîmes. Il acquiert Béziers et Agde, et, parce que sa mère est Ermengarde de Carcassonne, il prétend à des droits sur le Carcassonnais. Lorsque la ville, possession du comte de Barcelone, est confiée aux Trencavel, Bernard Aton n'hésite pas à s'en proclamer vicomte. Cela se passe en 1082. L'abbé Léon, quant à lui, est à la tête d'un monastère qui, du IX au XI siècle, occupa la première place dans la région, et dont les possessions s'étendent de l'albigeois, à la Saragosse dans la péninsule ibérique (la région de Saragosse est chrétienne à l'époque, consécutivement à la Reconquista)
[...] On pourrait même se poser la question de savoir si les domaines concédés n'ont pas été imposés par Bernard Aton lui-même. Car, à cette époque, les seigneurs ont peu à peu tendance à perdre la réalité du pouvoir sur les terres de leurs vassaux. Le pouvoir affirmé de ceux-ci les rend dangereux pour leurs seigneurs, et ils peuvent aisément revendiquer une propriété totale sur les fiefs qui leur ont été offerts. De plus, les seigneurs ont plutôt intérêt à stabiliser leur entourage vassalique, afin d'avoir des hommes prêts à les défendre et à assurer la garde des châteaux. [...]
[...] Cependant nous notons que celui-ci promets, mais ne jure pas. Par là, aucun reproche de parjure n'est possible à son égard s'il ne tient pas sa parole. Les devoirs du seigneur sont la fidélité et la protection, mais le vassal, bien souvent, attend plus en échange de ses services. C'est ainsi que le don du fief se confirme, ainsi que ce qu'on appelle les bienfaits : aide financière, alimentaire Les nombreux échanges établis de la sorte concourent à créer de réelles alliances, fondées sur des cérémonies officielles, et, de plus, mises à l'écrit, donc rendues incontestables. [...]
[...] Le vassal a trois devoirs importants : la securitas, ou devoir de sécurité ; l'auxilium, ou aide, qu'elle soit militaire, financière, ou alimentaire ; et le consilium, le conseil au seigneur. Dans le texte n'apparaissent que les deux premiers devoirs, et ceci n'est pas inhabituel, car les formes de vassalité, au XII, sont multiples. Le fait que le seigneur soit ici un abbé change également beaucoup de choses. Le devoir de sécurité s'exprime en général par des services de garde de châteaux, et de défense du seigneur en cas d'attaque. Il comprend ainsi la fidélité l'assurance de protection, et le service militaire appelé ost. L'aide est militaire et financière. [...]
[...] Il s'agit en fait de la transcription par écrit au moyen d'une charte, des paroles prononcées par Bernard Aton à son seigneur, l'abbé Léon de Sainte-Marie de la Grasse, et de celles de ce même Léon à son vassal. Bernard Aton y énumère les terres qu'il tient de l'abbé, et lui fait serment de toujours rester pour lui un vassal fidèle : de le défendre, ainsi que ses successeurs au monastère, de renouveler son serment à chaque institution d'un nouvel abbé, de lui assurer un soutien militaire et financier, et de le fournir en nourriture lorsque l'abbé vient en ville, dans un gîte abbatial dont il doit assurer la tenue. [...]
[...] Le serment de foi fait par le vassal est prononcé, main étendue, sur les quatre évangiles. Parfois, il pouvait se faire sur des reliques saintes. Ce second temps dans la cérémonie inclue, depuis l'époque Carolingienne, la présence de Dieu, qui, ainsi, porte son regard sur les liens entre hommes. Cela permet symboliquement de réguler, en quelque sorte, les alliances qui sont faites. Les gestes de recommandation ont leur signification symbolique, mais aussi leur signification réelle. Apparaissent alors les devoirs réciproques entre vassal et seigneur. [...]
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