Moines, laïcs, terre au Moyen-âge, école mutationniste, alleu paysan, révolution féodale, servitude, aristocratie, pression seigneuriale, réformes monastiques, sacré, profane, territorialisation des pouvoirs
Soulever la question du statut des possesseurs fonciers, c'est entrer dans l'inévitable débat mutationniste. L'école mutationniste, emmenée ici par Pierre Bonnassie, veut que l'alleu paysan ait été très répandu, notamment dans le Midi de l'Europe, jusqu'à la "révolution féodale". Entre 950 et 1050, la pression seigneuriale aurait forcé les paysans libres à aliéner leurs alleux, première étape d'un glissement vers la servitude... Pour D. Barthélemy et ses "partisans", l'alleu paysan relèverait largement du mythe historiographique et les propriétaires que les "mutationnistes" prennent pour des "paysans à la dérive" seraient en réalité de petits aristocrates.
[...] Ainsi, certaines familles ont recherché les contrats de précaire, non seulement pour augmenter leurs possessions, mais aussi pour contourner les pratiques successorales. Dans la Saxe du siècle, de riches veuves ont fondé et doté des monastères de moniales pour préserver leur héritage des convoitises de certains parents - dans un contexte où les femmes pouvaient plus difficilement disposer de leur douaire. La terre et la territorialisation des pouvoirs La memoria de la terre La terre se trouve également au cœur de la mémoire familiale. [...]
[...] C'est aussi dans ce contexte que s'inscrit le discours sur les restitutions de biens à l'Église. À partir de 1060, on constate une inflexion du vocabulaire des chartes de donations, de plus en plus considérées comme des restitutions , tandis que se multiplient les donations rémunérées, signes de négociations plus âpres entre moines et laïcs autour de la terre. Dans les mêmes années se multiplient les injonctions des moines contre les mauvaises coutumes, expression par laquelle l'Église définit comme illégitimes les droits revendiqués par les laïcs sur des biens d'Église. [...]
[...] Le système du don contribue donc largement à l'enracinement et à la territorialisation des pouvoirs aristocratiques. La rupture du tournant des XI[e] et XII[e] siècles Le réajustement des structures sociales - autour du lignage et de la généralisation des rapports féodo-vassaliques - et les nouvelles conceptions ecclésiologiques - la réforme grégorienne qui s'attache à la séparation du sacré et du profane - induisent toutefois une rupture dans la relation à la terre. Ainsi, la notion de propriété se précise avec l'affirmation de la seigneurie et de la famille patrilinéaire. [...]
[...] On peut penser par ex. que dans le cadre des services attendus des monastères royaux (envois de vassaux du monastère à l'ost, hébergement de la cour, etc.), la collaboration ne fonctionne que si le roi se montre généreux. De fait, on sait bien qu'en Francie occidentale comme orientale, les grands monastères ont bénéficié de vastes transferts de terres issues du fisc qui peuvent être vus comme la contrepartie des services attendus par la monarchie. Il faut enfin souligner que les revenus des terres étaient pour partie réinvestis dans des fonctions sociales assumées par les moines - charité, éducation. [...]
[...] La donation est en effet en soi un acte qui aide au salut de celui qui l'effectue. Les actes rédigés par les moines glosent sur la faible valeur des biens terrestres et l'espérance en des biens spirituels bien supérieurs. On trouve même l'idée de la transformation de biens terrestres en biens célestes et du pécheur en homme nouveau - une idée exprimée par un vocabulaire qui est celui de la transformation eucharistique. En outre, il faut rappeler que les moines sont investis de l'expiation des péchés des fidèles et de la prière pour le salut de tous. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture