Analyse de l'unité carolingienne. La phase chronologique représentée par les règnes de Pépin le Bref et Charlemagne (741-814) fut souvent décrite dans les manuels, jusqu'il y a une vingtaine d'années environ, comme la période phare, l'apogée de la construction politique carolingienne; on lui opposait la période suivante, inaugurée par le successeur immédiat de Charlemagne, Louis le Pieux (surnommé dans ces mêmes Manuels le ?Débonnaire?, c'est-à-dire, traduit en termes clairs, le gentil naïf manoeuvré par les prêtres. Depuis, s'est amorcée une réaction historiographique salutaire qui a conduit à réévaluer les règnes de Louis le Pieux et Charles le Chauve.
[...] Autre sujet de discorde selon les sources : la cérémonie de la proskynèse, c'est-à-dire de l'« adoration de l'empereur par le pape, coutumière à Byzance ; seul Eginhard en parle, pour évoquer le fort mécontentement qu'elle aurait provoqué chez Charlemagne, craignant une manifestation d'idolâtrie. Le fait est que ce rite a disparu très vite du cérémonial occidental, et que Charles en 813 couronna lui-même empereur à Aix-la-Chapelle, sans aucune référence au pape, son héritier désormais unique, Louis. Ce dernier ne devait pas manifester sur la question les mêmes vues que son père puisqu'il accepta d'être à nouveau couronné des mains du nouveau pape Etienne II, à Reims en 816. [...]
[...] le cours sur le Renaissance carolingienne), Moïse, et David dans les Laudes (les acclamations liturgiques en faveur du roi lors des messes). Allusion plus précise, le surnom de Constantin, premier empereur chrétien, fait aussi son apparition. Alcuin encore décrit dans une lettre de 799 à Charles l'ordonnancement du monde selon trois principaux pouvoirs, le sien au zénith, celui du pape à ce moment discrédité (Léon III est très contesté par la noblesse romaine, c'est une des raisons pour lesquelles il fait appel à l'aide de Charles en 800), celui enfin de l'empereur d'Orient, qui n'existe plus (voir ci-dessous) ; il conclut que la dignité royale que Notre Seigneur vous a réservée l'emporte sur les deux autres dignités, les éclipse en sagesse et les surpasse La voie est ouverte. [...]
[...] On évolue vers ce que l'on peut nommer une théocratie (le pouvoir politique est revendiqué par les Clercs au nom de Dieu) épiscopale laquelle a pu constituer un facteur structurel d'affaiblissement de l'autorité impériale, comme semblent le prouver d'autres faits (ainsi la réunion de 4 grands conciles en 829, dont seuls les actes de celui de Paris nous sont parvenus : ils postulent que l'Empire n'est qu'une partie de l'Eglise). La révolte des fils et les difficultés de la fin du règne : 830-840. La même année 829, Louis tient une assemblée à Worms où il remet en cause, pour son malheur, l'Ordinatio de 817 déjà péniblement acceptée. [...]
[...] Bref, la situation contraste très vivement avec celle qui prévalait à la fin du règne de Charlemagne, puisque Louis n'a impulsé aucune conquête (sauf Barcelone avant 814, quand il était roi d'Aquitaine), se contentant de guerres défensives. Un signe de ce retournement : l'approvisionnement en esclaves capturés à la guerre se tarit, ce qui peut expliquer certaines des faveurs consenties par Louis aux marchands juifs, grands acteurs de la traite, faveurs très critiquées par les évêques, tout particulièrement Agobard. Surtout, ce changement est essentiel sur un plan : Louis n'a plus suffisamment de quoi rétribuer l'Aristocratie, en terre et butin. [...]
[...] II - Gouverner l'Empire chrétien : ruptures et continuités sous Louis le Pieux (814-840). L'évocation du destin des Carolingiens aux VIIIe-IXe siècle propose en général deux morceaux de choix : les conquêtes triomphales et la marche à l'unité jusque vers 800, sous Charlemagne ; puis la fragilisation dès 820, prélude à l'éclatement du second IXe s. ; il en résulte deux conséquences : l'état intermédiaire de stabilité semble avoir à peine duré (en gros, il correspondrait à la fin du règne de Charlemagne : 800- 814) ; les règnes de ses successeurs pâlissent par comparaison (surtout celui de Louis le Pieux, qui avait pourtant eu la chance de demeurer seul héritier, et fut donc longtemps présenté comme d'autant plus incapable; celui aussi de Charles le Chauve, le souverain, des trois fils de Louis devenus rois, ayant bénéficié de la plus grande longévité). [...]
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