Dans la première partie de l'ouvrage, Henri Laoust se propose de replacer la vie et l'œuvre de Ghazali dans son contexte politique. En effet, Laoust est persuadé que si l'œuvre de Ghazali est politique, cela est dû au contexte de l'époque, extrêmement riche et animé. Dans cette première partie, l'auteur fournit également un grand travail de recherche chronologique, qui consiste à faire correspondre chaque œuvre de Ghazali avec un moment précis de sa vie, et donc avec un moment politique particulier. Cette partie de l'ouvrage de Laoust est très riche et très dense. Il y expose de nombreux faits politiques détaillés, voire des anecdotes, pour que la recréation du contexte soit la plus complète possible. Le travail de correspondance entre chaque œuvre de Ghazali et son contexte est également très riche, Laoust présentant plusieurs hypothèses, et argumentant son choix. Chacune de ses hypothèses permet de donner une vision nouvelle du travail de Ghazali. Au final, il apparaît clairement que la compréhension poussée du contexte est d'un intérêt majeur pour appréhender l'œuvre de Ghazali, et notamment sa partie politique.
Pour restituer de manière pertinente cette première partie de l'ouvrage d'Henri Laoust, nous allons traiter de trois thèmes : la situation politique dans l'Empire abbasside pendant la vie de Ghazali, puis les conflits d'ordre religieux, et finalement l'œuvre et la vie de Ghazali en elles-mêmes.
[...] Dans le Munqid Ghazali explique les raisons de sa retraite et de son retour à la vie active. Cet ouvrage critique de nombreux vices de la société sunnite en général. Parmi eux, la tentation de certains soufis, qui pensent avoir atteint un tel degré de mysticisme qu'ils sont en mesure de se passer de la pratique. Finalement, Ghazali, dans son œuvre fait preuve de beaucoup d'amertume et n'épargne personne, à l'intérieur même du sunnisme. C'est une des raisons qui le pousseront à prendre une longue retraite. [...]
[...] L'idée d'utiliser des madrasas comme instrument de propagande politique et religieuse est due à Nizam al-Mulk. Il transforme l'école privée en une des institutions étatiques dont les professeurs sont nommés par le gouvernement et dont le but est, outre la formation de fonctionnaires dévoués, l'application du programme de renouvellement de l'orthodoxie musulmane. Des Nizamiyya sont créées dans toutes les grandes villes seljouqides, notamment à Nishapur et à Bagdad (la plus grande), où Ghazali est professeur. Dans l'Ihya', Ghazali reprendra cette nécessité de développer l'enseignement des sciences religieuses. [...]
[...] Car Ghazali se rend compte qu'il s'était lui-même corrompu. Sa retraite lui sert en fait à prendre du recul pour préparer l'islah : il se réforme lui-même avant de réformer autrui. En fait, Ghazali a été docteur et enseignant de la Loi, puis soufi, puis à nouveau juriste tout en restant soufi. Ce qu'il faut retenir de tout cela est le fait que Ghazali ne se classe pas réellement parmi les différentes catégories de son époque. Malgré son initiation soufie, il reste un juriste, et ne rejette jamais le fiqh. [...]
[...] Le Munqid, raconte lui aussi la crise de 1095, faite de scepticisme et de découragement. Le Munqid explique le départ par un doute religieux, mais pas par une remise en cause du credo sunnite. Dans ce livre, Ghazali critique tout le monde : les savants (untel ne fait pas la prière, l'autre boit), les philosophes, les mystiques Il remet en cause tous les moyens de la connaissance : la théologie dogmatique, la philosophie, l'ésotérisme et le soufisme Ghazali analyse également son retour à la vie active : il se sent une mission réformatrice, mais il hésite à l'assumer publiquement. [...]
[...] Pour lui, dans ce livre, Ghazali nous donne les raisons plus profondes de son départ, liées à la situation socio- politique de l'époque et à l'indignation de Ghazali envers celle-ci. Il critique la corruption des savants qui se taisent à cause de leur ambition, et sont par là à l'origine de la corruption des Princes, qui elle-même entraîne la corruption de la société. Ce livre est une profession de foi et une introduction à la vie contemplative. Néanmoins, Ghazali n'a pas rompu avec le monde : il le critique toujours. [...]
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