A l'époque carolingienne, à la minorité de ceux qui dirigent, combattent, prient s'oppose l'immense majorité de ceux qui travaillent modestement, pauvrement. C'est ce que Pierre Riché appelle « la majorité silencieuse ». Pour elle, la principale source de revenus est la terre. L'organisation de celle-ci repose sur le grand domaine. Il semble avoir été créé entre Seine et Rhin comme nous le prouvent les polyptyques. Le plus célèbre, le plus ancien et l'un des plus riches est celui dressé sur l'ordre de l'abbé de Saint-Germain-des-Prés Irminion. C'est un extrait de celui-ci que nous allons étudier aujourd'hui. Selon la définition de Morimoto dans […], un polyptyque est un registre foncier sur lequel sont inscrits les terres, les tenanciers, et les prestations que ceux-ci devaient au maître du domaine. On pense que celui de St-Germain a été rédigé entre 823 et 828. Il a été élaboré au cours de deux tournées d'enquêtes locales effectuées par des moines. Au final, le manuscrit compte 20 cahiers, où sont décrites 25 villae. L'abbaye de Saint-Germain-des-Prés a été fondée par Childebert Ier. Elle est située, comme on peut le voir sur la carte des églises à l'époque carolingienne au sud de Paris. Elle porte le nom de son bienfaiteur, St-Germain, évêque de Paris qui y reposait depuis 576. A l'époque d'Irminon, elle compte environ 75 000 hectares sur lesquels vivent un peu plus de 10 000 personnes réparties dans environ 3000 ménages. Dans le texte, on s'intéresse à une villa de l'abbaye, celle de Villeneuve Saint-Georges. Une villa correspond à un noyau de village, auquel on ajoute son terroir agricole. Villeneuve est située à une vingtaine de kilomètres au sud de l'abbaye. Elle est sur le réseau de routes qui convergent vers le monastère ce qui laisse présager que c'est une des plus grosses villae par opposition à celle qui sont beaucoup plus dispersées dans l'ouest et le sud.
On ne sait pas grand-chose de son auteur Irminon si ce n'est qu'il a probablement pris la charge de l'abbaye en 811. Il figure au nombre des souscripteurs du testament de Charlemagne, ce qui suppose qu'il était une personne considérable à la cour du prince. C'est dans le polyptyque que nous trouvons les preuves de son dévouement. Il augmente les richesses de son abbaye en défrichant des terres, en plantant des vignes, en construisant des moulins.
Ce document est l'un des plus précieux et l'un des plus étudiés pour décrypter l'économie et l'organisation de la société carolingienne. C'est pourquoi nous tenterons ici de voir en quoi ce texte nous permet de dresser un tableau de la structure agricole dans l'occident médiéval à l'époque carolingienne. Nous travaillerons en trois temps : d'abord nous verrons en quoi Villeneuve est un modèle d'organisation territoriale, puis nous verrons en quoi Villeneuve est un modèle d'organisation sociale et enfin nous verrons en quoi Villeneuve illustre un mode de fonctionnement.
[...] Les manses devaient donner chaque année 3 poules et 15 œufs (c'est une constante dans tout le polyptyque l29 l39). Ces taxes payent différents droits. Le premier est le droit de paisson (l25 l38). C'est le droit de mener ses porcs dans la forêt. Ensuite on a l'usage du bois (l26). C'est le droit de prendre dans la forêt du bois de chauffage et le bois de construction qui lui est nécessaire. Enfin, le droit de guerre. C'est une taxe réservée aux manses libres. Elle sert à entretenir l'armée. [...]
[...] Le produit de ce lot revient intégralement au maître. D'autres obligations étaient plus astreignantes car elles laissaient moins d'autonomie aux travailleurs des manses. Ce sont des réquisitions ou corvées. Elles se traduisent par des travaux de bras (l28-l40). Les hommes peuvent devoir construire ou réparer des bâtiments, des pressoirs, des moulins, sarcler les jardins. On voit dans le texte que la quantité exacte n'est pas définie, c'est autant que le souhaite le maître. Ainsi se présentent dans leur ensemble les prestations. [...]
[...] Au chef manse appartiennent des terres arables (ce sont généralement les meilleures), des prés, des vignes, des bois. Leur appartiennent aussi des moulins. On le voit à la ligne 6 (il y a trois fariniers) : on sait que dans toute l'abbaye, on en compte environ 84. Ce sont le plus souvent des moulins à eau, les moulins à bras étant devenus hors d'usage et les moulins à vent n'étaient pas connus en France ni même en Europe. Le second paragraphe de la description de la villa correspond au manse ecclésiastique. [...]
[...] Dans le texte, on s'intéresse à une villa de l'abbaye, celle de Villeneuve Saint-Georges. Une villa correspond à un noyau de village, auquel on ajoute son terroir agricole. Villeneuve est située à une vingtaine de kilomètres au sud de l'abbaye. Elle est sur le réseau de routes qui convergent vers le monastère ce qui laisse présager que c'est une des plus grosses villae par opposition à celle qui sont beaucoup plus dispersées dans l'ouest et le sud. On ne sait pas grand-chose de son auteur Irminon si ce n'est qu'il a probablement pris la charge de l'abbaye en 811. [...]
[...] Les mancipia travaillaient en principe sur la réserve du maître. Ils étaient logés dans des bâtiments de la villa, soignaient le bétail, cultivaient le potager et le verger. Ils se mariaient entre eux et ils espéraient un affranchissement plus ou moins proche. Cependant, les maîtres se sont rendu compte du faible rendement de cette main-d'œuvre servile et ont décidé de les installer sur des tenures. Ces esclaves casés ont alors un sort comparable à celui des colons. Ainsi se crée la catégorie des serfs ruraux, ou servus, c'est-à-dire des hommes de tel ou tel seigneur. [...]
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