Au début du XIème siècle, le dar al islam d'Al-Andalus se matérialise dans l'espace par le biais d'une frontière dans le quart nord-est de la péninsule ibérique. La frontière méridionale présente des possessions musulmanes sous la forme d'un morcellement territorial en taïfas dès 1031 à la suite du déclin du califat omeyyade de Cordoue.
La frontière septentrionale quant à elle, est constituée de territoires sous domination chrétienne comme la couronne d'Aragon ou le comté de Barcelone. L'enjeu de cet espace frontalier est particulièrement visible dans la région de la « Marche Supérieure » située autour de Lérida, une cité située à équidistance entre Barcelone et Huesca.
Cette région revêt un intérêt géopolitique de la part des chrétiens dans l'avancée du front de la Reconquête en péninsule ibérique. Le pape Grégoire VII, lance en 1077 un appel aux princes, souverains d'Occident pour combattre en péninsule ibérique. La région relève du schéma de la Reconquista.
[...] Il insiste sur l'édification de la principale mosquée de la ville dans la partie la plus haute de l'hisn L'hisn, au pluriel husun caractérise un lieu fortifié. La mosquée se trouve donc édifiée au sein des fortifications les plus élevées de la ville, à l'abri des attaques chrétiennes. Dans la description de Fraga, c'est le terme d'husun, se rapportant à plusieurs forteresses qui est utilisée. Le relief était donc un atout dans l'édification de lieux fortifiés à faible altitude sur des buttes. Ce positionnement en surplomb est confirmé par la présence de plaines aux alentours. La plaine de Mashkidjan est décrite à deux reprises par al-Himyari. [...]
[...] Ce deuxième point s'intéresse en particulier aux cours d'eau et à la Sègre au sein de la vallée de l'Ebre. La Sègre est l'un des affluents de l'Ebre. Al-Himyari qualifie la Sègre de rivière au bord laquelle la ville de Lérida s'est implantée alors qu'Ermengaud parle de fleuve Il est maladroit pour Ermengaud d'utiliser le mot de fleuve, car la Sègre ne se jette pas dans l'océan, mais dans l'Ebre. Sur ce point, la description musulmane est plus juste que la description chrétienne. [...]
[...] Sur ce point, une divergence est perceptible lors de la confrontation de deux traductions du texte d'al-Himyari. Pour qualifier les habitants des milieux ruraux, Lévi-Provençal traduit le mot al- amirun par cultivateur alors que Sénac les présente comme des colons dans une traduction révisée. Il se peut donc que les agriculteurs de la région soient des migrants que l'on a encouragés à s'installer pour relancer la démographie. Cette volonté de colonisation est également perceptible dans le texte d'Ermengaud avec l'expression que vous et les hommes que vous y mettrez Que ce soit pour défendre cette région pour les arabo-musulmans, ou quelques kilomètres au nord de la ville pour affirmer sa domination du côté chrétien, la colonisation du territoire est un aspect primordial. [...]
[...] Ces richesses agricoles disposent aussi d'une organisation économique par des routes décrites à 3 reprises, notamment entre Lérida et San Llorenç. Lérida est donc présenté comme un nœud commercial au sein d'une région prospère. L'exportation des denrées produites pouvait donc se faire par la voie terrestre Lérida-San Llorenç ou par la rivière de la Sègre. La question de la souveraineté territoriale est également abordée dans ces documents. L'intégration passe en partie comme on l'a vu précédemment par la religion, l'apport de colons ou le commerce. L'affirmation de la conquête chrétienne passe par la colonisation. [...]
[...] Bibliographie : Ouvrage général - Pierre GUICHARD, Al-Andalus : 711-1492 une histoire de l'Espagne musulmane, Paris, Hachette Littératures 269p La contextualisation de Lérida-Fraga entre les XI-XIIème siècles Ouvrages spécialisés - Henri BRESC et Annliese NEF, La première géographie de l'Occident par al-Idrisi, Paris, Flammarion 516p La compréhension de la tradition des géographes arabes en matière de descriptions des villes. - Pierre GUICHARD, L'Espagne et la Sicile musulmanes aux XI-XIIème siècles, Lyon, Presses Universitaires de Lyon 240p Corpus et présentation des documents présentés - Christine MAZZOLI-GUINTARD, Villes d'al-Andalus : l'Espagne et le Portugal à l'époque musulmane (VIII-XVème siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes 430p Cartographie et statistiques sur les structures urbaines en Al- Andalus - Christine MAZZOLI-GUINTARD, Les relations des pays d'Islam avec le monde latin du milieu du Xème siècle au milieu du XIIIème siècle, Paris, Messene 174p - Philippe SÉNAC, La frontière et les hommes (VIII-XIIème siècle), le peuplement musulman au nord de l'Ebre et les débuts de la reconquête aragonaise, Paris, Maison neuve et Larose - Philippe SÉNAC (dir.), Villes et campagnes de tarraconaise et d'al- Andalus (VI-XIème siècle) : la transition, Toulouse, Méridiennes 323p Analyse de Pierre Guichard sur la relation ville-campagne autour de Valence - Notes sur les husun de Lérida Philippe SÉNAC, Madrid, Mélanges de la Casa de Velasquez, XXIV p 53-69. [...]
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