L'extrait qu'on va étudier est la description faite par Jean de Joinville de la réforme de l'administration parisienne par Saint Louis. Joinville est célèbre pour sa Vie de Saint Louis, biographie du roi, qui est une source intéressante pour la proximité qu'il semblait avoir avec le roi. L'extrait fait suite au retour de croisade, en 1254. Il porte sur une réforme de Saint Louis sur la prévôté de Paris vers 1260 dans lequel est encastré le texte de l'ordonnance de 1254, qui correspond à une vague de réforme au niveau de l'administration. Le cas de prévôté de Paris s'insère donc dans cette dynamique. Depuis 1086, le Parisis (territoire de Paris) a été rattaché au domaine royal, et le seigneur local est alors le roi de France. Le cas de Paris est donc particulier, et s'est construit de façon empirique car le statut de Paris est en fait strictement coutumier. Joinville dans le texte dénonce la situation d'avant la réforme, qui est celle d'une prévôté affermée, propice à la corruption. La réforme de la prévôté est née afin de lutter contre l'incurie du système, par différents processus que nous allons étudier. On va donc se demander en quoi la création par Saint Louis de la prévôté du Châtelet s'insère dans un mouvement de contrôle du pouvoir royal à Paris, tout en conservant un statut particulier car coutumier.
On verra en premier lieu le cas parisien avant la réforme, avant d'étudier la création de la prévôté du Châtelet. Enfin on verra les conséquences de ce que Joinville appelle « la bonne justice » à la ligne 30.
[...] En premier lieu, elle s'insère dans une réforme de l'administration qui se veut centralisatrice, initiée par Philippe Auguste puis continuée sous St Louis, avec notamment la généralisation des baillages. Le deuxième processus est propre à Paris, spécifique car strictement coutumier. Ainsi, la ville n'a pas de charte de franchise mais son pouvoir est divisé entre le Préfet du Châtelet et le Préfet des marchands, lié à la Hanse des marchands de l'eau. Enfin, il existe un rapport spécial entre les rois et la capitale. [...]
[...] En réalité les deux termes de prévôt et de bailli sont assez proches, et quand les baillis furent mis en place on n'en dota pas Paris, car cela semblait inutile. En effet le prévôt de Paris est dès le départ plus puissant que les autres, et dépend directement du roi, tandis que lui-même domine un certain nombre de petits prévôts locaux des environs. Au départ, avant Philippe Auguste, les termes de bailli et de prévôt étaient synonymes mais ensuite les baillis sont devenus une sorte de corps d'officiers, supérieur à celui des prévôts, au pouvoir plus étendu, notamment en matière de justice. [...]
[...] La suppression de l'affermage n'est pas effective dès la réforme supposée par Joinville en 1260, vu qu'Etienne Boileau est nommé en 1261, et qu'il reste fermier jusqu'en 1265. De plus, deux de ses prédécesseurs, Eudes Le Roux et Pierre Gonthier auraient ponctuellement été qualifiés de gardes de la prévôté et ce en 1258 et 1261. L'explication aurait une origine purement comptable. En effet, les rois auraient attribué de plus en plus de rentes, payées sur les recettes de la prévôté. [...]
[...] La réforme présentée ici par Joinville du statut de la prévôté n'a eu lieu, d'après Boris Bove, qu'en 1266. L'affermage de la charge est supprimé, et le prévôt devient considéré comme un bailli, c'est-à-dire qu'il est gagé comme tel par le roi. C'est ce que Joinville explique de façon très positive ligne 22 aussi ne voulut-il plus que la prévôté de Paris fut vendue à ferme, mais il donna de bons et importants gages à ceux qui dorénavant en auraient la garde Etienne Boileau, d'après Joinville premier prévôt issu de la réforme, perçoit alors 30 sous par jour, la même somme que le bailli d'Orléans. [...]
[...] Il s'agit bien pour le roi de décharger le prévôt d'une partie de la gestion de la ville. Cela passe par la reconnaissance de fait de la corporation de la Hanse des marchands de l'eau comme interlocuteur, comme représentants de la population. La Hanse est en effet le groupe le plus puissant à Paris, vivant du commerce de l'eau. C'est même pour cette raison que les armes de Paris aujourd'hui comportent une nef sur l'eau Etienne Boileau : le choix de la justice Etienne Boileau est un ancien bailli d'Orléans. [...]
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