Le livre V des Mémoires se concentre sur les relations entre la France et la Bourgogne, entre Louis XI et Charles le Téméraire, dans les années 1476-1477. A l'occasion, Commynes prend le temps d'arrêter son récit pour mener des réflexions ponctuelles, comme sur cette maladie qu'est la mélancolie. La mélancolie, ou neurasthénie, est une maladie est caractérisée par un état d'abattement, de tristesse et de pessimisme généralisé. Après ses deux défaites consécutives contre les Suisses, le Duc de Bourgogne est plongé dans une mélancolie extrême, que Commynes décrit au chapitre 5. Il s'appuie non seulement sur une multiplicité de sources, mais aussi sur son expérience des Grands. En effet, Commynes a une culture médicale savante, en particulier sur la théorie des humeurs et il connaît les textes médiévaux sur l'impossible « recreation » du prince, comme le Dicta et Facta memorabilia, de Maxime Valère. De plus, il enrichit sa description de la mélancolie du Téméraire par la lecture des témoignages qu'en ont fait Angelo Cato, archevêque de Vienne et médecin du Duc, et l'ambassadeur italien Giovan Pietro Parigola, présent lors de la maladie du Duc. Enfin, il met à l'épreuve de son expérience personnelle du Téméraire, qu'il a servi jusqu'en 1472, les caractéristiques de sa mélancolie.
En quoi Commynes fait-il une description originale et novatrice de la mélancolie en ajoutant une dimension politique aux conceptions communes d'une maladie physique et morale ?
[...] Cette solitude bestiale à laquelle le Téméraire ne parvient pas à échapper. Il préconise donc la présence d'un ami pour répondre à ce besoin psychologique du roi de s'appuyer sur quelqu'un de sûr. En effet, un ami permet de conseiller le roi, de l'aider dans la bonne conduite de ses affaires et de lui apporter une nécessaire recreation. Ce besoin montre l'extrême fragilité des Princes qui après tout ne sont que des hommes et qui ont besoin de quelque chose pour contrebalancer le poids des responsabilités et de la pression subies par le prince. [...]
[...] Conclusion Nous avons donc analysé la description par Commynes de la mélancolie du Téméraire. Elle a ceci d'original de conjuguer trois points de vue sur la maladie : celle-ci est envisagée sur le plan médical et clinique, sur le plan moral et philosophique, et enfin, c'est là l'innovation commynienne, sur le plan politique. Le traitement préconisé par Commynes se déploie dans ces trois directions : du vin fort selon le principe humoral des contraires, de la piété et de l'humilité devant Dieu, et un équilibre entre l'otium et le negotium, régulé par la noblesse et l'entourage du Roi. [...]
[...] L'engagement dans l'action du Téméraire est à la mesure de son ambition démesurée. Il supporte mal les échecs militaires qui s'accumulent à la fin de sa vie, ce qui le plonge dans la mélancolie. Avec cette dimension nouvelle que Commynes ajoute à l'analyse de la mélancolie, le regard sur la maladie change de nature. De pathologie psychologique et morale, on passe donc à une pathologie politique du pouvoir souverain. Cette modification du regard permet à Commynes de dépasser le genre du miroir au prince. [...]
[...] Il s'appuie non seulement sur une multiplicité de sources, mais aussi sur son expérience des Grands. En effet, Commynes a une culture médicale savante, en particulier sur la théorie des humeurs et il connaît les textes médiévaux sur l'impossible recreation du prince, comme le Dicta et Facta memorabilia, de Maxime Valère. De plus, il enrichit sa description de la mélancolie du Téméraire par la lecture des témoignages qu'en ont faits Angelo Cato, archevêque de Vienne et médecin du Duc, et l'ambassadeur italien Giovan Pietro Parigola, présent lors de la maladie du Duc. [...]
[...] La comparaison avec Louis XI est très claire. D'une part, Un prince qui n'a jamais connu l'adversité : à 11 ans, Louis XI était déjà utilisé par les Grands, lors de la Praguerie contre Charles VII. Louis XI s'est donc d'abord réfugié en Dauphiné puis à la cour de Philippe le Bon. Au contraire, Charles le Téméraire n'a connu, jusqu'à la mort de sa mère, que les fastes de la riche et prospère Cour de Bourgogne. D'autre part, Commynes sait la piété de Louis XI, qu'il qualifie régulièrement de roi fort dévot. [...]
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