Durant ses derniers siècles, le Moyen Âge assiste à de nombreux changements : les villes se développent, la population s'accroît, le pouvoir se restructure et les mœurs évoluent. En particulier, la sexualité et son contrôle deviennent une préoccupation centrale pour les autorités publiques. Parmi ses différents aspects, la prostitution fait l'objet d'une institutionnalisation progressive. Dans un contexte de développement urbain, le commerce charnel se fait en effet de plus en plus présent malgré son interdiction par Louis IX. Le roi eut alors à se résigner : à défaut de pouvoir l'éradiquer, il s'agit plutôt de contenir ce type d'activité. Ainsi, la prostitution est prise en charge par les autorités publiques locales à partir du XIVe siècle.
[...] Le document que nous avons ici est une lettre écrite par Charles VII le 19 novembre 1445, délivrant l'autorisation de construire un bordel public, préalablement demandée par les consuls de Castelnaudary. Par cette missive, le roi de France ordonne au juge du Lauragais de trouver une place convenable à cet édifice, précisément, à l'extérieur de la ville. Aussi, nous pouvons nous demander dans quelle mesure cet écrit traduit les fondements de l'encadrement de la prostitution en France au cours du Moyen Âge tardif. [...]
[...] On assiste alors à une prise de contrôle conjointe sur les mœurs et les comportements. En tant qu'autorité supérieure, la parole émanant de la royauté supplante toute autre considération. Ainsi le roi termine-t-il sa lettre par la formule « non obstant quellesconques lettres sur ce impétrés ou à impetrer à ce contraire ». On comprend alors pourquoi les consuls chauriens ont sollicité son autorisation. B. Le contrôle des comportements en ville Jadis monopolisée par l'Église, la vie privée fait à ce moment l'objet d'une police urbaine instiguée par les autorités locales et royales. [...]
[...] La vision de l'ordre public défendu ici est imprégnée des rapports normés de genre. D'un côté, des hommes célibataires aux désirs irrépressibles ; de l'autre, des femmes qui s'offrent publiquement. Le problème étant que ces dernières « n'ont point d'ostel et maison expresse en laquelle elles doyent estre trouvées ». Craignant que le désordre ne se propage du fait des passions, tels que des violences ou des scandales à la vue de tous, les consuls, appuyés par le roi, cherchent donc à cantonner ces femmes de mauvaise vie et leur activité en un endroit spécifique et permanent : le « bourdel ». [...]
[...] Elle peut donc s'exercer, mais exclusivement au sein du bordel public, pour « y retraire et demourer icelles fillettes ou femmes publiques, et vuider ou bouter hors de ladicte ville quant au regard de la continuelle résidence ». Les femmes de mauvaise vie sont contenues, confinées dans un espace distinct de la ville de sorte que leur immoralité ne traverse pas l'ensemble de la collectivité. Cette exclusion géographique traduit finalement la relégation sociale des femmes au domaine familial, par l'invisibilisation de celles qui n'en font pas partie. Au final, cette lettre montre que l'institutionnalisation du commerce charnel tient d'un souci pour le maintien de l'ordre public. [...]
[...] De manière générale, celles qui n'ont pas de relations sexuelles exclusives posent problème dans la société. On observe donc une dichotomie normative entre masculin et féminin, intérieur et extérieur, honnête et infâme, qui se matérialise par la mise en place d'une géographie morale, d'une épuration de l'espace urbain. B. Une activité municipale extra-muros Cette distinction d'ordre moral prend une dimension spatiale en considérant que ce qui n'est pas honnête doit avoir lieu à l'extérieur de la ville. Ainsi la maison publique peut être édifiée par les autorités locales, « à leurs coustz et despens hors de ladicte ville en place convenable ». [...]
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