La justice ecclésiastique s'occupe de juger les Chrétiens au for interne et au for externe, comme le voulait le Christ, qui selon Saint Matthieu a muni les Apôtres du pouvoir de juger aux deux fors. Au for interne parce que tout péché commis va contre le but de l'Eglise, le salut de l'âme. Les Chrétiens ayant péché doivent donc se confesser, se repentir et faire pénitence. Au for externe, la justice ecclésiastique s'occupe de juger les auteurs d'infractions au spirituel qui se manifestent au dehors, et ce pour le maintien de l'ordre; et règle aussi les affaires internes à l'Eglise.
Si l'évêque n'est pas le seul juge au for interne, il est en principe le seul juge au for externe pour tous les cas dont l'Eglise a la connaissance : Saint Paul considère l'évêque comme l'arbitre naturel des chrétiens. Il s'insurge en effet dans sa Première Epître aux Corinthiens contre la justice séculière : « Et quand vous avez […] des litiges, vous allez prendre pour juges des gens que l'Eglise méprise » . L'arbitre est rapidement devenu juge . Cet état de fait est reconnu par l'Empereur Constantin dans le Code Théodosien de 318, lorsque l'Empire Romain devient Chrétien. Un siècle plus tard, le Code Justinien consacrait cette loi. Dès cette époque, les clercs ne peuvent être traduits en justice que devant leur évêque.
Ce système de juridiction épiscopale perdure après la chute de l'Empire Romain en 476, mais connaît son apogée au 12ème siècle. En effet, la renaissance du droit Romain, grâce à la redécouverte du Code de Justinien et son interprétation par les Glossateurs de l'Université de Bologne , entraîne de profondes transformations dans la procédure de la justice ecclésiastique. Les justiciables recourent de plus en plus souvent à la justice ecclésiastique ainsi transformée, dont le fonctionnement est plus rationnel que celui de la justice séculière . Les évêques n'ont alors plus les compétences juridiques ni le temps nécessaire pour s'occuper de rendre la justice, et délèguent cette fonction à un clerc nommé l'official. De plus, l'official est nommé librement par l'évêque, qui peut aussi le révoquer. Cette dépendance est nécessaire, parce que les évêques subissent la concurrence de la justice des Chapitres , qui bénéficient généralement d'une exemption de juridiction accordée par le Pape, mais aussi celle des archidiacres, qui ont réussi à étendre leurs pouvoirs au cours des siècles précédents, et ne sont pas arbitrairement révocables. Les Chapitres Collégiaux ont repris le système de l'official, de même que les archidiacres. Par extension, on peut donc dire qu'est une officialité toute juridiction détenue à titre personnel et à la tête de laquelle se trouve un official. Dès la fin du 12ème siècle, l'officialité existe dans toute l'Europe Chrétienne. Le Concile de Gniezno impose en 1267 à tous les évêques d'avoir des officiaux.
Notre étude sur l'officialité au Moyen Âge se concentre donc sur la période allant du 12ème siècle au 16ème siècle, et plus particulièrement sur le cas français, qui présente certaines spécificités, notamment dans son rapport aux pouvoirs concurrents que sont les seigneurs justiciers, le Pape, le pouvoir royal, les villes.
Nous nous intéresserons successivement à l'organisation de l'officialité (I), à son domaine de compétence (II) et à sa procédure (III).
[...] Le budget des institutions ecclésiastiques dépend d'ailleurs en grande partie de leur activité judiciaire. L'appel des causes des officialités exemptes des Chapitres et Abbayes est par contre directement porté devant le Pape. Ses auxiliaires L'official est entouré d'assesseurs, mais qui n'ont qu'une voix consultative. Il est également assisté d'auditeurs qui instruisent le procès. Il en existe en général un pour les causes criminelles et un pour les causes civiles. Le promoteur est le maître de la procédure inquisitoriale. Des avocats et le procureur jouent leur rôle respectif de représentation. [...]
[...] Un appel de leur sentence est possible auprès de l'évêque. Lorsqu'il existe dans le diocèse des officialités archidiaconale, il existe une voie d'appel vers l'officialité diocésaine. Ces deux juridictions ont les mêmes compétences, qu'elles se partagent par le système de la prévention : le plus diligent à se saisir de l'affaire est compétent. Certains cas sont réservés à l'évêque. Les conflits entre l'officialité archidiaconale et diocésaine se multiplient à partir du XV siècle, parce que la concurrence des rois de France entraîne le déclin de leur activité, donc une plus forte pression pour le partage des affaires restantes. [...]
[...] La coutume veut en règle générale qu'ils s'adressent à l'or ecclésiastique. Les compétences matérielles exclusives de l'officialité sont en premier lieu dans les matières spirituelles : pour les cas d'hérésie (jusqu'à la création du Tribunal du Saint Office), de sacrilège, de sorcellerie. L'officialité est aussi compétente pour défendre les biens appartenant à l'Eglise ou à des clercs contre l'usurpation. La matière qui occupe la première place dans les registres des officialités est celle de la famille, matière dont la compétence n'est pas disputée à l'Eglise, dans la mesure où les affaires traitées découlent d'un sacrement, le mariage. [...]
[...] En 1205 les barons du Centre et de l'Ouest se liguent contre le Pape. Ils passent finalement un accord avec Philippe Auguste sur les règles les plus contestées comme le douaire.[18] Des seigneurs comme Hugues X de Lusignan et Pierre Mauclerc, qui n'acceptent pas que l'Eglise puisse citer des laïcs en justice, se liguent contre la papauté. Ils souhaitent restreindre ce droit aux causes d'hérésie de mariage et d'usure, et se font par conséquent excommunier. A partir du règne de Philippe Le Bel, le Roi de France prend la tête de la lutte contre les juridictions ecclésiastiques. [...]
[...] Le premier appel possible est fait devant le métropolitain (l'archevêque) ; puis devant le Pape. Les canons de Sardique consacrent la position de celui-ci comme juge de dernier appel. Il est par ailleurs possible de s'adresser directement au Pape par la voie de l'appel omisso medio[19]. En 1331 est crée à Rome la Rote, cour d'appel pour toutes les causes civiles et pénales de compétence ecclésiastique, sauf certaines matières (comme les bénéfices ecclésiastiques), que le Pape réserve aux cardinaux. Le duel judiciaire et l'ordalie ne sont pas des modes de preuves acceptés. [...]
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