« De la faim, de la peste, de la guerre, délivre-nous Seigneur ». Cette citation pourrait presque à elle seule résumer la détresse des gens face à ces fléaux à la fin du Moyen Âge, qui font considérablement augmenter la mortalité. La mort, c'est justement ce dont il est question dans ces cinq gravures sur papier extraites de la Danse Macabre éditée par Guyot Marchant à la fin du XVe siècle. Une gravure sur papier est gravée sur une planche de bois, colorée puis appuyée sur papier.
Les gravures de la danse macabre s'accompagnent chacune d'un petit dialogue en prose, sous forme de huitains d'octosyllabes, entre le mort et le vivant de chaque gravure. Cette danse macabre est en réalité la seconde édition (on le sait car les quatre squelettes musiciens de l'introduction n'apparaissent pas dans la première édition) publiée par Guyot Marchant en 1486, soit un an après la première édition, et enrichie de quelques personnages supplémentaires.
Guyot Marchant a en fait reproduit de manière quasi identique la fresque de la Danse macabre qui se trouvait peinte sur le mur Sud du cloître du cimetière des Innocents de Paris depuis 1424, et qui était la toute première représentation de la Danse macabre, qui trouve ses origines dans des textes et poèmes des XIIIe-XIVe siècles. Il s'agit d'un document public, car l'éditeur l'a fait imprimer et publier en tant qu'imprimeur, ce qui en fait un document officiel.
[...] C'est peut-être ce succès qui pousse l'imprimeur Guyot Marchant à imprimer une première édition de la Danse macabre en 1485 à Paris. Celle-ci se vendant très bien, il en sort une seconde en 1486, cette fois complétée par la présence de dix nouveaux personnages, mais également de quatre morts musiciens en guise d'introduction. Ceux-ci, par leurs propos cinglants tels que Morts, pourris, puants, découverts : Comme nous sommes, tels serez-vous reflètent un certain pessimisme dans une société où le pouvoir royal s'est grandement accru depuis les années 1420, où les abus de pouvoir sont désormais fréquents et lourds, et où les épidémies demeurent le même fléau qu'au siècle précédent. [...]
[...] De plus, le mort ne marche pas, mais sautille et semble régler son pas sur un air musical, il commence probablement à danser la danse macabre. Le mort donne donc une impression de mouvement tandis que, dans chaque duo le vivant semble figé, exprimant ainsi sa réticence à trépasser. On peut ajouter qu'au XVe siècle, la danse est une activité qui est plutôt bien vue. L'enseignement de la mort et de la préparation au jugement dernier par le biais de la Danse macabre serait donc là encore une manière de diminuer l'aspect tragique du trépas. [...]
[...] La Danse macabre du cimetière des Innocents est une œuvre exposée dans un lieu public qu'est le cimetière des Innocents de Paris. Elle se destine à tous ceux qui passent devant, car les cimetières sont des lieux très vivants à la fin du Moyen Âge, mais elle se destine également à ceux qui suivent les enseignements des prédicateurs, qui prêchent devant elle au XVe siècle. Les gravures éditées par Guyot Marchant sont également destinées à ceux et celles qui savent lire et qui peuvent se payer cet ouvrage. [...]
[...] Cette œuvre, détruite en 1669, connaît un immense succès dans toute l'Europe dès le XVe siècle, et l'édition de Guyot Marchant, qui est par ailleurs la seconde de cet imprimeur, en est une preuve concrète. Ce succès va perdurer sur le long terme, durant toute l'époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles), la Danse macabre étant reproduite de nombreuses fois et s'enrichissant, à partir de cette édition de Guyot Marchant, fréquemment de nouveaux personnages. Bibliographie Ouvrages généraux DEMURGER A., Temps de crises, temps d'espoirs, XIVe-XVe siècle, Seuil, Paris Ouvrages spécialisés ALEXANDRE-BIDON A., La Mort au Moyen Âge, XIIIe-XVIe siècle, Hachette, Paris MÂLE E., L'art religieux de la fin du Moyen Âge en France, A. [...]
[...] Enfin, nous verrons dans une troisième partie que la Danse macabre, au fil du temps et de son succès, devient une satire de la société de la fin du Moyen Âge. Dans cette partie, nous allons montrer que la Danse macabre du cimetière des Innocents est une nouvelle façon pour l'Église de préparer les hommes au jugement dernier, et à leur trépas. La première chose que nous pouvons observer est que chaque squelette, qui est en fait une représentation d'un cadavre desséché, dialogue avec son double vivant. [...]
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