Au moment où Claude Gauvard aborde le sujet de la violence médiévale, dans les années 1980, le sujet n'est que très peu traité. En effet, à cette période, les historiens imaginent qu'au Moyen Age l'ordre public est conféré uniquement par l'Etat lui-même. Pour les historiens, cet état coercitif impose sa norme aux populations les plus humbles. L'idéal commun du « beau fait » introduit par Philippe de Beaumanoir a été un frein, alors que se maintenaient d'autres voies que la répression pour assurer l'ordre. Cette approche est acceptable dans le cas d'un pouvoir central faible et d'une procédure judiciaire formelle uniquement.
Dans l'article Gracier et exécuter, la réflexion de Gauvard se porte sur l'exercice et l'évolution du pouvoir de justice dans le royaume de France dans un contexte de construction de l'Etat aux deux derniers siècles du Moyen Age. Il y a à ce moment-là une atmosphère générale d'inquiétude dans le royaume de France aux deux derniers siècles du Moyen Age, due à la dilatation de l'espace de connaissance et de référence caractérisant la genèse de l'Etat. Des gens de guerre et des étrangers qui circulaient commettaient des crimes atroces. Le rôle policier de Paris est nécessaire au modèle politique vers lequel tendent les réformateurs. Le souverain a le pouvoir de vie et de mort sur ses sujets. Elle se pose aussi la question de la coercition du pouvoir.
Elle se penche également sur le poids des valeurs sociales que le crime a mis en jeu, et notamment l'honneur. Elle analyse l'évolution du rapport à la peine de mort du pouvoir judiciaire, du roi et du parlement, ainsi que de l'Eglise et du peuple ; et elle définit les modalités et les cas d'exercice de la peine de mort comme sanction exemplaire. Sa réflexion se porte sur l'usage de la torture qui est remis en question à la deuxième moitié du XIVe siècle dans son utilité. Une large place est laissée à l'infra-justice, tandis que se développe la grâce par lettre de rémission.
[...] Elle se traduit dans la pratique par des interventions accordées au divin et discutées au Parlement qui empêchent par manque de matériel soi- disant la pendaison. Les théoriciens du pouvoir prônent une justice rigoureuse. Ainsi, Eustache Deschamps et Nicolas de Clamanges veulent purifier le royaume et accroître le pouvoir coercitif des baillis. Certains réformateurs cependant émettent des résistances, tel Jean Gerson, dans son Diligite justiciam en 1405-1406. Pour lui, le vol ne peut pas être sanctionné par la peine de mort. [...]
[...] Une large place est laissée à l'infra-justice, tandis que se développe la grâce par lettre de rémission. Claude Gauvard utilise divers documents contemporains des XIVe et XVe siècles afin de procéder à sa réflexion. Elle s'appuie sur des traités politiques, des ordonnances où figurent de nombreux cas de crimes politiques, ainsi que des études relatives aux baillages et aux villes, afin de montrer l'exemplarité de la peine de mort dans un contexte où, faute de pouvoir imposer systématiquement la justice royale, le pouvoir central devient inefficace dans le domaine judiciaire. [...]
[...] Enfin, l'ouvrage de Henri Platelle, paru en 1958, a renseigné Gauvard sur les mœurs populaires des gens du Moyen Age, notamment de l'importance de la vengeance du déshonneur. Claude Gauvard tire également des informations diverses des ouvrages d'historiens du XXe siècle, dont ceux de B.Guenée, qui a été son professeur. Son ouvrage Tribunaux et gens de justice dans le baillage de Senlis à la fin du Moyen Âge (vers 1380- vers 1550), écrit en 1963 montre l'impuissance et l'inefficacité de toutes les justices du royaume. Le livre de Y.B. [...]
[...] Aux XIVe et XVe siècles, en cette fin de Moyen Âge, le pouvoir justicier du royaume de France préfère accorder la grâce par lettre de rémission plutôt que la peine capitale suite aux aveux. C'est le roi qui, suite à la réception d'une lettre de rémission, a le pouvoir de confesser le crime sans torture du criminel. La grâce est un moyen de retour à la paix entre les parties. Bien qu'une large place soit laissée aux résolutions privées des conflits (infra-justice). [...]
[...] Geremek, Les marginaux parisiens aux XIVe et XVe siècles, paru en 1976. Les travaux de B. de Gaiffier exposent le miracle du prisonnier délivré. Enfin, elle s'appuie aussi sur les travaux d'A. Vauchez de 1981 : La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d'après les procès de canonisation et les documents hagiographiques. Claude Gauvard s'appuie sur un quatrième type de sources qui sont ses propres travaux, et plus particulièrement sur De grace especial paru en 1991, qui apporte des références statistiques, montre Paris comme capitale de la répression. [...]
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