Les grands défrichements de l'époque médiévale se sont opérés à partir du XIe siècle, provoquant l'extension des espaces cultivés au détriment de la forêt. C'est ce phénomène qui nous est ici présenté dans le cadre d'un défrichement en Saintonge en l'année 1047, nous avons à faire à une source d'archives et plus précisément à une charte dite diplomata.
Une charte est un acte écrit de portée légale dont le but est servir comme preuve d'une acquisition, le plus souvent lors de la concession d'un droit ou d'une terre; elle est authentifiée soit par un sceau, soit, comme c'est le cas ici, par une liste de témoin. Elle est dite diplomata car elle a un caractère solennel et fut émise par un pouvoir, ici comtal, mais qui peut tout aussi bien être, par exemple, pontifical ou royal.
En effet, c'est par le comte de Saintonge, en actuelle Charente-Maritime, que fut rédigée cette charte, il s'agit de Geoffroy II Martel, comte d'Anjou en 1040, accompagné de son épouse Agnès de Bourgogne, tous deux vivants à Saintes, capitale de la Saintonge. Région d'abord intégrée dans le comté de Poitiers, puis celui d'Aquitaine, c'est finalement aux mains des comtes d'Anjou que sera cédé la Saintonge jusqu'en 1062.
Cette charte date de 1047, «année du Verbe incarné» selon la ligne vingt-neuf de notre texte, elle est donc datée selon le style de l'incarnation, le Verbe représentant la deuxième personne de la trinité, le fils, incarnée en Jésus-Christ. De plus, «indiction 15» correspond à la quinzième année d'un cycle de 15 ans au terme duquel on réactualisait les relevés fiscaux qui énuméraient revenus et possessions des contribuables.
[...] III- Les premices d'un renouveau economique Une nouvelle population. à 17) L. 12-13 attribuer des hôtesses aux agriculteurs», on l'a vu les hôtises sont des tenures qu'on concèdent à un hôte, il faut savoir qu'elles le sont généralement sur un espace à défricher, le but étant de faire venir des paysans pour entreprendre le défrichement et ensuite s'installer sur la terre cultivable. Ces nouveaux habitants ne viennent pas des domaines appartenant déjà au seigneur, ils arrivent de loin ce qui est dans l'intérêt du seigneur qui augmente alors le nombre de ses dépendants, les défrichements engendrent donc des mouvements de populations importants. [...]
[...] Mais cette création de nouvelles terres se fait au détriment de la forêt . La forêt. 14-15 et 23-24) L «Nous léguons sur notre forêt domaniale afin de la défricher», on l'a vu l'élément important de ce texte est le défrichement de la forêt. C'est un enjeu important car à l'époque médiévale, la forêt est l'un des éléments de base de l'économie; en effet, bovins, chevaux, chèvres, moutons et porcs y paissent, c'est un lieu de chasse, de pêche et de cueillette car elle est riche en miel, champignon, châtaignes, aliments de base de la table médiévale chez les plus modestes, baies, racines comestibles mais aussi pour la médecine . [...]
[...] C'est un roi de la dynastie des Capétiens, il est roi des Francs de 1031 à 1060, mais surtout à une période à laquelle s'amorce l'essor du monde rural marqué par une croissance démographique importante et une baisse de la mortalité, liée à l'amélioration des conditions de vie. Nous sommes de plus dans une période de paix religieuse grâce à la paix et à la trêve de Dieu qui limitent les violences des guerres privés. Cette charte relate donc un événement particulier de l'année 1047, un défrichement effectué en Saintonge. C'est au nom du jugement dernier que Geoffroy et son épouse, Agnès, décident de racheter leurs péchés par une offrande à Dieu à 5). [...]
[...] 12-13) L et 13, «nous léguons sur notre forêt domaniale, afin de la défricher et d'y attribuer des hôtises aux agriculteurs, autant qu'il sera nécessaire pour faire 300 manses de terres entiers». Les hôtises ou hostises sont des tenures, comprenant une maison et des terres à cultiver, que le roi ou un seigneur concède à des tenanciers, ou hôtes. Le but de Geoffroy Martel est donc bien celui-ci : créer de nouveaux terroirs au moyen du défrichement. On sait que ce type de défrichement est réalisé par un groupe d'hommes sous la conduite des tenants des pouvoirs régaliens, le roi, les comtes ou les châtelains. [...]
[...] pour les habitants des nouveaux terroirs. Le comte règle également le problème de l'alimentation pour la future abbaye de bénédictines en prévoyant que chaque année, le monastère aura droit à, je cite l. 23-24, sanglier et une laie, un cerf et une biche, un daim et une daine, un chevreuil et une chevrette, deux lièvres». C'est donc au nom du monastère que le comte d'Anjou lance à Saintes un mouvement de défrichement de la forêt de Braconnais afin de créer de nouvelles terres cultivables en réponse à la croissance démographique, mais la conséquence négative de ce mouvement sera la réduction de la superficie de la forêt, pourtant réserve de ressources indispensables des domaines, qui deviendra alors un espace secondaire du paysage. [...]
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