Par son extension, amorcée dès le VIIe siècle, l'Islam entre en contact avec le monde latin, notamment dans la péninsule ibérique où un émirat abbasside s'installe en 756 au détriment des chrétiens wisigoths. Par la suite, loin d'être seulement belliqueuses les relations entre musulmans et chrétiens latins sont très diverses.
En effet, en 1217 le cinquième calife almohade Yusuf II se montre bienveillant à l'égard des moines de Poblet, un monastère de Nouvelle-Catalogne situé dans les terres de la Conca de Barberà à égale distance entre Lérida et Tarragone. Par un édit, rédigé au nom du calife, on donne la permission aux moines de Poblet de promener leurs troupeaux sur les territoires musulmans sans crainte de représailles et ce en temps de paix comme en temps de guerre. A la date de la rédaction, la « Reconquista » chrétienne est bien amorcée et les musulmans sont dans une situation de faiblesse surtout suite à la grande revanche sur Zallaqa faite par les chrétiens coalisés en juillet 1212 à Las Navas de Tolosa. Après cette défaite, la période des troisièmes taifas s'amorce, les Almohades sont sur une défensive de plus en plus difficile.
La région de Poblet n'est donc plus sous la domination du calife en 1217, et ce depuis le milieu du XIIe siècle et la prise de Lérida en 1149. Mais nous nous trouvons dans une zone de frontière entre la province de Tarragone et des territoires musulmans dépendant sûrement de Valence, où la taifa de Balansiya est aux mains des Banu Jyad. La frontière est fluctuante et le calife conserve un peu d'autorité dans certaines zones où des princes locaux continuent à reconnaître la suzeraineté almohade, des musulmans sont toujours présents et les régions conquises par les chrétiens sont en pleine Repoblacion, peuplement et occupation du sol.
[...] Nous avons donc un authentique acte de la chancellerie almohade. L'auteur est d'ailleurs clairement identifié, le calife est reconnu dans la suscription des lignes 4 à 7 ordonné par l'Amir al-Mu'minîn, fils de l'Amir al-Mu'minîn, etc. Nous avons là encore une pratique almohade qui confirme l'authenticité du document, le souverain n'est pas désigné par son nom, mais par son titre : ici amir al-mu'minin qui signifie émir des croyants il s'agit de la mention qui s'applique à Abd al-Mu'min, le fondateur de la dynastie almohade, lorsqu'il prend le titre de calife. [...]
[...] Au départ il s'agit d'un groupe de douze moines de Fontfroide qui traverse les Pyrénées sous la direction de leur abbé Etienne. Pas seulement due à la volonté du souverain Raymond Béranger IV, l'artisan de l'union de l'Aragon et de la Catalogne, de jouer un rôle sur Terre pour l'Eglise, la fondation est aussi une expression de sa politique de reconquête : il offre son jardin de Poblet une vaste étendue de terrain pour la construction du monastère et il rappelle par la suite un nouveau groupe de moines pour augmenter les effectifs du monastère. [...]
[...] Les riches terres irriguées, les huertas, ont une grande importance économique et elles ont été soigneusement cultivées depuis des générations par des agriculteurs musulmans qui maîtrisent mieux les techniques d'irrigation que les chrétiens. L'eau constitue donc une véritable richesse : les hommes se la lèguent par héritage, ou bien achètent aux enchères, un droit d'une journée ou d'une demi-journée d'usage de l'eau par semaine et selon les mois. Un seigneur qui possède un moulin a le meilleur atout pour demeurer le maître. Ainsi dans ces deux lignes relatives à l'eau on décèle clairement la volonté du calife d'avoir de bonnes relations avec le prince d'Aragon. [...]
[...] En effet, pour les Musulmans l'eau est un bien social et revêt une grande importance dans l'Islam, en plus d'avoir une valeur intrinsèque pour une civilisation qui s'est surtout développée dans les pays désertiques. Aussi les Musulmans croient que garantir la justice sociale dans la société est la pierre angulaire de l'Islam. Pratiquement tout le hadith est relié à cette idée et ceux qui traitent de l'eau ne font pas exception. Un musulman doit permettre aux autres de bénéficier de l'eau. L'eau est une ressource communautaire vitale à laquelle tous, riches ou pauvres, ont droit. [...]
[...] Ici elle fait référence au statut de non-musulmans des moines, Yusuf II leur souhaite de réussir et d'être dans le droit chemin c'est-à-dire à ses yeux de tendre vers l'islam qui est pour lui la vérité. Bien sûr il aurait pu appliquer cette formule à n'importe quel ahl al-kitâb/gens du livre qui est par définition déjà dans la bonne voie aux yeux d'un musulman, mais qui ne reconnaît pas encore que le Coran surpasse la Torah et l'Evangile, mais peut être pense-t-il que ces moines qui se sont voués à Dieu méritent et sont encore plus avancés que de simples chrétiens sur le chemin de cette vérité, et demande donc à Dieu son indulgence ; il se montre prévenant à l'égard des moines, il se fait leur bienfaiteur, mais toujours en se rehaussant, car lui a la vérité et veut par compassion en faire profiter les moines. [...]
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