« Plutôt voir à Byzance le turban turc que la tiare latine ».
Cette phrase prononcée par le dernier grand amiral byzantin, Loukas Notaras, est révélatrice du climat qui règne durant les années qui précèdent et succèdent à la chute de l'Empire byzantin. Les Grecs doivent choisir entre se soumettre à l'Eglise de Rome pour obtenir de l'aide militaire, ou continuer de craindre la menace turque qui se fait de plus en plus oppressante.
En effet, notre corpus de documents nous situe de la période 1438 à 1463, et propose trois extraits de textes écrits par Bessarion. Bessarion fut un homme d'église, cardinal de Rome en 1440 et patriarche de Constantinople en 1463 à son apogée, théologien, philosophe, diplomate, en un mot érudit de son temps, au service à la fois de Constantinople et de Rome.
[...] Le premier sous domination turque a été Georges Scholarios, puis Isidore de Kiev. La chronologie est incertaine, et en 1463, plusieurs noms sons avancés : Scholarios pour un troisième mandat, Joaseph, ou Sophrone. Nous avons donc un patriarche latin, nommé par le pape, et un patriarche œcuménique, censé prévaloir sur toutes les églises. On peut également s'interroger sur la signification de cette phrase : détournez-vous de ces nouveaux venus qui sont à l'origine du schisme détestable qui sépare les Eglises de dieu (l.35-36). [...]
[...] Sans aucun doute, Bessarion est un unioniste convaincu. Cependant, cette union s'est-elle fait unanimement ? Si Bessarion est unioniste, quand est-il du reste des Grecs ? Le retour à Constantinople est organisé en 1440, et Bessarion choisit de rentrer malgré la proposition faite du pape de rester à ses côtés. Son but est d'expliquer au peuple la légitimité de l'union. Cependant, le retour se fait en disgrâce et les signataires sont accusés d'avoir trahi l'Eglise orthodoxe, d'avoir vendu la foi, d'avoir commis l'apostasie. [...]
[...] Ainsi, comment ces textes nous présentent-ils les enjeux d'une union des Eglises, et en quoi malgré son échec Bessarion tente-t-il toujours de convaincre de sa légitimité ? Comment nous exposent-ils l'évolution de la pensée et du statut de Bessarion ? Une première partie permettra de voir comment Bessarion justifie la nécessité et légitimité de l'union des Eglises : du métropolite de Nicée au cardinal de Rome, une deuxième partie montrera que malgré cela, l'antiunionisme règne à Constantinople : l'Orient contre l'Occident, et enfin une troisième analysera les conséquences de l'échec de l'union selon Bessarion : du cardinal de Rome au patriarche de Constantinople. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, Bessarion profite de son nouveau titre, bien qu'honorifique, pour renouveler son appel à l'union. Il rappelle que les Grecs où qu'ils soient sont soumis au Trône patriarcal de Constantinople (l.29). Ainsi il s'adresse à l'ensemble des Grecs, dont il se considère comme leader spirituel, malgré comme nous l'avons dit que le patriarcat orthodoxe de Constantinople est maintenu par les Turcs, et qu'en 1463, il y ait donc un patriarche à Constantinople, sans doute contre l'union de Florence. [...]
[...] De même, le salut de leur âme est compromis. On a donc un décalage entre les Grecs qui pensent que leur âme était compromise s'ils s'alliaient avec le pape, et que cette alliance précipitait leur chute, tandis que du point de vue de Bessarion, c'est le fait de rejeter l'alliance qui a provoqué la chute de l'Etat. Il continue donc de demander à ce que l'union soit réalisée : recevez avec piété le concile qui s'est tenu à Florence (l.36-37), car depuis l'Italie il milite pour l'envoi d'une nouvelle croisade, dont il pense d'ailleurs que le territoire sera menacé à un moment ou à un autre par les Turcs. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture