Si l'exposition qui se tient actuellement au Palais des Beaux-Arts de Paris a pour point de départ la célébration des cinquante ans de mai 68, elle est également l'occasion d'explorer cette période charnière de l'histoire allant de 1968 à 1974, période au cours de laquelle l'art a rejoint – étonnamment – la politique pour offrir à la société une vision militante et engagée qui a su interpeller la société dans son ensemble et transcender les clivages sociaux, politiques et culturels.
[...] L'affiche qui résume selon moi parfaitement l'exposition est sans doute Poing Levé. En noir et blanc, avec des traits secs et dynamiques qui donnent l'impression que le poing sort du mur, comme en 3D, elle demeure pour moi atemporelle. III – Le rôle de l'exposition Le titre même de l'exposition n'est pas neutre : il appelle forcément un questionnement, voire une prise de position personnelle. La particularité, et aussi la grande qualité de cette exposition, est de mêler art et histoire. [...]
[...] Prenons par exemple l'affiche « Nous sommes tous indésirables », de l'Atelier Populaire, mettant en scène Daniel Cohn-Bendit, grande figure des barricades de 68 et militant encore aujourd'hui. Accusé d'être anarchiste, Cohn-Bendit avait essuyé des critiques antisémites de la part de l'hebdomadaire d'extrême droite Minute, le poussant alors à réagir en lançant le slogan « nous sommes tous des juifs-allemands », et par la suite « nous sommes tous indésirables ». J'ai été frappé par le fait que ce slogan est depuis passé à la postérité, pour être aujourd'hui utilisé dans « Je suis Charlie » ou « Nous sommes tous des réfugiés ». [...]
[...] Elles peuvent être militantes, dénoncer quelque chose, mais leur message est parfois difficile à comprendre. Dans Images en Lutte, j'ai trouvé que la nécessité d'entretenir avec ce genre d'expositions la mémoire collective n'était pas la seule qualité. Toutes les œuvres exposées sont directement accessibles à la compréhension et racontent en plus une période de l'histoire qui a marqué un tournant dans la liberté d'expression notamment. Ce qui m'a frappé, c'est que des affiches, ou des slogans, pouvaient résonner avec autant de force aujourd'hui qu'il y a quarante ans. [...]
[...] En effet, si l'affiche « Presse ne pas avaler » incite les gens à se méfier de ce que la presse peut écrire, les affiches célébrant le Castrisme à Cuba où la Chine de Mao en occultant les millions de mort que cela a pu engendrer sont la preuve d'une volonté de manipuler aussi l'opinion publique pour la rallier à sa cause. Tout cela m'a fait réfléchir sur le poids et le pouvoir des images. J'ai eu l'impression que l'extrême gauche avait découvert le pouvoir des images en mesurant l'impact énorme qu'elles pouvaient avoir sur le peuple. Certes, ce n'était pas nouveau. À l'époque de la révolution bolchévique en Russie, la propagande avait su utiliser l'image pour convaincre. [...]
[...] En regardant l'exposition Images en Lutte, c'est un peu comme si je revenais aux origines de l'image-affiche, l'image-symbole, celle qui parlait à tous parce que tous la regardait vraiment. * On ressort de cette exposition avec l'impression que l'Art met en relief et l'Histoire, et inversement. Qu'elles se fassent caricatures ou dessins aux lignes épurées, toujours accompagnées d'un slogan coup de poing, les images de cette époque transmettent le message d'une période où la société d'alors croyait en une jeunesse qui s'émancipait, qui regorgeait d'idées – certes parfois utopiques - et qui voulait changer le monde. [...]
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