Anthropologie, Afrique subsaharienne, océan Indien, colonialisme français, Didier Nativel, Madagascar, Françoise Raison-Jourde, période postcoloniale
Les sciences sociales, dans les années 1960, sont en pleine ébullition à Madagascar. À l'aune de la toute récente indépendance formelle de l'ancienne puissance coloniale française, l'affirmation des sciences sociales est avant tout un moyen de parvenir à un objectif politique : concrétiser l'indépendance dans tous les secteurs clefs de l'économie et de l'administration malgache. L'enjeu, de taille, consistait non seulement à réformer profondément le secteur agricole en capitalisant sur les façons de modéliser le passage d'une société rurale à une société industrielle vigoureuse (à l'instar du rôle premier de l'ethnologie), mais également de s'extraire d'une vision européanocentrée de la géographie du pays, héritière de la géographie coloniale française.
[...] C'est, en fait, l'interpénétration des jeux de relations entre ancienne puissance coloniale et pays tout récemment indépendant qui se joue dans un nœud gordien proprement politique : les sciences sociales, et en particulier la sociologie, ont joué un rôle moteur dans les cristallisations de ces critiques de l'atavisme instituées par l'ancienne puissance coloniale au sein des structures du pouvoir malgache, empêchant le développement du pays et de ses infrastructures à un niveau véritablement structurel. C'est donc à la fois dans une perspective critique de ce leg colonial, mais également autocritique des « sciences sociales comme complices de cet ordre », que se parachève le développement des sciences sociales malgaches, dont le « renouvellement méthodologique, voire épistémologique » est prépondérant durant les années 1960. Françoise Raison-Jourde, « Oppression et libération à l'épreuve du temps. Regard d'une historienne », Journal des anthropologues, 102- Françoise Raison-Jourde, historienne, spécialiste de Madagascar, est une professeur rattachée à l'Université de Paris ayant enseigné à Madagascar. [...]
[...] Ayache, mais également Valette, ont profondément réformé l'enseignement méthodologique de l'histoire malgache, et contribué ainsi au renouveau historiographique du pays. De fait, l'auteur met en parallèle l'émergence et la progressive dissociation du politique et de la scientificité des sciences sociales au courant des années 1960, mais également leur héritage, indéniable, leur parenté avec les écoles françaises. Ainsi Razafintsalama interroge-t-il, à titre d'exemple, les paysans malgaches comme Bloch a pu les étudier lui-même, tout en prenant un triptyque que les Français avaient déjà consacré par excellence dans leur étude de Madagascar : « les missionnaires, les anciens, les instituteurs ». [...]
[...] Anthropologie et histoire en Afrique subsaharienne et dans l'océan Indien Didier Nativel, « Les sciences sociales à Madagascar dans les années 1960 », Revue historique des Mascareignes pp. 199-211 Didier Nativel est docteur en histoire, professeur agrégé d'histoire de l'Afrique et de l'océan Indien et directeur du Centre d'études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques. Les sciences sociales, dans les années 1960, sont en pleine ébullition à Madagascar. À l'aune de la toute récente indépendance formelle de l'ancienne puissance coloniale française, l'affirmation des sciences sociales est avant tout un moyen de parvenir à un objectif politique : concrétiser l'indépendance dans tous les secteurs clefs de l'économie et de l'administration malgache. [...]
[...] C'est la pratique de la tromba qui cristallise de nouveaux rapports au monde dans l'imaginaire commun des paysans betsimisaraka. L'épuration et le dépouillement de signes occidentaux dans cette communauté frappent Althabe, que Raison-Jourde perçoit finalement comme « une problématique de la mémoire, de l'occultation et de ses effets pathologiques » : c'est au fond « une théorisation d'une des versions tropicales de l'aliénation » face à « un pouvoir actuel » (dans les années 1960-70) « [qui] n'a aucune légitimation [qui] n'existe que dans la mesure de la violence qu'il exerce » selon Althabe. [...]
[...] Les communautés villageoises de la côte orientale de Madagascar, « publié chez Maspero en fin 1969 ». Ayant elle-même été chercheuse à l'Office de la recherche scientifique et technique d'outre-mer (ou ORTOM), Raison-Jourde souligne combien l'ouvrage a non seulement pu rendre compte d'un « régime pris dans des liens néocoloniaux » et des « obstacles au développement », considéré comme une « utopie », mais également de l'invraisemblance d'un discours qui ferait que les paysans seraient eux-mêmes rétifs au développement technique et économique du fait d'une « arriération mentale ». [...]
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