Les rébellions en Afrique de l'ouest de 1990 à 2003. Le cas de la Casamance (Sénégal) et du Libéria : ressemblances et dissemblances est le thème que nous avons choisi dans le cadre de notre mémoire de maîtrise en histoire contemporaine. L'étude des rébellions nous intéresse en ce sens qu'elles sont toujours d'actualité en Afrique.
En effet la violence des affrontements née de la rébellion biafraise nous avait fait croire que les dirigeants africains avaient tiré tous les enseignements de ce conflit afin d'éviter de telles horreurs à leur peuple. Rien n'y fit. Bien au contraire, l'année 1990 verra l'Afrique de l'ouest connaître une des pages les plus sombres de son histoire de l'après indépendance avec d'autres rébellions notamment au Sénégal , au Libéria, en Sierra Leone et récemment la Côte d'Ivoire et la Guinée .
Les raisons qui nous amènent à opter pour ce thème sont multiples. Concernant la raison personnelle, il s'agit pour nous de voir comment ces Etats cités parmi les pionniers de la démocratie et modèles de stabilité en Afrique subsaharienne en sont arrivés à connaître les rebellions les plus longues dans cette partie du continent. Quant à la raison scientifique, elle découle d'un constat que nous avons fait au département d'histoire de l'université de Cocody. La plupart des travaux universitaires sur les rébellions ont été réalisé de manière singulière, nous avons donc voulu par ce thème, expérimenter l'étude simultanée de deux conflits afin de nous imprégner d'une part de la méthodologie qu'implique une étude comparative en histoire et d'autre part de voir à travers ces deux cas si les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, la définition de la notion de rébellion nous paraît utile.
La rébellion c'est l'action de se rebeller, de se révolter. Or se rebeller, c'est refuser de se soumettre à l'autorité légitime . Cette définition nous a paru limiter en ce sens qu'elle ne met pas l'accent sur son caractère armé.
A partir de nos différentes lectures, nous disons que la rébellion peut se définir comme étant la manifestation de la révolte d'un groupe d'individus (civils, militaires ou civilo-militaires) contre le pouvoir en place parce que ne partageant pas la gestion des affaires de l'Etat menée par celui-ci. Ces individus, pour atteindre leur objectif imposent ou proposent des préalables dont la non-satisfaction débouche sur la prise des armes par eux.
L'étude que nous entreprenons donc est circonscrite dans l'espace et dans le temps. Concernant la délimitation spatiale, comme nous l'avons dit précédemment, nous nous intéresserons à deux pays que sont le Sénégal et le Libéria.
Le Sénégal est un pays de 196.722 km2 limité au nord par la Mauritanie, au sud par la Guinée et la Guinée-Bissau, à l'est par le Mali et à l'ouest par l'Océan Atlantique. Sa population est estimée à 9.800.000 habitants . Il est divisé en plusieurs régions parmi lesquelles se trouve la Casamance qui sera surtout l'objet de notre étude. C'est une région de 28.350km2 dans laquelle on trouve toutes les composantes ethniques du Sénégal Le relief se caractère par une longue saison sèche d'octobre à juin et des pluies particulièrement abondantes de juillet à Août (entre 1500 mm et 1800 mm) dans la zone voisine de l'Atlantique, 1200 mm dans l'est. C'est conditions climatiques permettent l'exploitation du riz et du palmier à huile. La végétation est abondante et variée . Le deuxième pays concerné par notre étude est le Libéria. C'est un pays de 111.370 km2 limité au nord par la guinée, au sud par l'océan atlantique, à l'est par la Côte d'Ivoire et au nord- est par la Sierra- Leone. Sa population est estimée à 3.108.000 habitants. A l'instar du Sénégal, c'est un pays qui comprend plusieurs ethnies et treize comtés.
Il existe dans ce pays trois zones de relief. La première zone est le domaine de la plaine qui est large de trente cinq kilomètres. La deuxième zone est constituée de collines et de plateaux dont l'altitude est comprise entre 100 et 700 mètres. La troisième zone est un haut plateau qui se fait plus montagneux à proximité de la frontière guinéenne.
Le climat libérien est sous l'influence de deux courants typiques de cette région du monde : l'harmattan et la mousson. Le littoral connaît un climat de forêt tropical pluvial. On y recueille environ 5000 mm de pluies par an et la moyenne thermodynamique annuelle est de 27°C. A l'intérieur du pays, on note un climat de savane caractérisé par des précipitations un peu moins abondantes
Le pays est drainé par quinze (15) cours d'eau dont la plupart sont orientés vers le sud- ouest.
Pour ce qui est de la chronologie, nous avons choisi la période allant de 1990 à 2003.
L'année 1990 qui est le début de notre repère marque un tournant important pour ces deux crises. Si la rébellion Casamançaise est antérieure à 1990, on constate un changement au niveau de sa lutte qui désormais se fait avec des armes modernes en lieu et place d'armements traditionnels.
Au Libéria, cette date marque un fait majeur dans l'histoire de ce pays à savoir la mort tragique du président Samuel Kanyon Doe. Celui-ci avait dix ans auparavant mis fin dans des conditions similaires à cent trente trois (133) ans de domination des Américano-libériens en évinçant son prédécesseur suivi de l'exécution de treize (13) dignitaires du régime.
Comme on le voit, l'année 1990 correspond dans ces deux pays à une intensification, voire à une radicalisation de la lutte.
S'agissant de la deuxième borne chronologique, elle est aussi significative que la première. Elle se caractérise par des événements importants aussi bien au Sénégal qu'au Libéria. Dans le premier pays cité, le leader de la rébellion reconnaîtra pour la première fois depuis le début du conflit la Casamance comme étant un territoire sénégalais. Il dira à cet effet : « nous retiendrons tous que la cause que nous défendions, et que nous continuons à défendre est l'arrêt total de la marginalisation manifeste de notre région au sein d'un pays qui nous appartient tous » Mieux, lors des assises du mouvement il affirmera : « chers combattants, quand les raisons de se battre sont satisfaites, il n'y a plus de raison de continuer la bataille. Aujourd'hui la rébellion ne se justifie plus, c'est pourquoi en ma qualité de président du MFDC, je vous réitère mes ordres de baisser les armes ».
Quant au Libéria, l'année 2003, voit le départ en exil au Nigeria du président Charles Taylor. Celui qui avait déclenché la guerre la plus sanglante du pays le 24 décembre 1989 à dû céder face à la pression armée des deux mouvements rebelles que sont le LURD et le MODEL mettant ainsi fin à treize (13) années de conflit.
L'étude des rébellions est un sujet intéressant. En ce qui concerne le Sénégal et le Libéria, de nombreux ouvrages ont été réalisés. Cependant, nous avons eu en notre possession très peu cité Françafrique de François Xavier VERSCHAVE. Cet ouvrage qui compte chapitre dont un est consacré au Libéria nous montre comment les rébellions en particulier le NPFL prospère grâce à la collaboration de certaines entreprises françaises ainsi que des gouvernements voisins et le tout avec la bénédiction de l'Elysée. L'ouvrage montre également comment la richesse du sous-sol a fait prospérer une guerre dont tout le monde voulait tirer profit en soutenant ou en favorisant la création d'un groupe armé. David Forest s'inscrit dans le même registre car à partir d'une étude diligentée par la Banque Mondiale sur les rebellions, il étudie le NPFL. Ainsi, il montre comment la difficile situation économique mêlée à la dictature sanglante de Samuel DOE de même que la haine viscérale que se vouent les différentes couches de la population ont fait naître et perdurer le conflit. Tout comme VERSCHAVE, il n'omet pas le rôle joué par des mains obscures auprès des rebelles afin de bénéficier des ressources dont le pays dispose.
Quant au problème casamançais, à part la thèse du Pr. J.C. MARUT intitulé la question de Casamance, une analyse géopolitique, nous n'avons pas pu avoir d'autres ouvrages se penchant sur la question. Cependant, nous pouvons dire que cet ouvrage nous a permis d'avoir une bonne connaissance du problème casamançais. Il montre que la mauvaise gestion de l'espace urbain ainsi que la paupérisation de la région sont à la base de l'embrasement que la région a connu. Il ne manque pas de préciser que les intérêts des uns et des autres en particulier des Etats voisins ont entretenu ce conflit.
Toutefois des insatisfactions sont à noter également dans ces ouvrages. Dans Françafrique tout comme Causes et motivations de la guerre au Libéria (1989 – 1997), une part belle est faite au NPFL alors que le Libéria a connu une multitude de groupes rebelles. De plus, la plupart des ouvrages n'abordent que le premier conflit.
Le thème sur lequel nous travaillons aura donc pour avantage de mettre en exergue les activités des autres groupes armés mais également de prendre en compte les deux conflits qu'à connu le Libéria. En outre, sa particularité par rapport aux autres ouvrages est d'aborder des conflits qui se déroulent dans deux pays différents. Le présent travail peut-être vu comme une esquisse sur l'étude des rébellions en Afrique de l'ouest.
Ainsi comme indiqué plus haut, des recherches ont été réalisées sur ces rébellions. Il s'agira donc pour nous de faire un rapprochement entre celles-ci en vue d'en ressortir les caractéristiques. Cela demeure notre préoccupation majeure et suscite de notre part deux interrogations :
- Quels sont les possibles liens entre ces deux rébellions ?
- Quelles sont les spécificités de chacune d'elles ?
[...] Plusieurs éléments tendent à le montrer. Dans le cas Libéria, on a pu voir des rébellions se faire et se défaire au gré des intérêts du moment, mais surtout sur des bases ethniques. On a ainsi vu que le NPFL étaient majoritairement composés de Gio et de Mano, deux groupes ethniques qui avaient des griefs contre Samuel DOE. De même, la scission de ces mouvements rebelles était faite sur des critères ethniques, l'exemple nous étant donné par L'ULIMO et le LURD et dans une moindre mesure le NPFL. [...]
[...] Il s'agit particulièrement de Francis Kpatindé, Mariam C. Diallo, Jean Baptiste Placca, Chérif Ouazani, Élisabeth Lévy. Henriette DIABATE, le Sannvin : sources orales et histoire. Essai de méthodologie. Abidjan , NEA p Ibidem, p116 M désigne les Mandingues et les Kranhs. Par la suite, la presse ne fera plus allusion à l'ethnie. On parlera désormais de l'ULIMO-K et ULIMO- J.K pour Kromah et J pour Johnson. Cela a été constaté en avril 1996 lors de la tentative d'arrestation de Roosevelt Johnson par l'ECOMOG pour meurtre. [...]
[...] : Front révolutionnaire uni ULIMO : Mouvement uni de Libération UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance Introduction Les rébellions en Afrique de l'Ouest de 1990 à 2003. Le cas de la Casamance (Sénégal) et du Libéria : ressemblances et dissemblances sont le thème que nous avons choisi dans le cadre de notre mémoire de maîtrise en histoire contemporaine. L'étude des rébellions nous intéresse en ce sens qu'elles sont toujours d'actualité en Afrique. En effet, la violence des affrontements née de la rébellion biafraise[1] nous avait fait croire que les dirigeants africains avaient tiré tous les enseignements de ce conflit afin d'éviter de telles horreurs à leur peuple. [...]
[...] Ils ont recruté en Côte d'Ivoire, Charles Taylor a recruté en Côte d'Ivoire. Il y a eu des Sierra-léonais qui se sont ajoutés, il y a eu des Gambiens, il y a eu des Burkinabés, il y a eu un peu de tout. Ils sont venus ici en Côte d'Ivoire, ils ont recruté des loubards ».37 Diverses raisons expliquent leur présence sur les champs de bataille. Pour Venance Konan, il y a «des gens qui eux-mêmes vont volontairement parce qu'ils sont là, ils n'ont rien à faire, ils croient que c'est une aventure, ils disent qu'ils vont gagner de l'argent. [...]
[...] Chapitre I : les causes de la formation des rébellions La prise des armes par des individus est guidée par dives raisons. Que soit en Casamance ou au Libéria, le constat que l'ont fait est que ces rébellions naissent à la suite de nombreux problèmes d'ordres social, économique et politique. AU SENEGAL Les problèmes à la base de la naissance du MFDC et de la prise des armes par celui-ci sont de trois ordres. Ils vont de la paupérisation de la région à l'expropriation des terres, le tout couronné par un refus systématique de se voir inclure dans le Sénégal La paupérisation de la région Dans les années 1990, l'un des aspects qui ne manquent pas d'attiser la colère des casamançais contre ceux qu'ils appellent les Sénégalais est la précarité dans laquelle se trouve leur région. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture