Les premières décennies de la IIIème République sont marquées par l'influence des milieux d'affaires sur les grandes décisions politiques, notamment en matière de choix économique et douanier, ou dans le domaine social. Tout un système affairiste s'est mis en place, par lequel les patrons et les financiers bénéficient de complicités et d'alliances aussi bien dans la presse que parmi les détenteurs du pouvoir politique. Le scandale de Panama, qui a jeté l'opprobre sur des dizaines de parlementaires, n'est que la manifestation de ce système de collusion d'élite, qui permet aux patrons d'exercer une influence sur les orientations des décideurs. Les choix libéraux effectués par les gouvernements républicains durant les trente premières années de la IIIème République sont autant issus de la volonté patronale que celle des gouvernements républicains qui se sont succédé. Rapports de force ou de connivence, pression, sollicitation, campagne de presse, corruption, tout se met en place dès les premiers temps de la démocratie parlementaire.
[...] Un tel marché en dit long sur les connivences possibles entre patrons et parlementaires. André Citroën, très actif lors de la Grande Guerre, bénéficie aussi d'une grande bienveillance politique par la suite, y compris lorsque son entreprise tombe en faillite. En 1934, Citroën négocie directement avec le ministre des Finances le paiement de sa dette de 92 millions de francs au trésor public. À la chambre, les interventions multiples du député de la Charente inférieure, le Provost De Launay, réclament l'occupation de la Ruhr en guise de sanction contre l'Allemagne. [...]
[...] Cette connivence entre les patrons et certains partis se retrouve tout naturellement dans les assemblées parlementaires. Au centre gauche, sur les bancs de la gauche démocratique, siège par exemple le sénateur François Albert-Buisson, président de la Banque Nationale pour le commerce et l'industrie. D'autres, au contraire, s'indignent de cette collusion scandaleuse entre les intérêts privés et les parlementaires. C'est le cas d'André Tardieu qui dénonce la confusion généralisée de la profession de parlementaires et de la profession d'avocat. Si les abus de ce genre sont fréquents, force est de constater que les patrons sont beaucoup moins nombreux dans les chambres qu'ils ne l'étaient un demi-siècle plus tôt. [...]
[...] En France, l'engagement patriotique de la majorité du patronat est une donnée incontestable de la Grande guerre. Dès le 30 mars 1914, soit plusieurs mois avant le déclenchement du conflit, André Lebon, président de la Fédération des Industriels et des Commerçants français lance la Ligue Française, qui se propose de mobiliser les énergies patronales au service de la nation. Il est soutenu par les plus grands dirigeants des organisations patronales, tel Antoine Guillain, président du Comité des Forges. L'année suivante, le ministre Étienne Clémentel et le sénateur Étienne Fougères, tous deux issus du monde patronal, créent l'Association Nationale d'Expansion Economique afin de stimuler le commerce des Alliés. [...]
[...] Le Comité des Forges, sous la pression de Wendel, veut déclencher une offensive violente contre les principaux leaders de gauche susceptibles de participer à un nouveau cartel. Des instructions sont données au journal afin qu'il mène campagne contre le projet d'impôts nouveaux. À cette époque, les barons du fer contrôlent aussi l'Ordre, ainsi que l'Étoile Belges, et l'Indépendance Belge. La participation financière à la presse d'extrême droite représente, pour une grande partie des milieux d'affaires de l'époque, une sorte de garantie, ou plutôt de rempart, contre le danger bolchevique. Pour se protéger des rouges, l'influence politique peut même aller très loin. [...]
[...] Pendant la guerre, le monde patronal accepte l'intervention de l'État, dans un contexte de guerre. Cependant, l'effort de guerre ne doit pas remettre en cause les fondements de l'idéologie patronale, catégoriquement opposés à l'intervention de l'État. Conserver l'ordre social, cela doit faire partie des profits de la guerre. Durant la Première Guerre mondiale, le patronat se soumet donc sans résistance à l'intervention de l'État pour l'effort de guerre. État et Patronat agissent ensemble en vue de remporter la victoire. Cependant, certains événements montrent que le patronat peut se trouver impuissant face à l'État. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture