« L'O.A.S. naîtra en Algérie. C'est à Paris finalement qu'elle exercera ses pressions [...]. Toute entreprise qui n'atteint pas Paris dans ses oeuvres vives est vouée en peu de temps à l'échec. ». Ce jugement de Maurice Papon, préfet de Police de Paris entre 1958 et 1966, constitue une bonne illustration des enjeux de l'affrontement entre l'O.A.S. et les pouvoirs publics en métropole.
Section 1 : Le contexte historique
Dans la lutte pour le maintien de la présence française en Algérie, l'année 1960 marque un tournant. La politique algérienne du général de Gaulle s'oriente de plus en plus nettement vers la décolonisation. Les espoirs portés par nombre d'acteurs du 13 mai 1958 sont totalement balayés. Désormais, il leur semble impossible d'infléchir le destin politique de l'Algérie autrement que par la voie des armes et la prise du pouvoir. Du 24 au 31 janvier 1960, les journées des barricades à Alger témoignent, après le limogeage du général Massu, du rejet des projets gouvernementaux à l'égard de l'Algérie par la grande majorité de la population pied-noir et une partie de l'armée. A partir d'avril 1961, le combat de l'O.A.S. est celui du refus absolu de la politique algérienne du général de Gaulle. L'échec total du putsch d'Alger entraîne alors une forte radicalisation de l'action de l'O.A.S.
Si l'apparition de l'O.A.S. est emblématique de la lutte clandestine pour l'Algérie française, le combat des activistes lui est bien antérieur et il serait erroné de penser que la métropole se trouve totalement en retrait de leurs agissements. Ainsi, le 7 février 1958, deux jours après le vote de la loi-cadre sur l'Algérie, le Palais-Bourbon est plastiqué. L'enquête n'aboutira pas, mais l'attentat reste attribué à l?extrême-droite.
Parmi les nombreuses manifestations qui précédèrent les évènements du 13 mai 1958, il faut citer la manifestation de policiers devant le Palais-Bourbon le 13 mars 1958. Encadrés par des éléments proches de l'extrême-droite, les policiers expriment vivement leur hostilité au gouvernement de Félix Gaillard et à sa politique algérienne. A la suite de ce mouvement de colère des policiers, le 15 mars 1958, le ministre de l'Intérieur Maurice Bourgès-Maunoury nomme Maurice Papon préfet de police de Paris. Il remplace André Lahillonne, qui était en place seulement depuis le 16 décembre 1957.
Le 13 mai 1958, tandis que la population européenne d'Alger se révolte et crée un « Comité de salut public » présidé par le général Massu, une importante manifestation parisienne rassemble les activistes de l'Algérie française. Militants nationalistes (dont ceux du mouvement Jeune Nation), anciens combattants d'Indochine et parfois même officiers d'active descendent les Champs-Elysées pour exprimer leur colère devant l'Assemblée nationale et conspuer le gouvernement.
Sans rentrer dans des considérations dépassant le cadre temporel de notre présente étude, il convient également de rappeler la participation importante de militants de l'Algérie française à l'opération « Résurrection » et au retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958.
Ces manifestations et ces menées clandestines témoignent de la présence en métropole d'un certain nombre d'activistes refusant la scission de l'Algérie à la France, y compris lorsque cette position pourrait impliquer de prendre les armes pour renverser un gouvernement.
Pour autant, les deux premières années de la présidence du général de Gaulle restèrent relativement calmes quant au retentissement en métropole de sa politique algérienne. Malgré quelques soubresauts au moment de la semaine des barricades à Alger en janvier 1960, la paix publique est maintenue en France métropolitaine. Le général Georges Catroux, éphémère ministre-résident en Algérie en 1956 et partisan de la décolonisation, est toutefois visé par un attentat à Paris le 23 juin 1960. (...)
[...] Cette loi d'amnistie permit également le retour des exilés [32]. Ayant défini les limites spatiales et temporelles de notre étude, il nous appartient de cerner plus précisément son sujet. A Paris, la lutte contre l'O.A.S. s'inscrit pour les pouvoirs publics dans une logique protéiforme. Naturellement, la vocation de l'appareil répressif de l'État - police et justice - est de démanteler les réseaux de l'O.A.S. et d'en empêcher les actions, qu'il s'agisse de d'attentats et d'homicides, ou de propagande. Le terme de répression présente deux significations, qui sont complémentaires dans le cas de notre étude. [...]
[...] Section 2 : L'état d'esprit de la population parisienne. En complet décalage avec la dérisoire envergure opérationnelle des activistes Algérie française la population française regarde bien souvent avec inquiétude les événements d'Alger et certains craignent la venue de parachutistes [64]. Cette crainte semble aussi partagée par certains ministres ou proches du pouvoir en place : Les Parachutistes vont sauter sur Paris proclamaient Frey, Guichard, Foccart, Lefranc, ressuscitant l'opération qu'ils avaient souhaité en mai 1958 [65]. Tandis qu'à l'Élysée, Flohic et ses compagnons transformeront leur bureau en bastion et s'arment, eux, jusqu'aux dents [66]. [...]
[...] [166] A la suite de cette arrestation de l'état-major de la ZAP de l'OAS, l'exploitation des renseignements permet à la police d'effectuer 60 nouvelles arrestations en France (voir Rémi Kauffer, OAS, op. cité, p et 281). [167] Voir Georges Fleury, Histoire secrète de l'OAS, op. cité, p et s . [168] Il faut mettre en parallèle cette série d'arrestations des cadres de l'OAS-Métro avec celle des responsables de l'OAS en Algérie : le 25 mars 1962 le général Jouhaud est interpellé, le 7 avril 1962 le lieutenant Degueldre également. Le général Salan est arrêté à Alger le 20 avril 1962. [...]
[...] cité, p. 237). Par la suite, le colonel de Blignières deviendra le chef d'état- major de l'OAS - Métro. Voir Christophe Nick, Résurrection, Paris, Fayard On peut consulter également le livre d'un acteur engagé, le général Miquel : Roger Miquel, Opération Résurrection. Le 13 mai en métropole, Paris, France - Empire Parmi plusieurs autres exemples, on peut citer le cas de Lajos Marton. Cet officier de l'armée de l'air hongroise s'est réfugié à Paris après l'entrée des chars russes à Budapest. [...]
[...] Rapidement enrôlé par le mouvement Jeune Nation, il est également proche des milieux parachutistes. Lajos Marton participera au volet parisien de l'opération Résurrection Par la suite, il fera partie du commando ayant tenté d‘assassiner le général de Gaulle au Petit-Clamart le 22 août 1962. Lajos Marton a écrit un livre de souvenirs sur cette période : Il faut tuer de Gaulle. De Budapest au Petit-Clamart, Paris, Le Rocher 2002. A la suite des journées des barricades à Alger, le doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris a délivré une commissaire rogatoire à la police judiciaire. [...]
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