La Première Guerre mondiale est connue pour le très large consentement (une « guerre de consentement » pour Stéphane Audoin Rouzeau) qui est apparue au moment de la mobilisation et qui a perduré tout au long des 4 ans de conflit…C'est un fait tout à fait interpellant, surtout pour un étudiant naïf et bien-pensant, qui voit en la guerre un mal qu'il faut de tout temps refuser, et qui s'étonne de la non-opposition qu'elle a rencontrée. D'autant plus que la durée et la dureté du phénomène, car l'on connaît les conditions extrêmes de vie et de conflit des poilus pendant 14-18, amène à s'interroger davantage sur le consentement général à ces horreurs…c'est ce mode de pensée, sans doute, qui a alimenté la vision moderne des combattants de la première guerre mondiale comme des « victimes » d'une guerre de « non-sens », à laquelle ils auraient été envoyés malgré eux.
Alors où est la vérité ? Quels ont été réellement les phénomènes d'adhésion ou d'insoumission ? Car les désertions et rebellions ont existé. Il s'agit donc de les étudier, les délimiter, les compter, les analyser sur la base des contextes qui les ont fait naître, pour en comprendre les réelles motivations. Je crois que ces explications nous éclaireront par la même occasion sur les raisons du large consentement, l'un étant directement lié à l'autre. J'essaierai de montrer que les caractéristiques de la France à ce sujet sont très proches sinon similaires à celles des autres grandes nations européennes en guerre en m'appuyant sur des sources étudiant les cas de l'Allemagne, l'Angleterre, La Russie…
Dans un premier temps, une approche quantitative et de constat de la grande mobilisation lors de la première guerre mondiale nous permettra de nous faire une idée non faussée du phénomène. Dans un deuxième temps, nous étudierons les motivations de l'opposition à la guerre. Dans un troisième temps, une analyse du contexte de l'époque nous permettra de comprendre les limites du phénomène d'insoumission.
[...] Mais ce qui est très étonnant, c'est ce phénomène de décroissance du refus, alors que les conditions de guerre empiraient, et que l'on avait fait à l'avant comme à l'arrière la découverte des horreurs du premier conflit mondial. Source : source: P.Boulanger. La France devant la conscription (1914-1922). Paris: CFHM-Institut de stratégie comparée-Economica 2001 Source : source: P.Boulanger. La France devant la conscription (1914-1922). Paris: CFHM-Institut de stratégie comparée-Economica 2001 L'opposition à la guerre n'a donc pas été possible ? Ne soyons pas si affirmatifs, elle a peut-être pris d'autres formes. [...]
[...] Je pensais donc à lui aussi fortement que je pouvais, tout en brinquebalant, garni, croulant sous les armures, accessoire figurant dans cette incroyable affaire internationale, où je m'étais embarqué d'enthousiasme je l'avoue. Céline, Voyage au bout de la nuit Quelles oppositions à la mobilisation générale ? Cependant, malgré ce consentement général, on ne peut négliger les mouvements d'opposition. Voyons d'abord ceux qui ont eu lieu juste avant le conflit. Que s'est-il passé en 1914, au moment où se préparait la guerre ? Dans quels états d'esprit se trouvaient les populations ? Il est en effet fondamental de connaître l'état des mentalités avant le conflit. [...]
[...] A partir d'une étude de Becker des rapports préfectoraux et des notes d'instituteurs de l'époque, il semble qu'on n'y fasse que très rarement allusion voire jamais. Pourtant, on avait craint un pourcentage important de déserteurs avant la guerre. Pour les quelques insoumis repérés (il y en a donc eu, même si la proportion reste faible), les autorités militaires les cherchaient. Il eut des arrestations à l'intérieur du pays et des cas d'exode (notamment des arrestations en Espagne) mais cela est resté rare et fragmentaire. D'après les archives des conseils de guerre, on a dénombré 842 cas d'insoumission ou de désertion[12]. [...]
[...] Mais d'une manière générale, les socialistes luttaient pour la paix par une pression calme et ordonnée sur le gouvernement alors que les syndicalistes assimilaient la lutte contre la guerre à leur dimension révolutionnaire. On connaît donc les grands mouvements d'opposition, mais leurs manifestations n'ont pas été claires ou l'impact assez peu remarquable. Cependant par son étude géographique précise[18], Philippe Boulanger parvient à nous éclairer pour savoir qui furent les insoumis en distinguant des régions réfractaires. Certes l'insoumission fut une phénomène général étendu à tout le territoire dans des proportions peu importantes, mais voici quelques faits remarquables : Le taux d'insoumission est souvent inférieur à dans les divisions qui fournissent les effectifs les plus nombreux pour le service armé (en Franche Comté par exemple). [...]
[...] La conscription et les répressions de la justice militaire La conscription, étudiée en détail par Philippe Boulanger[25] montre à quel point il a pu être difficile d'échapper au service militaire et à la guerre à cette époque. La conscription en 1914 marque la première expérience de grande armée nationale. Cette grande armée s'est révélée être un instrument de la guerre totale. Jamais autant d'hommes n'avaient été mobilisés : durant 4 ans la conscription va permettre la mobilisation de 8 millions d'homme dont 1,8 millions de jeunes gens des classes de 1914 à 1919. [...]
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