Dans sa lettre pastorale intitulée « Patriotisme et Endurance » et adressée aux soldats belges à l'occasion de Noël 1914, le cardinal Mercet, à qui l'on avait demandé si un soldat tombé au service d'une juste cause était un martyr, répond « Qui ne ressent pas que le patriotisme est béni et qu'une agression contre la dignité nationale est une sorte de profanation sacrilège ». Cet appel au patriotisme semble faire écho aux appels à la croisade du Moyen-Âge. Il semblerait que pendant la Première Guerre Mondiale, ferveur religieuse et ardeur patriotique aient donc été fortement liés. L'emploi du terme d'« Union Sacrée », décrivant l'association de tous les partis politiques en temps de guerre, est à cet égard particulièrement évocateur. Etienne Fouilloux, professeur d'histoire contemporaine confirme également cette intuition lorsqu'il écrit dans la préface de « La Guerre et la Foi : de la mort à la mémoire, 1914-1930 » d'Annette Becker qu'il y a, durant le conflit l'émergence d'une véritable « religion de guerre qui serait la symbiose étroite, chez nombre de combattants entre la foi des catéchismes judéo-chrétiens et la lutte de la patrie. » Il ajoute que cette religion serait aussi le « champ de combat inexpiable entre les forces de la mort-la mort elle-même ou ses succédanés quotidiens, la peur et la souffrance- et des forces de vivre malgré tout, qui vont du médiocre paratonnerre des amulettes à la vive croyance en une forme de résurrection après l'ultime sacrifice » suggérant ainsi que ce sentiment religieux spécifique ait concerné chaque individu. S'il est effectivement possible de constater un retour du religieux dès la fin du XIX° siècle, on ne peut pour autant considérer cette religion de guerre comme le prolongement naturel de ce regain de spiritualité. Sur le plan idéologique, la religion chrétienne étant avant tout un message d'amour et de paix, il est difficile de mettre en évidence le rôle qu'elle a pu jouer pour alimenter un patriotisme nationaliste ainsi qu'une opposition au chef de l'Eglise. Sur le plan politique, en ce début de XX° siècle, il faut également prendre en compte un fort courant anticlérical en France mais aussi dans une moindre mesure en Italie.
[...] Le groupe confessionnel est décrit par Roland Marx comme un ghetto et ils ne jouissent d'aucune légitimité dans le débat national[13]. Le hiatus observé entre les positions papales et la réaction des populations s'inscrit également dans un contexte de renouveau du sentiment religieux mais sous une forme nouvelle. La religion est considérée depuis la fin du XIXème siècle comme quelque chose d'intime, de personnel. La Grande Guerre, en laissant apparaître les différences entre les catholiques et le Vatican accentue cette évolution de la religion. C. [...]
[...] Ainsi, le patriotisme transcende les proximités religieuses, c'est la défense de la patrie et pas la défense d'une religion qui anime davantage les soldats. Cependant, on ne peut nier l'importance des retour aux autels pendant la Première Guerre Mondiale. En effet, les témoignages relatent que pendant le conflit, le taux de fréquentation des lieux de culte a augmenté, les confessions sont plus nombreuses En fait, beaucoup d'auteurs expliquent que les horreurs de la guerre, les conditions d'existence difficiles mettent les Hommes dans les meilleures conditions pour rencontrer Dieu ou pour approfondir la foi. [...]
[...] Jean-Jacques Becker, La Première Guerre Mondiale, Paris, Belin 2003 Son chapitre sur les religions pendant la Guerre permet d'obtenir certaines informations fondamentales pour orienter nos recherches. Ernst H. Kantorowicz, Mourir pour la patrie, Paris, Presses Universitaires de France Essai du médiéviste qui permet de comprendre dans quelle mesure la foi chrétienne, et plus spécifiquement la foi catholique est fortement liée à la notion de défense et de sacrifice de la personne pour la patrie. Frédéric Rousseau, La guerre censurée: une histoire des combattants de 14- 18, Paris, Seuil Tout comme dans le précédent ouvrage, l'auteur s'intéresse aux conditions de vie des hommes. [...]
[...] Sur le front comme à l'arrière, les Hommes ont réinterprété leurs croyances. Cependant, la religion pratiquée sur le front se distingue sensiblement de celle pratiquée à l'arrière. En effet, soldats et aumôniers réinterprètent, modifient quelque peu les dogmes traditionnels, les discours des hiérarchies Ainsi, les soldats sont davantage sensibles aux prêches de leurs aumôniers qu'à celle des hiérarchies, elles sont plus concrètes et se rapprochent plus des réalités de la guerre. Ainsi, les aumôniers du corps expéditionnaire britannique considèrent que leur mission principale est d'assurer la continuité dans la vie des hommes ainsi que la maintien de leur morale plutôt que la diffusion à la lettre des dogmes anglicans. [...]
[...] Les Eglises protestantes restent organisées sur la base territoriale des royaumes disparus. Elles se distinguent par une opposition très forte à Weimar, dont l'une des premières initiatives fût de proposer une séparation de l'Eglise et de l'Etat rejetée aussi bien par les Catholiques que les Protestants en 1919. De fait le soutien des Eglises Protestantes à des partis politiques nationalistes et conservateurs, comme le DNVP ou la tentative de création d'un protestantisme politique Evangelischer Volksdienst détachent une partie progressiste des populations protestantes des Eglises établies. [...]
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