Pour comprendre les enjeux de l'élection d'Obama et les défis de sa présidence.
Alors que l'investiture de Barak Obama à la présidence des États-Unis a relancé à l'extrême l'effervescence médiatique qui avait entouré l'élection du candidat démocrate, que l'excès et l'outrance des commentateurs semblent devenir la norme pour caractériser le président et les premières mesures annoncées, que le seul frein à l'utilisation de superlatifs à propos du 44ème président paraît résider dans l'épuisement total du champ lexical de l'éloge et du panagérisme ; nous sommes en droit de nous interroger : l'Obamania ne représente-elle pas une nouvelle bulle ?
L'apparition d'une bulle se caractérisant par un écart soutenu entre la valeur boursière et la valeur réelle d'une entreprise, il semble pertinent de questionner l'embrassement médiatique qui touche le premier hôte noir de la Maison-Blanche pour savoir s'il n'existe pas dans ce cas aussi une asymétrie entre les attentes et les espoirs fantasmés d'une part, et les projets et les possibilités réelles d'action du 44ème président d'autre part.
Afin de mesurer la possibilité d'un tel écart, de l'« exubérante irrationalité » qui saisit le peuple américain, et l'ensemble du monde avec, il est nécessaire de revenir aux sources de ce qui fait et a fait les Etats-Unis d'Amérique.
Pour cela, le détour par « l'esprit de Frontière », socle fondateur de la psyché américaine semble indispensable (chapitre I).
De la guerre de Sécession, aux vagues de migrations des XIX et XXème siècles qui ont peuplé le continent nord américain (chapitre I), en passant par une approche économique des inégalités qui a caractérisé tout l'âge doré de la jeune République (chapitre II), les lignes de force de l'Histoire américaine dessinent autant de clés de compréhension pour saisir les enjeux du XXIème siècle débutant.
À ce titre, les travaux de Thomas Piketty et d'Emmanuel Saez permettent de saisir sur de longues tendances, et avec une grande acuité, l'inégalité du pays et ainsi de capter les courants idéologiques qui ont traversé les Etats-Unis au siècle dernier (chapitre II).
Nous verrons ainsi, qu'avec l'aide de la théorie du « réalignement critique », les États-Unis ont vécu deux élections majeures au vingtième siècle : celle de Roosevelt en 1933 et celle de Reagan en 1981. Ces dernières sont emblématiques dans la mesure où elles transforment intégralement le logiciel idéologique de l'ensemble du champ politique et ce pour plusieurs dizaines d'années : État mixte, puissance des syndicats, réduction brutale des inégalités avec Roosevelt ; monétarisme, montée nette des inégalités et déficits extrêmes avec Reagan. L'enjeu de l'élection d'Obama réside en cela : assisterons-nous à une recomposition idéologique aux États-Unis qui marquerait une rupture radicale avec les années 1980 (chapitre II) ? Pouvons-nous envisager un nouveau cycle au cours duquel le centre de gravité des politiques américaines basculerait ?
Nous comprendrons, à rebours des lieux communs, en quoi le XXème siècle fut contrasté aux États-Unis, allant du « Nous sommes tous keynésiens » proclamé par le président républicain Richard Nixon en 1971 qui semblait sceller l'acceptation définitive du compromis fordiste à l'impératif catégorique de notre temps : « Tout se vaut, tout est vu, tout est vain » qui cimente l'imaginaire politique depuis 1980 et ce, quelle que soit la couleur des candidats.
La première partie « De la naissance des États-Unis au triomphe de Keynes » s'achève au début des années 1970, c'est-à-dire avant le basculement idéologie de l'Occident dans un nouveau régime économique, une nouvelle forme de capitalisme qui sera l'objet d'un autre document: « Du virage néolibéral à la présidence Obama ».
[...] Peu importe si cela avait été mis en place par intérêt politique afin de contrer ses opposants, plus radicaux ; le fait était là, les pays d'Europe les plus avancés avaient déjà commencé à développer un Etat-providence. Pourtant, ce n'était pas une question de richesse du pays, les Etats-Unis, en effet, étaient dans les années 1920 nettement plus riches que les pays européens et pourtant la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne avaient tous des systèmes d'aide publique d'une envergure plusieurs fois supérieure à ceux de l'Amérique. [...]
[...] 51-52. Paul Krugman, op. cit., p Serge Halimi, Le grand bond en arrière, Editions Fayard, Paris 2006, p Ibid., p. 54/55. Ibid., p.51. Ibid., p Daniel Bell, The End of Ideology, The Free Press, New York p Cite in Serge Halimi, Le grand bond en arrière, Editions Fayard p.47-48. Serge Halimi, Le grand bond en arrière, Editions Fayard, Paris p.240. La bas s'y suis France Inter décembre 2004. [...]
[...] Le nombre de milliardaires avait donc évolué plus ou moins parallèlement à la croissance démographique tout au long de l'ère progressiste[13]. Ce n'est qu'avec le New Deal que les milliardaires se sont plus ou moins évanouis du paysage : ils n'étaient plus que 16 en 1957 et 13 en 1968. (Aujourd'hui, environ 160 Américains satisfont au critère de DeLong[14].) L'économiste Paul Krugman ajoute : Qui étaient les milliardaires de l'âge doré ? Oui, c'étaient bien eux : les barons voleurs[15] qui avaient fait fortune dans les chemins de fer, l'industrie manufacturière et l'extraction de ressources naturelles comme le pétrole et le charbon. [...]
[...] De tous les facteurs susmentionnés, le plus fatal a été la division entre pauvres blancs et pauvres noirs. Dans la pratique, ce problème ne se posait qu'aux populistes du Sud, puisque les Noirs étaient une infime minorité partout ailleurs avant les années 1920[33]. En dernière analyse, une autre explication a favorisé l'émergence et la pérennisation d'un gouvernement oligarchique : le spoils system ou système des dépouilles c'est-à-dire la répartition des hauts postes de l'administration suivant les préférences politiques qui permettaient l'accès des postes importants à des hommes sans expériences. [...]
[...] Les débiteurs furent alors contraints de contenir leur consommation afin de dégager des fonds pour apurer leur dette préexistante. S'ensuivit naturellement une réduction de la demande de biens de toutes sortes et ce qui est apparu comme une surproduction mais qui n'était en fait qu'une sous-consommation, pour peu que l'on adopte le point de vue du monde réel et non celui de l'argent. Ce dernier évènement provoqua à son tour une chute des prix et de l'emploi. La hausse du chômage vint conforter le recul de la consommation de biens, ce qui aggrava encore le chômage, bouclant ainsi la boucle d'un déclin continu des prix. [...]
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