Ce document nous permet de comprendre pourquoi les Brigades Rouges ont à ce point marqué de leur sceau une époque troublée. Ce mouvement révolutionnaire armé est en effet représentatif des tensions qui parcourent en ce temps la société italienne, au sens où il se construit sur un refus radical de la situation héritée de l'après-guerre, laquelle peine d'ailleurs à évoluer. Mais il l'est également parce que son projet est précisément de révéler les contradictions de l'organisation sociale et économique (telles qu'elles étaient exprimées par les nombreuses grèves), parce qu'il est violent et que c'était justement le temps de tous les terrorismes, et parce qu'il met à jour les faiblesses et les rigidités de l'Etat italien. Les Brigades Rouges forment dès lors un prisme commode pour observer la réalité de l'époque.
[...] Les perquisitions permettent à la fois d'intimider une organisation ou un individu, et d'obtenir des informations sur ceux-ci, en récupérant des dossiers (voire l'argenterie). Quant à l'enlèvement, il est parfois l'occasion de demander une rançon, en plus de l'effet d'intimidation et de médiatisation évident. En effet, les Brigades Rouges ont besoin d'argent, pour acheter les armes, les caches et pour financer leurs militants lorsqu'ils doivent se consacrer à plein temps à leurs activités de recherche théorique (nécessaires pour élaborer la stratégie, c'est un travail d'état-major) ou de filature (services d'espionnage). [...]
[...] Cependant l'Etat italien refuse d'entériner ce choix et décide de considérer l'action des Brigades Rouges comme une agitation interne, et non comme une activité de combat. Si l'Etat accepte de se référer à la notion de guerre, c'est pour soupçonner des collusions entre militants des Brigades Rouges et d'autres pays[10]. Mais la plupart du temps, la lutte contre les Brigades Rouges se fait au nom d'une lutte contre le terrorisme et la stabilité interne de l'Etat. C'est la raison pour laquelle les crimes et délits reprochés le leur sont au nom de principes législatifs de droit commun dans la mesure du possible. [...]
[...] En terme de morts, ils sont 150 du fait du terrorisme noir et 94 de celui du terrorisme rouge attentats de la Piazza Fontane en 1966 par exemple, ou de la gare de Bologne en 1980, du train Bologne-Florence en 1984 amendement au code pénal mis en place par A.Rocco, garde des Sceaux du régime fasciste, en 1930 mesure instaurée par le fascisme, son application est d'abord déléguée à la police, puis à la magistrature en 1956. A partir de mai 1975 elle s'applique aussi officiellement aux groupes et personnes accomplissant des actes de subversion contre l'Etat La révolution et l'Etat, P.Persichetti et O.Scalzone, Ed. Dagorno p.106 et suivantes Grèves des métallos à Rome, Milan, Gênes, Naples, Trieste en 1966. Mouvements sociaux de chômeurs et de paysans à Cutro et sur l'île de Capo Rigutzo, d'ouvriers à Masse en 1967. Conflit textile à Veneto, grève quasi- permanente chez Fiat en 1968. Ebullition dans les universités. Etc. [...]
[...] Ainsi, les attaques contre des personnes ou des biens ne sont pas des manifestations de haine, pas des vengeances, pas des assassinats, mais des sanctions ; elles interviennent après des procès, menés le plus clairement possible, et selon les règles de l'art. Lors de l'enlèvement d'A.Moro, les communiqués parlent d'instruction du procès (les investigations des carabiniers permettront effectivement de retrouver les traces de cette instruction), promettent de publier les comptes-rendus élaborés par le greffier (ce qu'ils feront par la suite), et se réfèrent à la justice prolétarienne, dont ils sont le bras institutionnel. [...]
[...] Or les investigations menées par la police et la justice commencent pourtant toujours par suspecter les mouvements d'extrême gauche, les suspicions se muant d'ailleurs souvent en condamnation, voire en assassinat (comme ce fut le cas du militant anarchiste Giuseppe Pinelli, défenestré lors de son interrogatoire le 15 décembre 1969, l'attentat ayant par ailleurs été commis par des activistes néo-fascistes). On comprend donc que les Brigades Rouges aient pu considérer la société italienne comme en proie à une guerre menée par l'Etat, en collusion avec des groupes d'extrême droite. [...]
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