Entre 1947 et 1956, deux états, le Maroc et Israël ont connu de nombreux bouleversements. Le premier mena sa lutte d'indépendance, le second tenta de s'installer et de perdurer. Pour les deux états, ces processus ont été entamés bien avant la Seconde Guerre mondiale mais ils se sont clairement déclenchés en 1947.
Effectivement, en avril 1947, le sultan du Maroc Sidi Mohammed ben Youssef fit à Tanger un discours retentissant dans lequel, pour la première fois, il soutenait ouvertement la lutte nationaliste marocaine contre le protectorat français. Le 29 novembre 1947, l'assemblée générale de l'ONU vota le plan de partage de la Palestine, vote auquel la France adhéra et qui mit fin au mandat britannique et déboucha le 14 mai 1948 à la proclamation de L'Etat d'Israël par David Ben Gourion. A priori, ces deux événements, déclencheurs de deux processus distincts, sont sans lien et il peut paraître vain de vouloir en étudier les interférences. Toutefois, deux éléments articulent et lient ces événements. Le premier est la France, puissance protectrice du Maroc et soutien d'Israël. Le second est la communauté juive marocaine, communauté israélite la plus importante en terre d'islam.
Le conflit franco-marocain et la création d'Israël sont en eux-mêmes de vastes sujets de réflexion. La matière de notre étude est des plus vastes, des plus complexes et des plus denses car elle concerne deux événements majeurs du XXe siècle : la gestation du conflit israélo-arabe et la décolonisation. Prétendre les étudier conjointement et précisément serait absurde et sans grand intérêt. Mon mémoire ne vise donc pas à une étude exhaustive de ces deux processus mais à une analyse de leurs interférences et de leurs répercussions conjointes sur un élément tangible, la communauté juive marocaine.
La situation en Israël et l'évolution de la lutte nationaliste ne sont donc étudiées que dans le cadre de leurs répercussions sur les juifs marocains. Plus que le déroulement et l'enchaînement des événements, les liens, la nature des relations entre un état musulman, confronté à une véritable crise politique, et un état juif tentant de s'installer et de perdurer face à l'hostilité arabo-musulmane, m'intéressaient. Choisir d'étudier ces événements à travers le prisme du parcours de la communauté juive au Maroc permet de donner une dimension plus concrète à ces relations, de mieux en cerner les enjeux humains et surtout d'en définir les nombreux paradoxes.
[...] Une telle augmentation du nombre d'émigrants a été possible grâce à l'assouplissement de la politique d'immigration israélienne. En effet, l'Agence juive prit dès septembre 1954 de nouvelles dispositions (augmentation des moyens et diminution de la sélection) pour intensifier l'aliyah marocaine et l'état juif entreprit des démarches auprès du gouvernement français pour garantir la libre circulation des juifs marocains[112] répondant ainsi aux attentes de la majorité de la population israélienne favorable à une émigration massive. Pour la première fois, la possibilité de mettre en place le Retour d'urgence fut évoquée sérieusement par les Israéliens lors du Conseil général sioniste réuni du 23 au 31 août 1955. [...]
[...] Les partisans français de ce projet ont trouvé un allié en la personne du Pacha de Marrakech, le Glaoui. Une véritable conjuration s'est organisée autour d'une coalition de notables, de hauts fonctionnaires marocains et des caïds du sud, le tout avec l'assentiment de l'administration française. Même certains milieux religieux participèrent à ce projet sous l'impulsion du chérif Kettani qui réunit à Fès un congrès de confréries musulmanes d'Afrique du Nord (un millier de délégués et quinze confréries étaient présents)[82], congrès qui critiqua ouvertement la politique religieuse du Sultan. [...]
[...] Le 7 juin au matin, deux agressions ont lieu. La première contre un juif, Albert Bensoussan soupçonné de vouloir passer la frontière pour se rendre en Palestine, la seconde contre un juif converti à l'islam. Cette seconde agression se déroula sur une place publique, la Place Attarine, et l'incident fut aussitôt connu et diffusé par des musulmans qui criaient Un juif a tué un de nos frères D'après le rapport officiel c'est l'annonce de cette nouvelle qui déclencha une émeute se traduisant par le pillage des boutiques juives (au total 120 millions de francs de biens juifs furent pillés) et par la mort de cinq civils tous juifs à l'exception d'un français pris pour un juif. [...]
[...] Fort de leur nouvelle tribune à l'ONU, les nationalistes marocains ont continué leur action au Maroc. Durant ces années, la physionomie du parti de l'Istiqlal a été modifiée en s'ouvrant au prolétariat des grandes villes. L'Istiqlal était devenu un parti de masse dont les manifestations étaient de plus en plus violentes. Dans les sphères politiques, le remplacement de Juin par Guillaume avait un temps apaisé les esprits, notamment grâce à l'accueil favorable que lui fit Mohammed ben Youssef à son arrivée en octobre 1951. [...]
[...] -Lettre nº2372 AL du 30/05/1953 du ministre des Affaires étrangères au ministre de la Santé publique et de la population. Informations sur les dispositions prises pour le retour des juifs marocains émigrés en Israël. -Lettre nº1484/AL du 27/07/1953 de Gilbert Ambassadeur de France en Israël à Bidault Ministre des Affaires étrangères. Réactions négatives de l'opinion séfarade en Israël par rapport à la politique de sélection et rapport sur les réflexions amères de plusieurs juifs marocains sur leur expérience en Israël. [...]
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