Paul Henry D'Estournelles de Constant (1852-1924), petit neveu de Benjamin Constant et Prix Nobel de la Paix en 1909, est aujourd'hui méconnu de tous. Il est pourtant le fondateur de la conception moderne de « Paix » et fut l'un des précurseurs de l'idée d'Union européenne.
Or, il fut aussi le théoricien d'un modèle nouveau de colonisation auquel nous nous intéresserons dans ce mémoire. Jeune et brillant diplomate de 30 ans, il est envoyé le 2 avril 1882 à Tunis pour former sous le parrainage de Paul Cambon, une administration coloniale « adaptée à la Régence tunisienne ».
Il appuiera ce dernier dans sa profonde volonté de réforme, et participa vivement à gérer le pays selon ses préceptes novateurs. En plus de ses talents diplomatiques remarqués des plus grands, d'Estournelles possédaient un extraordinaire don littéraire qu'il mit au service du protectorat.
Il publie, le 6 novembre 1892, La conquête de la Tunisie qui achève dix années d'études comme il se confiera ;
« Pendant ces dix années d'une étude que j'ai poursuivie presque sans interruption soit à Tunis, soit à Paris au ministère, soit ici même en achevant mon livre, j'ai pu prêté à la critique mais non aux reproches, même à Tunis où l'opinion a été pourtant bien divisée n'a pu dire des intérêts du protectorat qu'ils n'étaient pas sous bonne garde entre nos mains ».
La conquête de la Tunisie est l'ouvrage principal sur lequel reposera ce mémoire, qui s'apparentera en divers points à une exégèse de ce précieux document. D'autant plus que les références au sujet de d'Estournelles sont rares voire inexistantes, à l'exception de la thèse de L. Barcelo qui traite les autres aspects de sa figure politique, à savoir son engagement précoce pour la paix et pour la fondation de l' « association des peuples européens ». Ainsi trois thématiques fondamentales convergent dans son œuvre aussi bien écrite que pratique : L'occident et les autres, la paix universelle, l'Europe.
Il existe certes quelques semblants de biographies, anciennes et peu utiles pour mon analyse, et qui souvent ont été écrites par des sarthois fiers de leur illustre député.
Car l'intérêt premier de ce personnage, ce qui justifie une recherche sur lui, ses idées et son expérience, réside principalement dans le fait qu'il résume selon moi, par toutes ses dimensions, la période moderne des relations internationales dans laquelle nous vivons toujours et dont beaucoup diagnostiquent la pénible agonie. Son personnage et son œuvre se situent donc au confluent des époques et des disciplines qui génèrent ce concept nouveau.
Mais nous nous concentrerons sur les spécificités du protectorat dont la Tunisie fut le laboratoire.
Nous verrons au cours de ce mémoire les facteurs implicites qui ont conduit à l'adoption de ce modèle colonial en Tunisie, les éléments structurels qui ont forgé le protectorat.
[...] La description de sa propre diplomatie et de celle de Cambon apparaît, en effet, comme un manuel de diplomatie. Constant est très généreux en exhortations à l'égard de ces collègues diplomates. Tout au long de ses écrits, il donne des conseils et appelle de ses vœux à une formation plus poussée des futurs diplomates ainsi que la refonte du corps diplomatique. Il ridiculise les anciennes techniques de diplomatie et réprouve ceux qui s'identifient à Richelieu ou à Talleyrand Il conçoit un nouvel archétype du diplomate, fondé sur l'abnégation et la sobriété ; des valeurs, qu'il a puisées dans sa culture protestante selon l'hypothèse que nous étayerons dans le second chapitre. [...]
[...] For Ireland there exists, moreover, a militarily organized police force of some 12,000 men. The standing army is largely employed abroad, especially in India, where two- thirds of the army of almost 230,000 men consists of natives. The colonies have, as a rule, their own militias and volunteer forces. The relation between Great Britain's home and colonial militarism is characterized by the military budget, which, in 1897, was about 360 million marks for the home country and about 510 million marks for India. [...]
[...] Ibid., p 136 D'Estournelles de Constant (Paul Henry), Congrégations religieuses chez les Arabes Estournelles de Constant (Paul d'), La conquête de la Tunisie, Paris, Sfar p 206 Mondzain (Marie-José), Image, icône, économie ; les sources byzantines de l'imaginaire contemporain, Paris, Seuil Estournelles de Constant (Paul d'), La conquête de la Tunisie, Paris, Sfar p 367. Ibidem, Annexe ; Sfar (Mondher), Impérialisme et conciliation. Estournelles de Constant (Paul d'), Les sociétés secrètes chez les Arabes et la conquête de l'Afrique du Nord Revue des Deux Mondes, 1er mars 1886, p 101. Estournelles de Constant (Paul d'), La conquête de la Tunisie, Paris, Sfar p 227. Freud (Sigmund), Le malaise dans la culture, Paris, PUF p76. [...]
[...] Cambon a trouvé un successeur, et que depuis six années le protectorat, tel qu'il l'avait compris et organisé, poursuit sans bruit mais avec constance et avec succès sa marche rationnelle et bienfaisante La politique coloniale en Tunisie devait aussi son succès aux compétences de ses diplomates, et à leurs connaissances de la réalité tunisienne. D'Estournelles manifeste, tout au long de son livre, des connaissances dignes d'un orientaliste. Il a en effet, façonné ce nouveau modèle selon la morphologie de la société musulmane. Et plus précisément, il est le premier à avoir véritablement formalisé le protectorat. Mais il a aussi crée un débat, un clivage interne à l'expérience coloniale. Face aux tenants d'une annexion traditionnelle des territoires conquis, d'Estournelles a formulé et théorisé le nouveau colonialisme. [...]
[...] Ferry fait face aux querelles, gère les crises auxquelles D'Estournelles consacrera un chapitre entier de son livre, tant elles furent nombreuses. Les critiques, qui étaient dans la plupart des cas infondées, risquaient en permanence d'enfanter des polémiques fatales pour la survie du projet de protectorat. Aussi bien Ferry, que Cambon et que D'Estournelles naturellement en étaient conscients ; ils s'accordent donc spontanément sur une répartition des rôles selon leurs degrés de notoriété. La diplomatie prend en charge, à partir de cette époque, l'expérience coloniale française. [...]
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