Partant du constat de l'existence d'une « légende noire » autour de la SDN, la réflexion tente de mettre en évidence combien cette vision est caricaturale et téléologique. Une périodisation plus fine fait tout d'abord apparaître clairement deux temps dans l'histoire de la SDN : les dix premières années (1919-1929), « âge d'or » où la SDN contribue à enraciner l'idée de « paix par le droit » suivies d'une période de crise à partir des années trente. Pour autant, l'échec de la Société n'est pas inscrit d'emblée dans le Pacte de la SDN et c'est sur le poids relatif du « texte » et des « acteurs » dans l'échec de la SDN que le propos s'interroge finalement.
[...] Par conséquent, la volonté de régler les problèmes nationaux par des méthodes internationales se réduit au fil des années. D'autre part, la montée, en Allemagne, en Italie, et en Russie, des régimes totalitaires induit un changement dans les mentalités, le pacifisme d'après-guerre (la Grande Guerre ne doit jamais se répéter) laissant place à un pacifisme d'avant-guerre (il faut empêcher une nouvelle guerre de se déclencher), affaiblissant l' esprit de Genève des années 1920 Or, ces deux éléments (crise économique, nouvelle conception du pacifisme) contribuent à marginaliser la SDN. [...]
[...] En fait, si l'on veut comprendre la SDN et rendre justice à ses œuvres, il faut se rappeler qu'elle n'était pas qu'une idée pure mais aussi une oeuvre politique mise au point par les vainqueurs de la Grande Guerre. Au-delà, l'exemple de la SDN amène une réflexion générale sur la paix par le droit En effet, les lacunes institutionnelles de la SDN, que l'ONU essaiera de combler, tendent à valider la thèse de Maurice Vaïsse selon laquelle le droit est toujours en retard d'une guerre Pourtant, dans le même temps, l'œuvre de la SDN dans les années tend à montrer que le recours à la loi semble la solution la plus juste pour faire triompher la paix entre les nations. [...]
[...] En une dizaine d'années, la SDN s'est donc affirmée en devenant l'une des commodités de la vie internationale. C'est pourquoi les dix années qui s'écoulent de 1919 à 1929 sont généralement conçues comme l'« âge d'or de la SDN, même si cette périodisation peut être discutée. En effet, durant ces dix années, la dynamique de la SDN est parfois rompue, notamment sur la question du désarmement, par les divergences de vue entre Français et Britanniques. Par exemple, en 1923, la SDN ne réussit pas à établir un projet de traité d'assistance mutuelle. [...]
[...] A cela s'ajoute la paralysie qu'induit la règle de l'unanimité dans la prise de décision au sein du Conseil : si le Conseil n'est pas en mesure d'aboutir à un rapport unanime, les membres de la Société se réservent le droit d'agir comme ils le jugeront nécessaire (article 15§7). Enfin, le Pacte ne prévoit pas, comme le demandait Léon Bourgeois une force internationale pour sanctionner les manquements. Au final, les lacunes du Pacte exacerbées par la nouvelle conjoncture internationale sont potentiellement porteurs de crises. Or, ces craintes se révèlent fondées comme l'illustrent les échecs répétés de la SDN dans les années 1930. [...]
[...] Ainsi, dès septembre 1935, un accord franco- britannique exclut d'avance la prise de sanctions militaires et la fermeture du Canal de Suez. Les produits stratégiques clés (le pétrole et ses dérivés) sont, écartés de la liste des produits dont l'exportation est prohibée. L'affaire d'Ethiopie n'est pas un cas isolé. Bien souvent les échecs de la SDN n'ont pas été le résultat des lacunes institutionnelles du Pacte (dans le cas éthiopien, le Pacte aurait permis d'aller jusqu'à des sanctions militaires) mais celui de stratégies égoïstes de puissances continuant à raisonner en terme de politiques d'alliances. [...]
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