La pluriactivité est donnée économique, sociale et culturelle mouvante. C'est une situation inédite dans une société où la division et la spécialisation du travail sont la règle. C'est un phénomène qui semble être corrélatif de l'évolution de la société rurale face au processus d'industrialisation, il désigne plus précisément la tendance d'une part importante, variable selon les régions, des chefs d'exploitations, des familles agricoles à avoir une activité étrangère à l'exploitation, de façon plus ou moins marqué et allant jusqu'au salariat. La pluriactivité signifie pour les uns plus que la double activité alors que pour d'autres elle s'y limite.
Et c'est pourquoi il s'agit de montrer en quoi la pluriactivité constitue le prisme majeur de l'évolution de la société paysanne face à son environnement proche et à ses évolutions ?
Nous verrons en effet les différentes formes de la pluriactivité, pour ensuite voir que celle-ci obéit à des cycles, qu'elle s'inscrit dans un temps long et qu'elle s'intègre progressivement à la société moderne.
[...] Depuis le milieu du XIXe siècle, la pluriactivité s'intensifie et apparaît désormais comme une formule digne d'intérêt. Elle est davantage un choix, pour rester aussi agriculteur et toujours au pays. Elle se pare de toute une justification idéologique qui a été relayée par le ministère de l'agriculture dans les périodes de crise de l'agriculture. A contrario tout un discours des organisations syndicales comme la F.N.S.E.A. développait toute une conception du ‘métier' réfractaire à toute double activité. En 1940, Vichy avait donné le signal d'une réhabilitation. Depuis la tonalité est passé du corporatisme à l'individualisme. [...]
[...] Car se produit un changement aux dépens de la pluriactivité : l'exode rural et ses conséquences démographiques réduisent l'engorgement des campagnes ; les emplois complémentaires accessibles disparaissent en masse avec l'industrialisation urbaine ; la spécialisation en cours rapporte davantage à ceux qui restent agriculteurs, grâce à une productivité accrue, née d'une amélioration de l'équipement technique et culturel ; l'essor de la production et de la consommation assure un meilleur équilibre à l'exploitation agricole. Cette situation se traduit par une ‘paysannisation' plus forte des campagnes. Les conditions d'accès à la matière première, le coût des transports deviennent des barrières infranchissables. Dans la région de Draguignan, la mine ferme. La spécialisation des cultures et la mécanisation en marche exigent maintenant davantage de disponibilité. De son côté, l'organisation du travail, devenue plus rigide, s'accommode moins bien d'un travail alternatif : s'il est peu contestataire, il n'apparaît plus suffisamment productif. [...]
[...] C'est un phénomène qui semble être corrélatif de l'évolution de la société rurale face au processus d'industrialisation, il désigne plus précisément la tendance d'une part importante, variable selon les régions, des chefs d'exploitations, des familles agricoles à avoir une activité étrangère à l'exploitation, de façon plus ou moins marqué et allant jusqu'au salariat. La pluriactivité signifie pour les uns plus que la double activité (Y. Rinaudo) alors que pour d'autres elle s'y limite. Aussi trouvons-nous les termes de poly-activité, multiactivité qui lui sont synonymes. [...]
[...] La pluriactivité peut finir par imposer le départ sans retour comme la meilleure chance de réussite. Les apprentissages plus longs et répétés, le travail plus régulier et plus dense, exigés par la modernisation, le revenu plus sûr, attaquent la place et l'image des activités agricoles. Par une inversion des priorités, c'est désormais le travail de la terre qui, comme jadis ou naguère les activités non agricoles, apparaît saisonnier. L'appartenance professionnelle réelle (part du revenu agricole dans les ressources du ménage) et l'univers idéologique et culturel (distance à la ‘culture paysanne'), s'ils étaient repérables avec précision, réserveraient des surprises sur la véritable ‘qualité' socio-professionnelle de ces paysans ‘officiels'. [...]
[...] Elle ne se résume pas à une activité passagère que le paysan, puis l'agriculteur, pratique de façon indifférente mais elle obéit dans certains cas à de véritables stratégies familiales. Elle n'est pas un phénomène résiduel mais apparaît, dans bien des cas, une condition de survie du monde rural comme l'indique la question principale soulevée par le congrès des ruralistes français en 1981. Elle est à la fois un défi d'intégration de la ‘société paysanne' dans le processus d'industrialisation mais constitue par là même un baromètre heuristique de la difficulté que la société paysanne éprouve face au processus d'industrialisation. [...]
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