Impopulaire. Peu d'hommes politiques le furent comme lui. Paradoxe pour celui qui a laissé son nom à l'une des réformes essentielles de notre histoire contemporaine : l'école laïque, gratuite et obligatoire. Alors pourquoi ?
La gauche ne l'aimait pas. C'est qu'il fut antijacobin, anticommunard, colonialiste. Si l'on ajoute à cela son désir d'une république forte, dotée d'un président interventionniste, son hostilité à l'instabilité ministérielle en laquelle il voyait un danger grave pour la pérennité du régime, on comprend pourquoi bien des républicains, Clemenceau en tête, n'appréciaient pas ce bourgeois un peu hautain qui n'hésitait pas à dire ce qu'il pensait.
Quant à la droite conservatrice et cléricale, elle en fit sa bête noire, parce qu'il était le père de la laïcité de l'école, parce qu'il affichait son scepticisme religieux, s'était marié civilement, avait fait voter la loi sur le divorce, mais aussi parce qu'il s'était fait l'apôtre de la colonisation : les nationalistes, obsédés par la revanche contre Bismarck, voyaient avec angoisse nos soldats se détourner de la ligne bleue des Vosges.
Et pourtant, nul plus que lui n'était attentif à la frontière de l'Est.
Vosgien, né à Saint-Dié en 1832, élu de la région de 1871 à sa mort en 1893, il se marie à Eugénie Risler, petite-fille de l'industriel alsacien Charles Kestner, protestant, l'une des grandes figures du patronat paternalisme. Fils d'avocat, élevé dans le culte des Lumières, de la révolution de 1789, du positivisme et du protestantisme libéral, avocat lui-même, Jules Ferry refuse de servir le Second Empire.
Journaliste, pamphlétaire (on se souvient des ‘Comptes fantastiques d'Haussmann' qu'il publie dans Le Temps en 1867 et 1868 pour dénoncer la curée du vieux Paris par le tout-puissant préfet de la Seine), héros romantique et romanesque, toujours en voyage aux quatre coins de l'Europe, habitué des salons mondains et des cénacles républicains, ce bourgeois, entretenu par un frère banquier, est tiraillé entre dandysme et politique.
Il choisit à la fin du Second Empire : ce sera la politique. A un moment où Napoléon III et son régime paraissent pourtant éternels, il se rapproche de Gambetta – dont il sera un ami fidèle –, gagne un siège pour les républicains à Paris en 1869, et se passionne pour le problème scolaire, d'où le serment du 10 avril 1870 sur l'«égalité d'éducation ». Maire à Paris de novembre 1870 à juin 1871, il s'enracine ensuite comme élu des Vosges, devient franc-maçon, combat sans relâche l'ordre moral, et accède à la présidence de la gauche républicaine. Le pouvoir n'est pas loin.
[...] Jules Ferry et Leroy-Beaulieu ont fortement souligné les arguments économiques ; les colonies sont des placements de capitaux. «Les capitalistes courent [ . ] de moindres risques dans les colonies qui sont des prolongements de la métropole» (Leroy-Beaulieu). D'autre part, les mesures protectionnistes tendent à fermer les marchés étrangers. Les colonies offrent nos sociétés des matières premières à bas prix» et constituent nouveaux marchés pour le débit des produits manufacturés d'Europe» (Leroy-Beaulieu). politique coloniale est fille de la politique industrielle» (J. Ferry). [...]
[...] Vouloir ôter au clergé son influence dans la société et son autorité politique, voilà le fond de l'anticléricalisme républicain, exaspéré par l'attitude de l'Eglise au côté des conservateurs, sous l'Empire et l'Ordre moral. Cet anticléricalisme s'appuie, chez Ferry, sur l'adhésion au positivisme d'Auguste Comte qu'il connaît directement et dont il s'inspire des grands thèmes. Jules Ferry, c'est l'homme de la république démocratique, de l'Etat laïcisé. Il veut briser l'influence de l'Eglise catholique sur la société française et dans l'Etat. Il tient d'autant plus à cette lutte culturelle qu'il a foi dans la science, la raison, le progrès, toutes valeurs qui lui paraissent contraires au dogme catholique. [...]
[...] Jules Ferry (1832-1893) JUKES FERRY 18321832-1893 Jules Ferry La laïcité comme combat Impopulaire. Peu d'hommes politiques le furent comme lui. Paradoxe pour celui qui a laissé son nom à l'une des réformes essentielles de notre histoire contemporaine : l'école laïque, gratuite et obligatoire. Alors pourquoi ? La gauche ne l'aimait pas. C'est qu'il fut antijacobin, anticommunard, colonialiste. Si l'on ajoute à cela son désir d'une république forte, dotée d'un président interventionniste, son hostilité à l'instabilité ministérielle en laquelle il voyait un danger grave pour la pérennité du régime, on comprend pourquoi bien des républicains, Clemenceau en tête, n'appréciaient pas ce bourgeois un peu hautain qui n'hésitait pas à dire ce qu'il pensait. [...]
[...] C'est à son propos que s'affirma avec le plus de netteté ce que Ferdinand Buisson, le collaborateur de Ferry, appela la foi laïque Messieurs, le Gouvernement pense que la neutralité religieuse de l'école, au point de vue du culte positif, au point de vue confessionnel, comme on dit en d'autres pays, est un principe nécessaire qui vient à son heure et dont l'application ne saurait être retardée plus longtemps. ( . ) Je vous demande de vous tenir dans la doctrine qui est la doctrine de la liberté de conscience, de l'indépendance du pouvoir civil, de l'indépendance de la société civile vis-à-vis de la société religieuse. Discours de Jules Ferry en 1880. [...]
[...] Caricature de Gil représentant Jules ferry balayant les Jésuites. Jules Ferry et la politique scolaire Au début des années 1880, les lois Ferry mettent en place une école républicaine, formatrice de citoyens. Elle sera laïque, gratuite et obligatoire. Ouverte aux filles comme aux garçons. Une formidable machine à instruire, à éduquer et à intégrer est née. Le véritable âge d'or de l'école. C'est ce que l'on retient en général de l'œuvre de Jules Ferry : il est vrai que c'est peut-être son action dans ce domaine qui a contribué le plus durablement à installer la République. [...]
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