Empruntée à l'ethnologue Lucien Lévy-Bruhl par Marc Bloch et Lucien Febvre, puis par Georges Lefebvre dans les années trente, la notion de « mentalité » telle qu'elle a été employée par les historiens ne saurait se réduire à une définition stricte et nécessite l'examen des multiples usages qu'ils en ont faits.
Plus exercée que théorisée, l'histoire des mentalités s'inscrit de fait dans la continuité de certains travaux des fondateurs des Annales, mais ne va connaître de véritables développements que durant les années 1960 et 1970 en s'imposant dans l'historiographie française sous la plume d'historiens tels que Philippe Ariès, Robert Mandrou, Georges Duby, Michel Vovelle ou encore Jacques Le Goff. Grâce à eux, la notion de mentalité va être le levier d'un rayonnement sans précédent de l'école des Annales tant auprès du grand public français qu'à l'échelle internationale.
[...] Trop globale, lorsqu'elle qualifiait une société d'une mentalité commune, la notion permettait des généralisations abusives et simplistes. De même, ses méthodes sérielles, quantitatives et privilégiant la longue durée, la rendaient trop peu attentive aux variations et aux appropriations individuelles, aux processus complexes de construction du sens, aux variations des échelles spatiales et au croisement des temporalités. Aujourd'hui, le développement d'une histoire des représentations (Roger Chartier, Alain Corbin, Pierre Laborie, Dominique Kalifa ) signifie à la fois la prise en main de l'héritage de l'histoire des mentalités et l'établissement d'une distance critique à son égard par l'enrichissement du corpus de sources étudiées et l'adoption de méthodes qualitatives mieux adaptées à ces objets d'histoire. [...]
[...] Grâce à eux, la notion de mentalité va être le levier d'un rayonnement sans précédent de l'école des Annales tant auprès du grand public français qu'à l'échelle internationale. L'adoption de ce type d'histoire marqua en tout cas une véritable dilatation du territoire des historiens, à travers l'étude de nouveaux objets historiques jusqu'alors délaissés tels que la peur, la mort, le corps, la pudeur, la sexualité, les rapports de parenté, l'inconscient, les croyances et les rituels collectifs D'emblée, l'histoire des mentalités a privilégié les mécanismes inconscients impersonnels et automatiques des pratiques sociales en délaissant leur part consciente et intentionnelle. [...]
[...] Pour Robert Mandrou, elle travaillait ainsi à la reconstitution des comportements, des expressions, des silences qui traduisent les conceptions du monde et les sensibilités collectives Pour autant, si de toute évidence elle fit surgir une histoire culturelle innovante et créatrice, cette histoire se contenta souvent d'appliquer aux mentalités des problématiques et des méthodes qui avaient assuré le succès de l'histoire socio-économique des années 1950 : séries, choix de sources massives permettant la quantification, primat du temps long, dichotomie entre culture populaire et culture savante, homologie entre les écarts culturels et les clivages sociaux Dans l'esprit des historiens des mentalités, il était question d'une histoire de troisième niveau étudiant les correspondances du mental avec le social et l'économique. Or, le rejet actuel de la notion de mentalité, orchestré par Geoffrey Lloyd. (Pour en finir avec les mentalités, 1993), réside d'une part dans son acceptation trop floue et d'autre part dans l'adoption de méthodes aujourd'hui fort discutées. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture