La première véritable exposition fut organisée par Neufchâteau en 1798, car elle était publique (donc gratuite) et nationale. La France est désormais dans le monde de l'émulation et de la méritocratie. Trois coups en un : politique ("la France a retrouvé sa prospérité"), nationale ("nous avons l'avantage sur l'Angleterre") et idéologique ("l'humanité est désormais engagée sur la voie du progrès, comme l'avait si bien prédit Condorcet"). Selon les critères actuels, il s'agirait plutôt d'une "foire-expo".
La première exposition universelle a lieu en Angleterre en 1851 et est caractérisée par sa monumentalité. La seconde est organisée par la France qui innove en associant les Beaux-arts aux produits agricoles et industriels. Les expositions universelles ne se limiteront pas eux produits de l'économie mais aura à parts égales une dimension artistique. La seconde nouveauté réside dans la forme même de l'initiative. C'est l'Etat qui prend en charge les dépenses de l'opération.
[...] La rétrogradation est particulièrement visible pour les pavillons allemand et soviétique. L'art dégénéré et bolchevique du Bauhaus est exclu du premier au profit d'un colossal néo- antique signé Albert Speer tandis que le second pratique la même damnation de la mémoire et tend vers le même style. Le pavillon italien symbolise dans sa construction même la lutte entre les modernistes et les partisans du Retour à l'Ordre. Il suffit pour s'en rendre compte de prendre connaissance des deux architectes retenus : le néo-classique Piacentini et le rationaliste Pagano. [...]
[...] Les adversaires ont conscience de cette manipulation. C'est pourquoi le principe même de l'Exposition fait désormais l'objet d'une virulente de la droite nationaliste au nom de la décentralisation et des bonnes mœurs. Maurice Barrès résume son jugement en deux substantifs : limonade et prostitution. B-L'excellence française L'omniprésence française n'est pas seulement due à sa qualité d'hôte. Elle tient aussi à l'autosatisfaction de celle qui prétend demeurer, en dépit des vicissitudes, la reine des arts, des armes et des lois. L'Ouest Eclair du 30 septembre 1900 illustre clairement cette fierté nationale, les lecteurs peuvent y lire : la peinture française témoigne d'une si haute supériorité [ ] qu'il serait puéril de s'essayer à en démontrer le triomphe ; ce triomphe éclate, s'impose, reçoit l'hommage universel. [...]
[...] Les expositions universelles sont donc véritablement l'occasion d'une mise en scène diplomatique. C-L'exotisme A la fois parce que le visiteur l'attend et que le visité, bon gré mal gré, l'accepte, le contact avec l'Autre se fait dons dans une certaine convention. Périmètre artificiel et précaire, l'Expo acquiert rapidement la fonction de dépayser. Comment ne pas verser dans l'exotisme temporel à l'époque la plus néo qui ait jamais été ? Dans l'exotisme spatial, en pleine période d'impérialisme colonial ? L'exotisme d'exposition est donc très relatif et s'adapte surtout aux goûts des visiteurs. [...]
[...] Les ambitions montantes de l'Allemagne et du Japon se déduisent de leurs pavillons de 1900. Les japonaiseries de 1878 laissent place à un pays métamorphosé par la politique d'occidentalisation du Meiji et qui figure aux côtés des puissances européennes. L'effet de l'édifice allemand va plus loin. Il touche au plus vif les sensibilités françaises en mettant en avant son dynamisme économique et son impérialisme maritime avec ses gigantesques dynamos, ses grues Une seule puissance dans ces conditions témoigne mal de sa promotion : les Etats-Unis. [...]
[...] L'Exposition est le lieu d'une concentration exceptionnelle en quantité, en qualité supposée et en cosmopolisme, des objets d'art. Elle est aussi propice au développement d'un lieu entre art et industrie. Il n'y a pas de controverse sur le fond en ce qui concerne la partie technique des expositions. L'art de l'exposition par excellence reste l'architecture. Les conditions réunies sont en effet rêvées : l'exception, la précarité, l'ostentation, le jeu, l'émulation. Par un privilège qui s'avère à la longue payant, l'art académique sculpté, par sa seule permanence dans les lieux publics, a fini par acquérir une patine de bon aloi. [...]
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