L'Allemagne est loin d'être un Etat unifié comparable à la France. Le Saint Empire Romain Germanique est alors un monstre politique et juridique, comprenant quelque 360 Etats souverains de tailles fort différentes, jaloux les uns des autres, ainsi qu'un millier de seigneuries autonomes. Il est déchiré par le dualisme prusso-autrichien qui a ruiné les dernières apparences de pouvoir que pouvaient encore détenir les empereurs. C'est un vieil édifice que personne ne respecte et qui s'écroulera en 1806 sans provoquer le moindre regret. Malgré le morcellement de cet Etat que Pufendorf qualifie de « monstre juridique », Montesquieu ou Rousseau en perçoivent la spécificité en tant qu'Etat, le premier appelant le Saint Empire Romain Germanique « République fédérative » et le Second « Corps Germanique ».
Bien plus qu'un lien politique, ce qui réunit alors les allemands, c'est la conscience d'appartenir à la même culture. En effet, depuis le milieu du siècle, une nouvelle élite intellectuelle se développe à la fois dans les grandes villes commerçantes et dans les résidences princières. C'est dans cette couche de petits bourgeois, ces Aufklärer ouverts aux Lumières venant d'Angleterre et de France, que naissent et s'épanouissent une nouvelle philosophie, une nouvelle littérature, soucieuses de leur originalité. Mais être allemand, ce n'en est pas moins être enfermé dans les étroites limites d'un Etat princier ou d'une ville libre d'Empire, et même si l'on se sent citoyen du monde, on n'en reste pas moins conscient que toute tentative révolutionnaire se heurterait très vite aux frontières des Etats et seraient par avance vouée à l'échec. L'Empire germanique était donc trop morcelé territorialement pour permettre à un mouvement révolutionnaire de se développer en grand et de se structurer dans une organisation centralisée comme ce fut le cas de la France. La Révolution n'en est pas moins ressentie comme un événement considérable par tous ces intellectuels allemands.
[...] De plus, cette république est sacrifiée, avec la mort de son protecteur Hoche d'une part, et au nom de la diplomatie européenne d'autre part : est signé le traité de Campo Formio (octobre 1797) dont quelques arrangements secrets assurent à la France la reconnaissance de la rive gauche du Rhin. Au Congrès de Rastadt effectivement, le Directoire voit reconnu ses droits à la frontière du Rhin. Il faut donc mettre fin à la naissante République cisrhénane, et les généraux reçoivent l'ordre d'inviter les Républicains rhénans à solliciter l'annexion à la France. [...]
[...] Cette République peut s'appuyer sur les activités d'un nouveau réseau de clubs politiques particulièrement dense. Bénéficiant du soutien des militaires français qui annoncent la destruction des dîmes et des charges féodales, les nouvelles autorités abolissent les distinctions de la bourgeoisie. Des bourgmestres jacobins prennent le pouvoir à Coblence et, momentanément, à Bonn. Leur succès tient en grande partie à l'élargissement de leur base sociologique, mêlant les catégories de la moyenne et petite bourgeoisie à celles du monde de l'artisanat et du petit commerce. [...]
[...] Les atrocités allemandes font bien vite regretter les français. De retour en France, Custine paiera de sa tête la reddition de Mayence. Certes, l'écroulement de la république de Mayence a des explications avant tout militaires, mais des signes évidents de faiblesse trahissaient un régime sans base solide. Ne pouvant plus nourrir ses soldats sur les réquisitions que les paysans ne pouvaient plus verser, Custine les laisse aller au pillage, et se laisser aller à traiter Mayence en pays conquis. Les clubistes, de leur côté, ont voulu faire la révolution en se coupant du peuple, sans se rendre compte que le légitimisme était encore fort, le poids des corporations énorme, les préjugés encore vivaces et les prêtres toujours très écoutés. [...]
[...] Le duc en profite alors pour dissoudre le Landtag et arrêter les meneurs jacobins. Ces derniers retrouvent espoirs quand Moreau envahit de nouveau la Souabe, mais le général préfère traiter avec les autorités ducales plutôt qu'avec les démocrates souabes. Des phénomènes tout à fait analogue se déroulent en Bade, avec un projet de république badoise proposée à la France ; ici encore, Moreau déçoit les agitateurs locaux, en préférant signer un armistice avec les autorités en place (20 juillet 1796). [...]
[...] Aucun soulèvement antifrançais cependant, et des patriotes continueront à manifester leur loyalisme, comme Georg Friedrich Rebmann ; il publie en 1802 un petit opuscule, Coup d'œil sur les 4 départements de la rive gauche du Rhin, témoignage de son loyalisme mais aussi catalogue des dysfonctionnements administratifs. Il conclue en déplorant l'absence de sentiment national en Allemagne, et en rend responsable le Saint Empire. Malgré les maladresses, l'occupation française a préparé la Rhénanie moderne ; l'après 18 Brumaire représente une période de stabilité et d'organisation d'un régime républicain après la période d'ambiguïté du Directoire. [...]
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