Les années trente apparaissent comme une importante charnière dans les grands conflits idéologiques qui ont opposé les Français entre eux ; elles sont marquées par un contexte de profonde perturbation de l'ensemble des structures nationales, économiques, sociales, politiques et morales. Ce qui en fait l'originalité est l'apparition d'idéologies nouvelles et donc le déplacement des frontières des camps en présence. Toutefois, cette « guerre franco-française » apparaît comme un simulacre, puisque les armes sont celles du discours et la bataille journalistique.
La crise des années trente n'est pas qu'économique, comme on l'a souvent considéré, mais elle coïncide avec la prise de conscience de la population d'une situation insupportable, débouchant sur une remise en cause des valeurs établies, et sur un désir de changement structurel.
[...] D'autre part, ce que Jean Touchard a appelé l'esprit des années trente véritable bouillonnement intellectuel, difficile à classer : Néo-socialistes, Jeunes Turcs radicaux, personalistes catholiques, mouvements spiritualistes autour de la revue Ordre Nouveau, traditionalistes de Combat ou de Réaction, fascistes de Je suis partout, planistes marxistes, technocrates, corporatistes cherchant des solutions aux problèmes nouveaux par un exécutif fort, le refus d'idéologies matérialistes, nécessité d'une organisation de l'économie et de la société entre l'anarchie libérale et la bureaucratie socialiste et très souvent une volonté d'ouverture internationale, destinée à bannir la guerre. Toutefois, ces idées ne sortent pas des cercles restreints où elles sont élaborées. [...]
[...] Fascisme et communisme existent secondairement dans les deux camps de 1936 mais servent à étiqueter commodément l'adversaire et à mobiliser contre eux ses adversaires. Jusqu'en 1936 l'antifascisme cimente les partis de gauche, à partir de 1937-38, l'anticommunisme rassemble la droite et le centre, alors qu'on se détourne des vrais problèmes qui demeurent sans solution. La prolongation de la crise économique en France, la montée du nazisme à partir de 1936 ne contribuent pas au clivage politique mais sont utilisés comme arguments à l'appui de ses clivages par la dénonciation l'échec de la politique économique de gauche ou dans la diabolisation de la droite cliente du fascisme. [...]
[...] Les militants de l'Action Française se réclament de la monarchie à la suite de Maurras. Le retour à l'idéologie et ses conséquences. Améliorer la condition des Français exigerait des mesures techniques d'assainissement financier (dévaluation), de relance de la production et de lutte contre le chômage (grands travaux) qui n'ont pas de couleur politique déterminée. Il n'y a pas de lien de cause à effet entre la crise et l'affrontement politique. Toutefois, on pense que les lois fondamentales de l'économie libérale doivent être respectées, à gauche comme à droite : maintien de la valeur de la monnaie, rétablissement de l'équilibre budgétaire, non-intervention de l'Etat. [...]
[...] Tout cet équilibre vole en éclats avec la 1ère Guerre Mondiale. L'inflation ruine l'épargne, alors que les spéculateurs font fortune, la petite propriété apparaît archaïque face à la concentration des entreprises favorisée par la Guerre. La morale républicaine s'en trouve ébranlée. Sans doute le régime républicain s'est montré capable de mener le pays à la victoire, mais il a changé : le parlementarisme, considéré comme indissociable de la démocratie libérale, est remis en cause, soit dans la personne de ses députés (Turmel accusé de trahison, Caillaux et Malvy suspectés), soit dans son bavardage censé avoir freiné les généraux. [...]
[...] Les manifestants de 1934 ne se réclament pas d'une idéologie constituée. Ils n'ont pas de chef à opposer aux gouvernants et suivent en aveugle leurs maîtres à penser d'occasion, qui profitent de la crise économique pour imposer leur idéologie. Les champions de la République Entre 1934 et 1936, les camps restent les mêmes que pendant l'affaire Dreyfus. Les défenseurs du régime sont conduits par le parti radical-socialiste qui s'identifie au parlementarisme. Le pouvoir est exercé depuis 1932 par les leaders de premier plan qui deviennent présidents du Conseil, Herriot, Daladier, Albert Sarraut, Camille Chautemps. [...]
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